Lentement mais sûrement, le monde, avec le conflit qui se déroule en Ukraine, s’achemine inéluctablement vers un remodelage, où seront signés la fin d’une époque et le début d’une autre, avec un changement des équilibres internationaux. Le monde occidental, dont l’hégémonie sur le reste du monde perdure depuis des siècles, commence à perdre pied, quand on voit poindre à l’horizon de nouvelles puissances telles que la Chine, l’Inde, la Turquie et même l’Iran sans oublier la Russie. Ces puissances émergentes contestent désormais à visage découvert, la mainmise des puissances occidentales sur le reste du monde, leur omniprésence étouffante, dont elles veulent désormais s’affranchir, et surtout la prétention de ces occidentaux de présenter leur vision du monde comme universelle.
Mainmise des puissances occidentales sur le reste du monde: Quand l’occident tend vers son crépuscule et n’effraie plus personne
Autant on note la montée en puissance de ces pays émergeants, proposant une voie nouvelle, autant on observe que lentement, mais sûrement l’occident tend vers son crépuscule et n’effraie plus personne. Cela s’est vu quand il fallait soumettre la Russie à des sanctions, à l’effet de la dissuader dans la poursuite de son opération spéciale en Ukraine. Hormis l’Union Européenne, les Etats-Unis, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud, aucun autre pays du monde n’a accepté de mettre la Russie sous embargo.
Les injonctions, les menaces, les pressions et autres intimidations, n’y firent rien et n’ont pas eu les effets escomptés. Même les pays africains, toujours prompts à emboucher la même trompette que l’Union Européenne, surtout la France, pour ce qui est des pays africains francophones, ont préféré regarder ailleurs et se mettre à équidistance entre le bloc occidental et la Russie. Cela est inimaginable. Quelques années en arrière, le monde entier aurait suivi cette décision des occidentaux sans se poser de questions, de peur des représailles qui pourraient s’ensuivre.
Mais avec ce qu’il a été donné de voir en Irak, en Lybie, en Afghanistan et aujourd’hui en Ukraine, avec son lot d’indignation à géométrie variable, dont font preuve les peuples occidentaux, on note beaucoup de réticences de l’Afrique, de l’Asie, de l’Amérique Latine et du Moyen Orient à suivre les occidentaux dans leurs aventures. Un ressort est assurément cassé et l’eau a coulé sous le pont.
Pour rappel, quand le 11 septembre 1991, le président américain, Georges W. Bush, s’extasiait devant l’avènement d’un nouvel ordre mondial à la suite de l’effondrement de l’Urss, il ne faisait aucun doute dans son esprit que ce nouvel ordre est celui des Etats-Unis, dont le leadership était indiscutable et incontournable. Dans la conscience collective des américains et de leurs alliés, ils avaient gagné la guerre froide. Désormais, comme le soutient l’économiste politique américain, Francis Fukuyama, le monde est éclairé par la victoire du libéralisme et c’est la fin de l’histoire, faute de combattants en face.
Vers un monde multipolaire qui sonnera le glas d’un occident en déclin
Ce fut la période faste pour les occidentaux d’implanter partout, leurs « valeurs universelles », au besoin à coup de bombes. L’Irak, la Lybie ou l’Afghanistan sont là pour l’attester. La Russie, sortie des décombres de l’empire soviétique totalement affaiblie, faisait l’objet de mépris et n’avait guère droit au chapitre. Mais en réalité, il n’y a pas eu de victoire des Etats-Unis et de leurs alliés dans la confrontation Est-Ouest. Le bloc soviétique n’a pas succombé aux coups de boutoirs des occidentaux, mais le système s’est effondré du fait de contradictions et de difficultés internes.
Cette illusion de victoire a fait penser aux occidentaux qu’ils pouvaient régenter le monde au gré de leurs humeurs, de leurs désirs et de leurs intérêts. Avec la situation qui prévaut en Ukraine, de nombreuses personnes regardent désormais la Russie d’un autre œil. Nonobstant les nombreuses sanctions qui s’abattent sur elle, la Russie résiste et ne fléchit pas, déjouant ainsi les projections et les certitudes de nombreux experts européens. Si la Russie s’en sort relativement bien, tel n’est pas le cas des européens.
Contraints de se passer du gaz russe, ils achètent celui de leur allié, les Etats-Unis, quatre fois plus chers. De nombreuses entreprises européennes sont sur le point de se relocaliser aux Etats-Unis où un environnement plus propice leur est offert. Les Européens sont encore sur le point de se délester de leurs chars de combats, pour les donner en Ukraine. Très bientôt, ils seront dans l’obligation de s’en procurer chez leur stratège allié. Le grand gagnant dans ce « Russia bashing » reste les Etats-Unis, et les européens boiront le calice jusqu’à la lie.
Le reste du monde, et même les alliés traditionnels, fidèles et soutiens objectifs des occidentaux comme l’Arabie Saoudite, n’ont désormais que faire de leurs demandes et de leurs injonctions, préférant avoir commerce avec la Chine, l’Inde ou la Russie. C’est le signe évident et le symbole achevé que « le temps qui était le temps, n’est plus le temps qui est le temps ». Il point à l’horizon, la perspective d’un monde multipolaire qui sonnera le glas d’un occident en déclin et de son illusion d’être le centre du monde. Ainsi va le monde. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.