Si un homme politique sénégalais connait des tribulations de toutes sortes ces dernières années, c’est bien Ousmane Sonko. Cela rappelle un certain Abdoulaye Wade à une certaine époque.
Ousmane Sonko, un opposant familier des procès et de l’emprisonnement de ses partisans
Connaitra-t-il le même parcours que son illustre prédécesseur ? Seul l’avenir nous le dira. Mais on retiendra que l’homme politique de l’opposition sénégalaise n’en finit pas avec les procès ; procès pour viol en cours, procès pour diffamation, injures et faux intenté par le ministre du Tourisme M. Mame Mbaye Niang. Véritable empêcheur de tourner en rond, Ousmane Sonko est donc familier des procès et de l’emprisonnement de ses partisans.
D’aucuns prédisent même la fin de son ambition présidentielle, s’il venait à être condamné par la justice sénégalaise, dans l’affaire qui l’oppose au ministre sénégalais du tourisme. C’est là le quotidien des opposants sous nos tropiques. Ses partisans dénoncent une manœuvre et une instrumentalisation de la justice pour le mettre hors-jeu relativement aux joutes électorales à venir, quand ses détracteurs l’accusent de se servir de la rue pour se dérober face à la justice de son pays.
En tout état de cause, ce que vit Ousmane Sonko est symptomatique du vécu quotidien des opposants sous nos tropiques où tous les prétextes sont bons pour tenir à l’écart tous ceux qui représentent un certain danger pour le pouvoir en place. On a encore en mémoire, la mise hors compétition du maire de Dakar, M. khalifa Sall, pour une condamnation à une peine de prison ferme, ou des tribulations de Karim WADE, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, qui a connu le même destin.
Situation délétère
Cette situation délétère ne laisse personne indifférent. Une centaine d’intellectuels, écrivains, chercheurs, journalistes sénégalais et étrangers, dans un texte rendu public il y a quelques jours, demandait au président Macky Sall de « revenir à la raison ». Pour ceux-ci, le Sénégal vit « une continuelle escalade répressive qui préfigure des lendemains incertains… ». Pendant ce temps, le président Macky SALL continue d’entretenir le doute et le flou, quant à sa volonté de briguer ou non un troisième mandat.
Mais il y a des signes et des déclarations qui ne trompent pas, et qui ont déjà été entendues ailleurs, dans des circonstances identiques. En effet, M. Macky SALL affirme que seuls des facteurs politiques et non constitutionnels pourraient l’empêcher de se présenter à la future présidentielle. Ce qui signifie donc que son éventuelle candidature n’est pas anticonstitutionnelle. Cependant, la même constitution, bien que réformée, prévoit que la durée du mandat présidentiel, est de cinq ans (et non plus sept), et que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».
Mais le président du Sénégal a réussi le tour de dénicher des juristes qui lui auraient fait savoir que son premier mandat était « hors de portée » de la reforme (constitutionnelle). C’est dire que le premier mandat ne peut être comptabilisé dans les mandats à son actif au regard de la constitution réformée. Cela rappelle bien le débat qui a eu lieu en Côte d’Ivoire. Les tenants du pouvoir actuel, en dépit des affirmations des rédacteurs de la nouvelle constitution, comme le ministre Cissé Bacongo, pour qui ni l’ancienne constitution qui était sur le point d’être abrogée, ni la nouvelle, sur le point d’être adoptée, ne permet à un président qui a déjà deux mandats à son actif, d’en solliciter un troisième, déclaraient sans sourciller qu’il s’agissait du premier mandat de la troisième République et non d’un troisième mandat.
Le Sénégal sur les traces de la Côte d’Ivoire
Le ministre Bacongo et le groupe d’experts, avec à sa tête le professeur Ouraga Obou, n’ont pas eu le courage de soutenir ce qu’ils ont martelé au peuple ivoirien, des mois durant, et le troisième mandat devint une réalité en Côte d’Ivoire. Cette violation de la constitution pour se maintenir au pouvoir a donc fait tache d’huile. Après la Guinée (expérience écourtée) et la Côte d’Ivoire, le Sénégal est certainement sur le point d’emprunter cette voie.
C’est le lieu d’en appeler, ici et maintenant à la Cedeao. Celle-ci, prête à mettre sur pied une force anti-coup d’Etats, ferait mieux de combattre également les tripatouillages constitutionnels, qui aboutissent également à une autre forme de coup d’Etat : le coup d’état constitutionnel. En Guinée, le « coup d’Etat constitutionnel » d’Alpha Condé a engendré le coup d’Etat militaire du colonel Doumbouya, que la Cedeao s’est empressée de condamner, alors qu’elle était muette comme une carpe, quand Alpha Condé tripatouillait les textes pour se maintenir au pouvoir.
Au Sénégal, c’est maintenant que la Cedeao doit anticiper sur ce qui pourrait advenir. Certes Macky Sall n’a encore rien décidé, mais les pas qu’il pose, donnent du grain à moudre à ceux qui pensent qu’il est contaminé par le syndrome du troisième mandat, et que celui-ci serait en téléchargement. L’avenir nous situera à cet effet. Ainsi va l’Afrique. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.