C’est un truisme de le dire, les ivoiriens, toutes obédiences politiques et confessions religieuses confondues, aspirent à une véritable réconciliation qui permettra au pays de se mettre résolument sur le chemin tortueux du développement. Du citoyen lambda aux plus hautes autorités de ce pays, en passant par les responsables des partis politiques, tout le monde s’accorde sur l’absolue nécessité d’un climat politique apaisé et d’une élégance dans la gestion des contradictions. Cependant, les actes que posent les tenants du pouvoir (le RHDP) ou leurs soutiens objectifs, et les paroles qu’ils prononcent, laissent subsister des doutes quant à leur réelle volonté d’aller à l’apaisement.
Le Rhdp se doit de quitter sa posture de belligérance et s’inscrire résolument dans les débats et affrontements d’idées et non ceux des muscles
Depuis le retour du président Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et sa rencontre avec le chef de l’Etat, les ivoiriens se sont fait l’illusion de voir un air d’apaisement souffler sur le pays. Des gestes de bonne volonté avaient été posés avec la libération d’un certain nombre de prisonniers politiques. Naïvement, ces ivoiriens avaient cru que cela continuerait avec l’élargissement des militaires incarcérés depuis 2011 à l’effet de donner un coup d’accélérateur à leur quête de réconciliation. Mais chassez le naturel, il revient au galop. Le dernier développement de l’actualité vient de ramener tout le monde sur terre, et montre de toute évidence, que le pouvoir Rhdp, dans sa sempiternelle posture de tribu assiégée, n’a lâché du lest que le temps de s’assurer d’une certaine reconnaissance de son pouvoir.
Cela étant acté, on retombe dans les travers qui jalonnent l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Ainsi, pour sa première visite dans la région de la Mé depuis son retour de Belgique, des individus mal intentionnés, se réclamant être des proches du premier ministre Patrick Achi, qu’on a tenté malicieusement de présenter comme des partisans déçus du président Gbagbo, ont entrepris de proférer des menaces pour empêcher la visite de l’ancien président dans la région de la Mé. Certains se sont évertués à déchirer les affiches pensant que cela serait un frein à la visite annoncée. Mais peut-on vraiment s’étonner de ces actions ? On se rappelle qu’après son retour au pays, le président Laurent Gbagbo avait rendu une visite à son aîné, le président Bédié à Daoukro, scellant ainsi une alliance entre les deux anciens présidents et leurs formations politiques respectives. Cet état de fait a provoqué l’ire des tenants du pouvoir, au point où le ministre Mamadou Touré, ne s’est pas empêché de déclarer que « …le bâton sera repris si… ».
Ceux qui ont momentanément la gestion de la Côte d’Ivoire, n’en sont pas les propriétaires
Dans une autre envolée dont lui-seul a le secret, le même ministre a affirmé : « …notre papa les a frappés étant opposant, il les a frappés étant au pouvoir… ». Ces déclarations rendent bien compte de l’esprit qui anime le Rhdp et ses militants. Ils sont dans une posture continue de belligérance, et ne conçoivent le rapport avec les autres partis, que dans un prisme d’affrontement. Non pas un affrontement d’idées, mais un affrontement physique où ils sont sûrs de sortir vainqueurs, convaincus qu’ils sont, d’être adossés aux forces de la République, à savoir, la police, la gendarmerie et l’armée mais aussi… les microbes. Disposant de toute la violence de la république, assuré du caractère timoré de son opposition désunie, dont certains leaders sont beaucoup plus préoccupés à faire des calculs d’épicier pour nouer des alliances rentables, le pouvoir Rhdp peut sereinement afficher discourtoisie, arrogance, suffisance et mépris à l’endroit de ladite opposition.
Mais c’est le lieu d’en appeler à un sens élevé des responsabilités et à une claire vision de tous, quant à la trajectoire qu’on voudrait voir prendre le pays. Ce pays est celui de tous les ivoiriens. Ceux qui en ont momentanément la gestion, n’en sont pas les propriétaires. Demain ils se retrouveront à la place de leurs opposants et ne seront plus forts comme ils le sont aujourd’hui. D’ici là, le Rhdp se doit de quitter sa posture de belligérance et s’inscrire résolument dans les débats et affrontements d’idées et non ceux des muscles. Car à force de tirer sur la corde, elle finira un jour par se casser. Mais… « Depuis quand a-t-on vu le molosse se départir de sa déhontée façon de s’asseoir ? ». En tout état de cause, arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.