Le Burkina Faso, comme a eu à le faire le Mali, réclame le départ de l’armée française de son territoire. Bis repetita serait-on tenté de s’exclamer. Depuis quelque temps, la présence de l’armée française au Burkina Faso, jugée pesante et inopérante est contestée par des citoyens burkinabé, à travers des manifestations de rue. Le gouvernement burkinabé qui a prêté une oreille attentive à la clameur publique qui réclamait ce départ, a dénoncé dans ce mois de janvier 2023, l’accord qui régit la présence des forces française au Burkina Faso depuis 2018. Outre la dénonciation de l’accord militaire, le gouvernement burkinabé exige également, le départ de l’ambassadeur français au Burkina, M. Luc Hallade, et son remplacement. Si on ajoute à cela, que depuis décembre 2022, Radio France Internationale (RFI) est suspendue de diffusion sur le territoire burkinabé, il apparait que la machine de coopération entre la France et le Burkina Faso a pris des grains et est bien grippée. Autant dire qu’avec cette décision burkinabé, les temps sont devenus difficiles pour la France en Afrique.
Après le Centrafrique et le Mali, la France vient de perdre pied au Burkina Faso
Après le Centrafrique et le Mali, la France vient de perdre pied au Burkina Faso, « Le temps qui était le temps n’est plus le temps qui est le temps ». Et comme d’habitude, pour expliquer leurs déboires, les têtes pensantes françaises, ont embouché leur rhétorique favorite : les autorités burkinabé viennent elles-aussi de succomber au chant de sirène de la propagande russe. A aucun moment, ces français n’ont fait d’introspection pour réellement s’expliquer tous ces déboires, dans des pays qui constituaient leur pré-carré et où ils faisaient et défaisaient les dirigeants, sans que le ciel ne leur tombe sur la tête. Arc-boutés sur leurs certitudes, ils n’ont pas changé le regard qu’ils posent sur l’Afrique depuis 1960, encore moins changé leurs paradigmes d’approche de la relation avec les Etats africains.
Le président français, M. Emmanuel Macron semble être dépassé par la célérité avec laquelle, le Burkina Faso a dénoncé l’accord militaire signé entre la France et le Burkina Faso, au point de demander des explications et des clarifications. Or l’accord lui-même dit explicitement que la dénonciation doit se faire par une notification écrite. C’est ce que fit le gouvernement burkinabé. A l’évidence, le président français, sûr de son fait, n’a pas vu venir les choses, encore moins ne les a anticipées. Après le Centrafrique, le Mali et aujourd’hui le Burkina Faso, il est grand temps que la France marque un temps d’arrêt pour objectivement repenser sa coopération avec ses anciennes colonies, et cherche surtout à déterminer ce qui pose problème dans son pré-carré. La rhétorique de la propagande russe ne prend plus.
Les griefs portés à l’endroit des français sont les mêmes, du Mali au Burkina Faso, en passant par le Centrafrique. Tous ces pays, aux prises avec des rebelles, des terroristes et des djihadistes, ont noté que nonobstant la présence massive de l’armée française sur leur territoire, la situation sécuritaire est allée de mal en pis. De leurs réactions, il serait hasardeux de conclure à un sentiment anti-français. Il faut plutôt y avoir l’échec de l’aide française à la lutte contre les groupes armés qui mettent en danger la stabilité des pays susmentionnés. Il va sans dire que pour les trois pays, si l’aide de la France n’a pas permis de régler leur problème, la recherche d’autres partenaire à même de les aider, sans conditions et sans chantage, est d’une absolue nécessité, et si c’est la Russie qui tend la main, il n’ y aucune honte à la saisir.
L’intervention française au Mali a donné à réfléchir à plus d’une personne
Cela est suffisant pour que les cartes soient rebattues et que ces pays prennent en mains leurs destins. Il ne s’agit nullement de passer d’une puissance coloniale à une autre. Quoi que la Russie, le nouveau partenaire convoité, en dépit de ce qui se dit, n’a pas eu de passé colonial en Afrique. Ce n’est un secret pour personne, la situation sécuritaire délétère qui sévit au Sahel et dans d’autres contrées, est inhérente à la mise en lambeaux de la Lybie sous la houlette de la France de Nicolas Sarkozy. Pour y arriver, la France a eu à armer et financer des groupes armés qui, une fois la Lybie à terre, ont cherché d’autres terreaux fertiles pour leurs ambitions. Dans ces conditions, comment la France peut objectivement combattre efficacement ceux qu’elle a armés et à qui elle est redevable?
En outre, l’intervention française au Mali a donné à réfléchir à plus d’une personne. Après la reconquête de Gao et de Tombouctou où français et maliens ont combattu côte à côte, l’armée française a empêché l’armée malienne d’entrer à Kidal, qui devint le sanctuaire des terroristes et autres djihadistes. Cet acte, seul, suffit pour conclure que l’intervention française en Afrique est mue par des calculs qui ne coïncident pas toujours avec les intérêts des peuples qu’ils sont censés aider. Rien que pour cela, la méfiance est de mise partout où l’armée française s’installe. On se rappelle que lors de sa visite au Burkina Faso, en 2017, où il a tourné en dérision le président Burkinabé de l’époque, M. Roch Christian Kaboré, le président français avait affirmé avec force, que si des Etats africains, veulent quitter le FCFA, ils sont libres de le faire.
Il a aussi ajouté que si d’autres veulent le départ des troupes françaises de leur sol, celles-ci s’en irait sans difficultés. Comme on le voit, c’était l’euphorie de début de mandat, où était annoncée la fin de la Francafrique, et le début de « relations décomplexées » avec l’Afrique. D’où vient qu’aujourd’hui, pris au mot par les autorités burkinabé, Emmanuel Macron veuille des explications et des clarifications ? La clarification a déjà été clarifiée de sorte qu’il n’y a plus de clarification à clarifier. Voilà qui est clairement clair. Assurément, l’eau a coulé sous le pont… Ainsi va la relation franco-africaine. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.