En Côte d’Ivoire, les jours passent et se ressemblent chez les enseignants désormais ex contractuels recrutés en 2019 afin de combler un déficit d’enseignants dans les établissements scolaires primaires et secondaires publics et parapublics du pays. Toujours sans statut réel malgré la signature de leur décret d’intégration à la fonction publique, ces derniers, sans salaire depuis des mois, en appellent à un devoir d’attention de leur ministre de tutelle, Mariatou Koné. Ci-dessous, la lettre ouverte d’un des leurs à la Ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation.
Enseignants contractuels: Pourquoi le décret d’intégration signé en juillet à la veille des vacances, n’a pas été suivi de l’arrêté de nomination?
Bonjour Madame la ministre,
Je suis un enseignant ex-contractuel du ps-gouv 2019. C’est avec joie et allégresse que nous avons appris votre nomination et votre reconduction à la tête du ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation. Nous vous remercions et vous félicitons pour toutes ces réformes que vous y avez apportées pour redorer le blason de l’école ivoirienne. Madame la ministre, notre Maman (vous êtes certainement une mère de famille), nous, enseignants ex-contractuels, vous sommes reconnaissants pour votre soutien par votre doléance auprès du Président de la République afin que le décret de notre intégration soit signé en juillet dernier faisant de nous des nouveaux fonctionnaires. Nous vous disons vraiment Merci chère Professeure émérite !
Cependant, nous tenons à vous présenter la situation que nous subissons depuis le début de cette année 2022 : Madame la ministre, nous souffrons atrocement, nos enfants souffrent, nos femmes souffrent, nos familles souffrent. Ce n’est pas une figure de style, encore moins un jeu de langage, c’est la réalité. Nous sommes des citoyens, des travailleurs de l’État. Nous remplissons les mêmes conditions de recrutement que celles des concours directs: composition sur table, résultats affichés en ligne, formation et affectation dans les différents établissements publics du territoire national ivoirien. Madame la ministre, je n’ai jamais vu la promotion d’une corporation aussi humiliée, marginalisée et martyrisée que celle des enseignants ex contractuels issus du programme social du gouvernement en 2019. Jamais ! Vous êtes à la tête de ce ministère depuis deux ans. Et nous enseignants ex contractuels éprouvons beaucoup de respect et d’admiration pour vous.
« Des enseignants qui dispensent le savoir aux enfants des autres ne savent pas comment faire face à la rentrée scolaire de leurs propres enfants »
Mais Madame la ministre, nous sommes choqués de constater que vous êtes discrète sur notre pénible et périlleuse situation qui a amené plusieurs parmi nous à la mort et à l’abandon. Des enseignants ex contractuels (travailleurs du ministère de l’éducation nationale) travaillant dans des conditions difficiles et déplorables avec leurs pécules suspendus, se voient dans l’obligation de mendier sur les réseaux sociaux pour survivre, parce que surendettés et les créanciers ne veulent plus leur accorder du crédit. C’est honteux, Madame la ministre, cela ne vous donne pas une bonne image car vous êtes la première responsable de ce ministère. Le plus frustrant, vous ne faites même pas mention de leur nom, vous n’évoquez en aucun cas leur problème dans votre discours. Nous sommes vraiment découragés, désarçonnés d’une telle circonstance.
Sommes-nous dans un pays où les travailleurs sont au même pieds d’égalité et encouragés dans l’exercice de leur fonction ? Si oui, le cas des enseignants ex contractuels en fait l’exception. Le décret signé en juillet pendant qu’on s’apprêtait à partir en vacances n’a pas été suivi de l’arrêté de nomination. On nous a donc demandé d’attendre la rentrée scolaire 2022-2023. Ladite rentrée scolaire est arrivée mais nous sommes toujours au statut quo: Pas de pécule, pas de salaire, pas de décision d’affectation, Aucun mot venant de vous. Des enseignants qui dispensent le savoir aux enfants des autres ne savent pas comment faire face à la rentrée scolaire de leurs propres enfants. Tantôt, On nous fait savoir qu’on paiera six (6) mois de pécule (de janvier à juin), tantôt on nous dit qu’on nous paiera neuf (9) mois de pécule, tantôt quelqu’un vient rectifier qu’on nous doit 13 mois de salaire depuis la fin du contrat le 30 septembre 2021.
« Ce n’est pas une vie que l’on nous fait vivre »
Madame la ministre, nous sommes fatigués, épuisés, fanés par la pauvreté, le manque de moyens financiers, le fardeau de la famille ! Certains parmi nous sont malades ou leurs enfants sont malades mais aucun moyen de se faire soigner à l’hôpital. Nous n’avons pas d’assurance maladie, livrés à nous-mêmes. Oui, plusieurs sont morts et continuent de mourir parmi nous madame la ministre. Aucun citoyen travailleur digne de ce nom n’aurait voulu être à notre place, vu toute la misère que nous endurons. Vous êtes la première responsable de ce ministère, S’IL VOUS PLAÎT Madame pitié pour nous ! Pitié pour les instituteurs qui travaillent dans les contrées lointaines du pays où plusieurs avant nous ont refusé d’y aller, Pitié pour les professeurs de collèges affectés dans les collèges de proximité et les professeurs de lycée qui ont comblé un temps soit peu le déficit des enseignants. Les résultats des examens scolaire de l’année dernière sont sortis. Au CEPE, au BEPC et au BAC. Vous avez été félicitées.
Mais avez-vous pensé aux enseignants ex contractuels qui ont travaillé dans la faim et la misère pour contribuer à atteindre ce résultat ? Pourtant il y a des établissements publics qui sont tenus uniquement par des ex-contractuels. Nous mourons de douleur, nous ne savons plus ce que nous représentons pour ce ministère, pour ce gouvernement ! Nous avons tous mal au cœur ! C’est avec les larmes aux yeux que j’ai écrit ce texte. Chaque jour dans nos groupes WhatsApp, certains expriment leur problème avec leurs propriétaires de maison, d’autres crient à l’aide pour avoir de quoi se nourrir. Ce n’est pas une vie que l’on nous fait vivre. Malgré cela, c’est avec le visage froissé, le cœur meurtri que nous reprenons le chemin de l’école. Veuillez recevoir, Madame la Ministre, ces mots comme des pleurs et cris de douleur d’un enseignant ex-contractuel en détresse !