L’ambiance est tendue dans la ville de Bangolo. En effet, plusieurs coopératives exerçant dans le secteur du vivrier dénoncent le détournement du projet de construction du marché de gros destiné à la ville de Bangolo au profit d’une autre localité. Lors d’une conférence de presse, le vendredi 10 février 2023 à Bangolo, Goulé Martine, présidente de l’Union des femmes productrices de vivriers de Bangolo a interpellé le gouvernement.
Construction du marché de gros de Bangolo : Des coopératives dénoncent un détournement du projet
« Un programme de construction de 155 marchés de proximité a été lancé par le gouvernement. Plusieurs localités, dont la ville Bangolo, ont été choisies pour l’exécution de ce projet en vue de soulager les acteurs du secteur du vivrier et booster l’économie locale de ces zones à fort potentiel agricole. Mais contre toute attente, le marché de gros qui devait revenir de plein droit à Bangolo conformément à la volonté du chef de l’État a été détourné en faveur du village de Binao à des kilomètres de la ville choisie par le gouvernement ivoirien», a dénoncé Goulé Martine.
Avant de révéler : « Il est clair qu’on veut spolier Bangolo de ce qui lui revient de droit au profit d’un petit groupe. Sinon comment comprendre que l’Office d’aide à la commercialisation des produits vivriers (OCPV), l’autorité étatique en charge de ce projet préfère délocaliser le marché de proximité dans un village et confier la gestion de ce marché à des femmes qui n’ont aucun lien avec le secteur du vivrier à Bangolo», a dénoncé la présidente de l’Union des femmes productrices de vivriers de Bangolo. Et de conclure : « Le choix et la gestion d’un tel édifice doivent être faits en concertation avec les parties prenantes comme le recommandent les principes de la décentralisation, de la promotion du développement local et de la gestion de projet. Si cette démarche avait été faite objectivement, cette crise autour du projet n’aurait pas lieu », a indiqué Goulé Martine.
Bangolo : Un consortium des coopératives agricoles du vivrier accable la direction régionale de l’OCPV
Pour le président du consortium des Coopératives agricoles du vivrier et commerciale de l’ONG Cap Ouest, le directeur régional de l’OCPV gère le dossier de façon opaque. « Le directeur régional de l’OCPV veut gérer les 159 millions alloués au projet avec des personnes étrangères à Bangolo et au monde du vivrier de la localité. Sinon comment comprendre que ce dernier a attribué de façon unilatérale la gestion du marché à 3 femmes dont l’une est l’épouse du maire de Bangolo ? Aussi, la présidente désignée par le directeur Régional de l’OCPV pour la gestion de ce projet, Mme Bly Mauricette n’est pas actrice du secteur du vivrier à Bangolo comme l’exige le cahier de charge pour la gestion d’un tel projet », a dénoncé Tah Glao Aquilas, cadre de la région et président de l’ONG Cap Ouest, une structure spécialisée également dans l’encadrement des coopératives à Bangolo.
Il n’a pas manqué de tirer la sonnette. « Les choix des gestionnaires de ce projet et du site de Binao visent à satisfaire les intérêts d’un petit groupe qui gravite autour du directeur régional de l’OCPV surtout qu’un fonds de 10 millions FCFA est aussi prévu par région pour la dotation des sites de groupage et d’achats des produits vivriers. À terme, ce sont plus de 400 millions de FCFA qui seront injectés par l’État dans ce projet. Des montants importants qui aiguisent déjà l’appétit des responsables régionaux de l’OCPV avec visiblement la complicité du maire de Bangolo. On ne peut par léser tout un département au profit de quelques personnes qui attendent juste ses fonds», a indiqué Tah Aquilas.
Pour le patron de Cap Ouest, la seule porte de sortie de crise serait de remettre les acteurs du vivrier de Bangolo au cœur de ce projet et restituer le projet à Bangolo conformément à la volonté du gouvernement ivoirien. « Nous voulons que justice soit rendue à Bangolo et à ses populations surtout que la ville n’a pas de marché malgré son statut de chef-lieu de région. Que le ministre du Commerce, M. Souleymane Diarrassouba réagisse avant qu’il ne soit trop tard», a plaidé Tah Aquilas. Interrogé, le maire de ladite localité confirme avoir mis à la disposition de l’OPCV le site de Binao.
Le maire et le directeur régional de l’OCPV se défendent
« Nous n’avons pas de domaine public important pour accueillir ce projet qui mobilisera plusieurs camions remorqueurs de vivres d’où le choix du site de Binao, un village situé à 7 km de Bangolo. J’ai proposé ce site au directeur régional de l’OCPV qui n’a pas trouvé d’inconvénient. Je ne veux pas que cette affaire soit politisée, car Bangolo n’en a pas besoin en cette période préélectorale », a indiqué le maire Gah Yémoly Arsène. Avant de reconnaitre que son épouse a été cooptée comme vice-présidente pour la gestion de ce marché.
« J’ai fait des propositions de noms au directeur régional de l’OCPV pour la gestion de ce futur marché de gros vu que je suis le premier magistrat donc ayant un droit de regard sur la gestion de cette infrastructure », admet le maire de Bangolo. Joint, le directeur régional de l’OCPV se veut plus menaçant. « Nous sommes une structure étatique et nous travaillons en premier lieu avec les collectivités territoriales, dont les mairies et les coopératives. Bangolo aura un autre marché dans le cadre d’un autre projet en gestation. Que Cap Ouest construise son propre port sec et en fasse la gestion qu’elle voudra. Mais le centre de collecte qui sera construit sera géré par l’OCPV en collaboration avec les acteurs précités dans la nomenclature du comité de gestion, dont Mme Bly Mauricette, notre interlocutrice », a affirmé Okoma Koffi Honoré.
Également joint au téléphone, Mme Bly Mauricette affirme être la présidente de la fédération des unions des sociétés coopératives des montagnes et soutient agir en parfaite collaboration avec la direction régionale de l’OCPV. Des sources propres du dossier, l’organisation coopérative de Mme Bly Mauricette serait mise en place hâtivement pour justifier les actions du patron régional de l’OCPV. Des accusations démenties par celle-ci. De sources concordantes, les femmes de Bangolo et les acteurs du vivrier lanceront des actions dans les jours à venir pour réclamer justice. Une situation chaude qui doit interpeller le gouvernement dans cette zone martyrisée par la décennie de crise militaropolitique qu’a connue la Côte d’Ivoire.
Une correspondance particulière de Dimitry Chrysostome