La semaine pascale en Côte d’Ivoire fut très mouvementée, du moins sur la toile. Les entreprises opérant dans le domaine des télécommunications que sont Orange-ci, Mtn et Moov, ont subi le courroux des ivoiriens, du fait de l’augmentation du tarif des data.
La recherche de l’argent, un sport national en Côte d’Ivoire
L’Artci, l’organe de régulation du secteur des télécommunications, ne fut pas épargnée, malgré son communiqué laconique pour se laver les mains et dire qu’elle n’est pour rien dans ces augmentations, comme le fit Ponce Pilate au jugement de Jésus Christ. Mais les ivoiriens n’ont véritablement pas de quoi à être surpris, relativement à cette situation. Celle-ci est la résultante d’une philosophie et surtout d’une profession de foi martelée des années avant : « chercher l’argent ».
On se rappelle qu’en 2010, un candidat à l’élection présidentielle, avait déclaré : « mon travail, c’est chercher l’argent ». Des ivoiriens ont applaudi des deux mains et des deux de pieds et jurèrent que tous leurs problèmes s’estomperaient dès lors que celui dont le travail est de chercher l’argent, aurait les rênes du pouvoir entre les mains. Il irait par monts et par vaux, sous la pluie et sous le soleil, le jour et la nuit, fouiller et bêcher, pour chercher l’argent et trouver ainsi des réponses aux nombreuses préoccupations existentielles qui les assaillent. Il les rendrait riches comme Crésus. Comme pouvait-il en être autrement ?
Le 11 avril 2011, le vœu de voir celui dont le travail est de chercher l’argent accéder à la magistrature suprême fut exaucé. Et comme le nouveau premier magistrat, inspire de nombreux ivoiriens, alors chacun s’est mis à chercher l’argent en fonction de sa position, de ses prérequis, de ses acquis, de son savoir, de son savoir-être, de son savoir-faire, et de son savoir-faire faire. Ainsi ceux qui occupent une position privilégiée dans l’administration, dans les entreprises publiques et parapubliques, ont mis ces administrations et ces entreprises en coupe-réglée, cherchant ce fameux argent dans les caisses de leurs structures.
Les petits fonctionnaires et les petits employés ne sont pas en reste. Tout y passe. Les actes administratifs, les différentes étapes des concours ou des examens, en un mot tous les services dus aux usagers sont devenus des sources intarissables pour mettre en œuvre la profession de foi : chercher l’argent. La leçon fut si vite apprise et assimilée qu’un journal nous apprend que notre pays compte à ce jour, 2 200 milliardaires. Dans cette frénésie de « chercher l’argent », l’Etat n’était pas en reste. C’est une course effrénée de recherche d’argent sur les marchés financiers, par des emprunts obligataires, des crédits, des dons, etc.
Payer, payer et payer…
Les résultats furent si probants que des journaux, dans un triomphalisme délirant, pouvaient titrer fièrement à leur une : « Côte d’Ivoire is back » ou « pluie de milliards sur la Côte d’Ivoire ». Auréolé par tant de succès à l’extérieur, l’Etat de Côte d’Ivoire ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin dans sa recherche d’argent. Après les marchés financiers, il va se tourner vers les entreprises privées pour leur faire cracher « le djai », à travers des lois de finances très novatrices et en avance sur leur temps. L’Etat n’oublie non plus de fouiller les poches des citoyens pour trouver l’argent, que ces avares d’ivoiriens ne veulent pas sortir, mais voudraient bien garder par devers eux.
Désormais, ces ivoiriens devront payer lorsqu’ils enjambent un pont, payer lorsqu’ils empruntent une route bitumée, et payer plus cher lorsqu’il lance un appel téléphonique, ou lorsqu’ils naviguent sur internet. Comme on le voit, les entreprises de télécommunication, ne sont pas seules en cause dans le désagrément causé aux ivoiriens au cours de cette semaine pascale. La surprise et la déception exprimées par les ivoiriens sont à la dimension de leur joie lorsqu’ils ont appris que celui dont le travail est chercher l’argent, tenait désormais en mains leur destinée.
Il faut bien chercher l’argent
Comme mentionnée là-haut, la recherche de l’argent est si bien ancrée dans la conscience collective des ivoiriens que cela est devenu un sport national, et certains sont prêts à tout pour en avoir. Tout le monde s’y met désormais. Ainsi, des ivoiriens, à peine sortis de l’adolescence, ont mis en œuvre un mode opératoire particulier pour mettre en pratique la profession de foi qui est de chercher l’argent. Evoluant en groupe et munis de couteaux, de machettes ou de haches, ils peuvent investir en toute tranquillité tout un quartier, et pendant des heures, voler, blesser, et tuer pour un téléphone, un ordinateur ou de l’argent, sans une once de remord. Il faut bien chercher l’argent.
Et pour saluer leurs performances et les encourager pour avoir vite assimilé la leçon, ils reçurent un joli nom de caresse : « enfants en conflits avec la loi ». Il y a enfin, ceux des ivoiriens, qui le soir tombé, munis de feuilles et de stylos, s’adonnent à des calculs complexes pour espérer gagner de l’argent en vitesse au loto, qu’on dit être ghanéen. Mais ceux-là, il faut le reconnaître ne font du mal à personne. Aujourd’hui, les ivoiriens peuvent bien se lamenter, se plaindre, pleurnicher parce qu’ils achètent ou payent très cher les denrées alimentaires et les services. Mais c’est à tort et c’est une mauvaise querelle qui est faite. Celui dont le travail est de chercher l’argent, n’a jamais dit que la poche de ces ivoiriens serait épargnée dans ce qu’il sait faire le mieux : chercher l’argent. Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.