Désillusion, frustration et colère. Tels sont les sentiments qui ont emmené les chefs coutumiers de Floleu, dans la sous-préfecture de Zouan-Hounien, à obstruer la voie principale menant au site d’exploitation minière de la société des mines de Floleu (SMF) le Mardi 16 Août 2022 dernier.
Zouan-hounien : Plus rien ne va à la mine de Floleu, le Préfet entame une médiation
Révoltés par le non respect du protocole d’accord en date 10 Août 2021 entre le village Floleu et la société minière SMF, la chefferie traditionnelle et les jeunes de Floleu se disaient prêts à en découvre, n’eût été l’intervention prompte de Moussa Dao, préfet du département de Zouan-Hounien.
Le mardi dernier, les chefs coutumiers vêtus de leurs tenues d’apparat, avaient réussi à obstruer la voie et empêcher la société SMF à accéder à son site. Les têtes couronnées de Floleu avaient alors installé des bâches et élu domicile sur la voirie. Alerté, le préfet du département de Zouan-Hounien avait commis la gendarmerie au maintien de l’ordre par le dialogue.
Une rencontre de clarification et d’échanges s’est tenue à la préfecture le Vendredi 19 Août sous l’égide du préfet Moussa Dao qui a aussitôt planté le décor. « Nous sommes là pour savoir ce qui a interrompu le processus enclenché récemment. Les problèmes de fond, ne pourront être sérieusement débattus aujourd’hui. Il s’agit d’apporter des clarifications pour que le cadre de discussion reprenne de plus belle», a-t-il indiqué.
L’épineuse question de l’emploi des jeunes reste préoccupante dans les 8 villages impactés
Parlant au nom de la population de Floleu dont il est le secrétaire du chef de village, Zotahon Ferdinand a pointé un doigt accusateur sur la société minière SMF et ses dirigeants. « A majorité paysanne, la population de Floleu comme toutes celles des villages impactés par le projet minier, souffre d’indigence, de faim et du chômage de la jeunesse. Cela, du fait de l’occupation de la quasi-totalité des parcelles de terre à des fins d’exploitation de minerais dans les 8 villages concernés», a-t-il révélé.
Avant de poursuivre : « Depuis la signature du protocole d’accord le 10 Août 2021 à l’hôtel Palm-Club de Cocody, nous subissons les affres de son non-respect. Pourtant, nous avons été demandeurs de ce protocole que les dirigeants de la SMF ont approuvé et signé. Un an après, rien n’a bougé. Ce qui nous amène à 5 points inscrits au nombre de nos revendications : le projet champ pour champ qui s’explique par une restitution des 400 hectares de terres que la SMF devait occuper. A ce jour, pas un seul hectare n’a été restitué aux personnes impactées.
Ensuite, vient le projet de moyens de subsistance (pisciculture, élevage de moutons et moulin pour la production d’aliments de bétails). L’épineuse question de l’emploi des jeunes reste préoccupante dans les 8 villages impactés. Se référant au protocole d’accord, l’emploi des jeunes du village de Floleu devait être une priorité. Ce qui ne l’est pas. Le 4ème point des revendications est la non-prise en compte des entreprises locales dans l’attribution des marchés contrairement à ce qui est convenu. Et enfin le dédommagement des propriétaires ayant entamé le processus d’immatriculation de leurs parcelles».
Les éclairages de la SMF
Couronnant le tout, le représentant des populations pense que les coûts desdits projets ne reflètent pas la réalité. A cela, vient s’ajouter le manque de communication entre SMF et Floleu. Toute chose qui motive l’attitude des têtes couronnées. Rebondissant sur les préoccupations posées par le représentant des populations de Floleu, le directeur des relations communautaires, Dr GOH, commence par des éclairages.
« Avant toute chose, rappelons que les deux parties ont chacune des engagements consignés dans ce protocole d’accord. Floleu a 4 engagements et nous 5. La purge des terres occupées par SMF en est le premier de nos engagements. Cette purge devait se faire à 520.000 F l’hectare qui a été entièrement payée à tous les propriétaires terriens. Le programme champ pour champ a connu un couac indépendamment de notre volonté. Les 400 hectares devaient venir de la forêt de Krozialé.
C’est une forêt classée dont l’État n’a pas voulu le déclassement. Au niveau du recrutement, nous sommes une entreprise qui a son fonctionnement. Le programme restauration de moyens de subsistance, nous l’avons commencé avant le protocole. 57 propriétaires terriens sont éligibles à ce projet. Aujourd’hui, nous sommes à 37 qui ont vu leurs projets réalisés. A Floleu, ce sont 3 entreprises locales qui ont bénéficié des projets de notre part», contredit le directeur des relations communautaires, représentant la SMF.
« Mettons balle à terre et évitons le désordre » (Préfet )
Quant au spécialiste chargé des projets, il indique que le mauvais état des projets provient essentiellement des catastrophes naturelles ou actions humaines : maladie virale au niveau des bêtes, retard dans les installations électriques et le manque d’eau. Le commandant de la compagnie de gendarmerie a expliqué la mission de ses hommes sur les sites en exploitation. « Nous n’avons pas de parti pris. Nous militons pour un climat de paix favorable aux affaires», a-t-il précisé.
Avant de clore la séance, le préfet Moussa Dao, en facilitateur, a expliqué le rôle joué par l’administration dans ce dossier : « L’administration fait beaucoup. Dès ma prise de fonction, j’ai pris langue avec les chefs coutumiers de Floleu. Acceptons que les problèmes posés aujourd’hui ne trouvent solutions dans l’immédiat. N’oublions pas que ce sont les mêmes problèmes vécus par les autres villages impactés.
Au niveau de l’employabilité des jeunes, il est bon de savoir que l’Etat et la société minière ne peuvent pas à eux seuls donner de l’emploi aux jeunes. Ils faut envisager des AGR. Toutes les solutions à tous les problèmes sont possibles seulement dans le respect mutuel. Mettons balle à terre et évitons le désordre», a-t-il conseillé avant d’informer l’assistance de la venue très prochaine du nouveau directeur général de SMF.
L’avenir s’assombrit pour le village de Floleu
Une prochaine rencontre aura lieu en présence du nouveau directeur général de SMF dès la fin du mois d’août. Elle permettra d’éplucher un à un les problèmes évoqués par le représentant des populations de Floleu. Une annonce qui laisse chacun sur sa faim. Houndié Patrice, enseignant et fils de Floleu avoue sa surprise quant à la tournure des évènements.
« Il a manqué à la société minière la remédiation. Quand on donne à un paysan qui a toujours été agriculteur des agoutis à élever pour survivre, ça ne tient pas. Il faut leur permettre de revenir à leurs anciennes amours, qui est l’agriculture. Au reste, je salue la bonne disposition du préfet», a-t-il indiqué.
« Nous retournons insatisfaits de tout ce qui a été dit vu que nos revendications n’ont connu aucune satisfaction. On nous dit d’attendre l’arrivée du DG. Pour nous, l’avenir est incertain», s’est indigné Toleu Bernard, chef du village Floleu, la gorge nouée.
Une correspondance de Sony WAGONDA