Il est désormais acquis qu’en Côte d’Ivoire, toute déclaration du président Laurent Gbagbo doit donner lieu à une réponse automatique des tenants et des soutiens objectifs du pouvoir. Seul change, « le répondeur automatique ».
Pourquoi le RHDP s’entête à répondre à Gbagbo
Il y a eu tour à tour le porte-parole du gouvernement, M. Amadou Coulibaly, le ministre Mamadou Touré, l’ex-directeur exécutif du Rhdp, ci-devant président de l’Assemblée nationale, M. Adama Bictogo. La liste n’est pas exhaustive.
Aujourd’hui, c’est au tour du ministre Cissé Bacongo de monter au créneau pour « recadrer » le président Gbagbo.
Pour rappel, avant la visite du président du PPA-CI dans la région de la Mé, des individus se réclamant du premier ministre Patrick Achi, ont proféré des menaces et des intimidations pour dissuader Laurent Gbagbo d’effectuer le déplacement. D’autres encore se sont attelés à déchirer les affiches publicitaires relatives à la visite.
Commentant ces actes et paroles d’un autre âge, l’ancien chef d’État a entre autres, déclaré : « …Si je n’ai pas eu peur d’Houphouët lui-même, ce n’est pas de ses enfants je vais avoir peur…Donc chers amis, il faut bannir la peur…mais en même temps, il faut que nous créions un système de démocratie pour que ceux qui veulent faire la politique, n’aient pas de raison d’avoir peur… ».
Comme il fallait s’y attendre, un « répondeur automatique » de la case ronde, en l’occurrence le ministre Cissé Bacongo, n’a pas attendu longtemps pour donner la réplique. Celui-ci estime que Laurent Gbagbo devait plutôt « dire merci » au chef de l’Etat pour tout ce que fait le régime pour lui, pour toutes les commodités et largesses mises à sa disposition.
Cette partie de la sortie du secrétaire exécutif du RHDP appelle des commentaires. En effet, il est grand temps qu’on arrête de faire croire aux Ivoiriens, que chaque fois qu’un des leurs, de surcroit un ancien président de la République, rentre en possession de ce qui lui est dû, au regard des textes, que cela relève de la « magnanimité légendaire » et du « cœur en or » du chef de l’Etat. Ce dont a bénéficié ou continue de bénéficier Laurent Gbagbo est contenu dans notre loi fondamentale. Appliquer les dispositions de cette loi fondamentale, n’est pas du tout une largesse.
Il faut arrêter de se faire peur
Au demeurant, a-t-on eu besoin de dire merci au président Gbagbo, quand sous sa gouvernance tous les anciens présidents et anciens premiers ministres ont perçu leurs émoluments, et bénéficié de ce qui leur revient de droit, après être rentrés d’exil ?
A-t-on eu besoin de dire merci au président Gbagbo, lorsque tous les militaires rebelles ont eu leurs soldes rétablis avec rappel, dès lors qu’étaient signés les accords de Ouagadougou ?
A-t-on eu besoin de dire merci à Gbagbo, quand celui-ci a eu à utiliser l’article 48 pour valider des candidatures à titre exceptionnel pour certains candidats en 2010 ?
Il nous faut, répétons-le, nécessairement nous départir de cette propension à croire et à faire croire que l’application d’une disposition de notre Constitution est un « cadeau » qu’offre celui qui gère momentanément le pays.
Dans son élan, le ministre Bacongo a invité le président Gbagbo à avoir « un discours domestiqué et apprivoisé ». Qu’à cela ne tienne. C’est une belle invitation, en effet.
Mais M. Bacongo se rappelle-t-il ces phrases entendues il y a quelques années ? Morceau choisi :
– «…S’ils veulent mélanger le pays, on va le mélanger… »
– « …je rendrai ce pays ingouvernable… »
– « …Je n’attendrai pas 5 ans pour être au pouvoir… »
– « …je frapperai ce pouvoir moribond… »
Etait-ce là un discours « domestiqué et apprivoisé » ? Assurément non. Le ciel est-il tombé sur la tête de son auteur ? Non.
Alors il faut vraiment arrêter de se faire peur.
Outre les « répondeurs automatiques » qui sont familiers des Ivoiriens, et qui réagissent dès lors que le chef de l’État est interpellé, le RHDP vient de recruter une «répondeuse automatique », politique du genre oblige, en la personne de la chanteuse Affou Kéita.
Dans une vidéo qui circule sur la toile, Affou Kéita, dans un langage approximatif et le verbe incertain, s’en est violemment pris à Aïcha Koné, qui a eu « l’outrecuidance » d’implorer la clémence du chef de l’État, à l’effet d’élargir Peter 007, le cyber activiste récemment incarcéré.
Cette sortie d’Aïcha Koné a provoqué l’ire de la chanteuse, au point de « s’en battre de coui ». On aura tout vu et tout entendu !
On en vient à désespérer de la trajectoire nouvelle qu’a prise notre pays…
Mais bon…Ainsi va le pays, et il faut un peu de tout pour faire un monde.
Toutefois, arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.