Le litige foncier né du lotissement du village d’Adoukro, dans la commune de Jacqueville, n’a pas encore livré toutes ses facettes. Dans la plupart des villages impactés par le projet, les villageois portent de plus en plus un doigt accusateur contre l’ancien ministre Bamba Cheick Daniel, actuel Directeur général de l’AFOR (Agence foncière rurale). Et pour cause!
Jacqueville – Lotissement d’Adoukro: Bamba Cheick Daniel serait-il l’homme qui protège Oda Edouard dans le litige foncier avec les villageois?
Dans la commune de Jacqueville, se trouve la localité d’Adoukro qui fut, jusqu’à une époque récente, le débarcadère du village de Sassako, adossé à la mer et qui a ses terres à Adoukro au bord de la lagune. Ce débarcadère servait de point de ralliement au chef-lieu de sous-préfecture Dabou. C’est aussi en cet endroit que les villageois de Sassako cultivaient la noix de coco, principale culture de rente. Plus tard, au fil des activités agricoles et de la pêche, les propriétaires des terres y ont installé des pêcheurs béninois et d’autres villageois s’y sont installés. Une famille de Jacqueville, actuel chef-lieu, s’y installe également avec la bénédiction du chef de terre de Sassako. Elle y fonde une plantation. Et c’est dans cette famille qu’un certain Oda Edouard, non originaire de la région, prend une épouse, laquelle hérite plus tard des terres et plantations de son défunt père.
Cependant, par arrêté No118/AT/DGAT du 09 mars 2007, Bamba Cheick Daniel, alors ministre de l’Administration du territoire, sous le régime du président Laurent Gbagbo, érige Adoukro, ce campement d’hospitalité mis à la disposition de pêcheurs béninois, en village, sans enquête publique. Aussitôt, est né le litige, puisque la décision d’érection a été prise à l’insu du village de Sassako-bégnini dont est issu le campement en question. Dans la foulée, M. Oda Édouard formule une demande de lotissement en vue de la création d’un urbain, sous le couvert de sa société SGIR. Il ressort que, malgré le résultat de l’enquête publique qui a relevé soixante-quinze (75) oppositions des propriétaires terriens et propriétaires de plantations de coco, palmiers à huile et manioc, le Ministère de la Construction, alors dirigé par le ministre Mamadou Sanogo, a tout de même approuvé ce lotissement d’Adoukro par arrêtés No 14-1273/MCLAU /DGUF /DU/SD du 21 novembre 2014, No14-1274/MCLAU /DGUF /DU/SDAF du 21 novembre 2014.
Sauf que l’analyse de ces documents administratifs, laisse apparaître une grave irrégularité. En effet, alors que le campement d’Adoukro, érigé en village, s’est vu accorder une superficie de sept cent neuf (709) hectares par l’administration territoriale, les arrêtés d’approbation du lotissement de ce nouveau village, parlent d’une superficie de deux mille quatre cents vingt-deux (2422) hectares. En clair, ces arrêtés d’approbation de lotissement, annexent une partie du patrimoine foncier des villages voisins que sont N’Djem (qui abrite le pont de Jacqueville), Abréby (le 1er village fondé par les Alladjans au 15è siècle), Sassako-bégnini (dont est issu le campement Adoukro devenu village ), et Avagou (le 3ème village le plus ancien du peuple Alladjan). Problème ! Adoukro, le campement devenu village par arrêté signé en 2007, donc dernier né, devient ainsi sur papier, le plus grand village de la zone.
Bamba Cheick Daniel, un soutien de M. Oda Edouard
Cette situation d’annexion de leurs parcelles, au fil des années, est en train de se transformer en une crise sociale réelle, dangereuse pour la cohésion sociale dans la zone. À l’époque, l’actuel maire de la commune de Jacqueville, Beugré Joachin, avait, en vain, attiré l’attention du ministre Mamadou Sanogo sur le caractère conflictuel du projet. En avril 2020, il a, à nouveau, saisi le ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, Bruno Koné, à travers un courrier dans lequel il demande, « face à cette situation explosive sur le terrain (…) d’annuler les arrêtés d’approbation du lotissement d’Adoukro ou, tout au moins, de les modifier afin que les villages de N’Djem, d’Abréby, de Sassako-bégnini et d’Avagou, ne soient pas spoliés de leurs terres ». Des requêtes tombées, chaque fois, dans des oreilles de sourds au point où les villageois, déboussolés, pensent que le sieur Oda détient des liens très solides au sein du pouvoir; lesquels semblent le conforter dans sa position.
Selon des planteurs, l’un des soutiens de M. Oda Edouard, pourrait bien être Bamba Cheick Daniel car c’est lui qui, alors ministre de l’Administration du territoire en 2007, a érigé, après une audience avec le dernier cité, le campement d’Adoukro en village alors que cet hameau ne dispose d’aucune infrastructure de base. Mais ce n’est pas tout. Les villageois croient également, dur comme fer, que ce serait toujours lui, Bamba Cheick Daniel, qui, alors Directeur de cabinet du Ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, a favorisé, en 2014, les différentes approbations contestées du lotissement d’Adoukro. Et, comme il n’y a jamais deux sans trois, ce serait toujours et encore lui qui, aujourd’hui Directeur général de l’AFOR (Agence foncière rurale), continuerait de faire bénéficier au sieur Oda Edouard, de sa protection dans ce conflit qui l’oppose aux villages de N’Djem, d’Abréby, de Sassako-bégnini et d’Avagou.
Contacté pour avoir sa réaction face à toutes ces accusations, un proche de Bamba Cheick Daniel, pas très au fait du dossier, s’est juste contenté d’affirmer que l’AFOR n’intervient pas dans les lotissements urbains. Et pourtant, à Jacqueville, les populations se disent convaincues que l’ancien ministre et actuel Directeur général de l’AFOR a bel et bien des explications à donner sur son implication supposée dans ce litige. Nous y reviendrons!