Distinctes, la Grâce et l’ Amnistie aboutissent, toutes deux, à mettre fin à l’exécution de la peine d’un condamné. Alors Grâce et Amnistie : quelle différence ? A qui incombe l’initiative de la procédure et quelles sont leurs conséquences judiciaires et politiques?
La Grâce, un pardon…l’ Amnistie, un oubli
En Côte d’Ivoire, l’ancien chef d’Etat Laurent Gbagbo, acquitté par la CPI mais condamné à 20 ans de prison par la justice ivoirienne, réclame une Amnistie en lieu et place d’une grâce à lui accordée par le président Alassane Ouattara. Décryptage de deux notions que le citoyen lambda a tendance à confondre.
Grâce et Amnistie : qu’est-ce que c’est ?
La Grâce
La grâce présidentielle permet au Président de la République de supprimer ou de réduire la peine d’un condamné. Si vous êtes condamné à une peine de prison, vous serez libéré avant d’avoir purgé la totalité de la peine. Si vous êtes condamné à une peine d’amende, le montant de l’amende sera réduit. Contrairement à l’amnistie, la grâce présidentielle n’efface pas la condamnation. Le Président de la République n’a pas à justifier sa décision d’accorder ou de refuser la grâce.
L’Amnistie
L’amnistie est l’effacement par la loi de certaines condamnations de votre casier judiciaire. Si vous faites partie des personnes visées par une loi d’amnistie, vous êtes alors reconnu comme innocent pour les faits qui avaient entraîné les condamnations.
Contrairement à une grâce présidentielle, une mesure d’amnistie n’est pas une mesure individuelle. Il s’agit d’une mesure générale, issue d’une loi. Elle bénéficie à toutes les personnes qui ont commis une ou plusieurs catégories d’infractions visées dans la loi.
L’initiative ou la procédure de saisine
La Grâce
La Grâce est une prérogative exclusive du Président de la République. Il est le seul à disposer de ce pouvoir, inscrit dans la Constitution. C’est pourquoi, il est indiqué de dire tout simplement une Grâce et non une Grâce présidentielle comme on entend le plus souvent. C’est tomber dans le pléonasme.
Vous pouvez introduire vous-même une demande de grâce.
D’autres personnes peuvent aussi introduire la demande pour vous : un membre de votre famille, votre avocat, un ami, un élu ou le Procureur de la République ou toute personne intéressée.
Le chef de l’État peut recourir à la grâce d’office. Donc il peut d’auto saisir.
La demande doit être envoyée par écrit au Président de la République.
Le dossier est ensuite étudié par un service spécialisé du ministère de la justice, la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG). Ce service recueille l’ensemble des informations et avis de nature à permettre au Président de la République de décider si une grâce peut être envisagée.
Les décrets de grâce ne sont pas publiés au Journal officiel. Si un décret de grâce vous concerne, il vous sera directement notifié, ainsi qu’à la personne qui a sollicité la grâce pour vous.
L’Amnistie
L’amnistie relève du pouvoir judiciaire. C’est-à-dire du pouvoir du Parlement (c’est le Parlement qui fait la loi). L’amnistie est donc une loi prise et mise en œuvre par le pouvoir judiciaire. La loi d’amnistie précise le champ d’application de la mesure, notamment les infractions et sanctions à amnistier, et celles qui sont exclues du fait de leur gravité.
Cette loi est générale et impersonnelle. Vous ne serez pas prévenu personnellement de cette mesure. Vous devez vous informer par vous-même.
Conséquences judiciaires et/ou politiques
La Grâce qui est un pardon et l’Amnistie, un oubli rétroactif, aboutissent, toutes deux, à mettre fin à l’exécution de la peine d’un condamné. Il existe cependant une différence de nature entre les deux notions.
Grâce
La grâce, qui est un pardon, vous dispense d’exécuter la peine, en totalité ou partiellement. Elle peut aussi remplacer votre peine initiale par une peine plus légère.
La grâce est donc sans effet sur la décision de condamnation, qui figure toujours à votre casier judiciaire.
Si vous faites partie des personnes visées par une loi d’amnistie, vous êtes alors reconnu comme innocent pour les faits qui avaient entraîné les condamnations.
La grâce n’empêche pas la victime des infractions que vous avez commises d’obtenir réparation de son préjudice.
L’Amnistie
L’Amnistie supprime rétroactivement le caractère délictueux des faits. Aucune information ne figure plus sur le casier judiciaire du bénéficiaire de l’amnistie.
L’amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure.
Généralement rare, la loi d’amnistie a pour objectif d’apaiser la Nation après une période de troubles, comme une guerre. Elle est souvent utilisée par les politiques pour écarter certains candidats dans la course aux échéances électorales, notamment à l’élection présidentielle.