En vue d’amplifier l’enrôlement des populations à la Couverture maladie universelle (CMU), le décret relatif à la mise en œuvre de l’obligation d’enrôlement à la CMU, a été adopté en Conseil des ministres le 28 septembre 2022, prendra effet dans six mois. Mais pourquoi un tel décret d’obligation? Le décryptage de Mamady Kourouma, Docteur en droit à l’Université de Bouaké et Avocat à la cour.
CMU Côte d’Ivoire: Le grand malaise
Le système de santé ivoirien fait l’objet de nombreux débats en raison de son coût élevé pour des résultats discutables. La question de sa réforme avec notamment l’instauration d’une assurance maladie universelle a été un enjeu électoral pendant longtemps. On avait bien un système d’assurance privé et une mutuelle générale obligatoire pour les fonctionnaires qui se rapprochait plus d’un système bismarckien. Mais l’honnêteté intellectuelle voudrait que ce soit Laurent Gbagbo qui aurait esquissé la première ébauche d’une assurance maladie universelle en Côte d’Ivoire.
Pour le leader socialiste ivoirien, l’affiliation obligatoire à la sécurité sociale est la clé de voute d’un système qui permet à la fois de conjuguer la couverture complète de l’ensemble de la population par des régimes universels, l’équité de traitement des assurés et des entreprises, et la maîtrise des dépenses et des coûts de gestion. De tradition libérale, le président Ouattara a mis sur place depuis 2014 sa grande réforme de l’assurance maladie avec l’instauration de la CMU.
Ce système qui prévoit un enrôlement et une cotisation de 1000 francs CFA par mois (sauf évolution) a du mal à décoller. Sur une population d’environ 30 millions d’habitants, seulement 3,5 millions de personnes sont enrôlés. Pour pallier ce manque d’engouement et certainement pour instaurer un impôt déguisé en vue d’accroitre l’assiette permettant de financer le système de sécurité sociale, le gouvernement ivoirien a décidé de rendre obligatoire la présentation de la carte CMU ou son récépissé en vue de la délivrance de certains documents essentiels dont le passeport ou encore le permis de conduire.
Cette façon de procéder suscite l’interrogation de beaucoup de nos concitoyens qui considèrent cette CMU comme une grosse arnaque et d’une inutilité sans pareille. Pour ma part, si le gouvernement veut rendre la CMU vraiment obligatoire, il devrait procéder différemment. Et ce ne sont pas les méthodes qui manquent. Mais faire de l’inscription à l’assurance maladie comme une contrepartie nécessaire à un service public, peut laisser songeur. La meilleure publicité de la CMU serait son efficacité sur le terrain.
Mamady Kourouma
Docteur en droit à l’Université de Bouaké
Avocat à la cour.