Le PDCI RDA a retrouvé de la vigueur avec le retour de Tidjane Thiam en Côte d’Ivoire. La démarche du longiligne politicien ivoirien décline un plan anti-Ouattara d’une rare efficacité. Patrice Dama vous en parle…
Tidjane Thiam, Bédié sort son joker face à Ouattara
Lorsque le régime du Président Henri Konan Bédié chutait sous la malice de feu le général Robert Guei, Tidjane Thiam était en mission à l’étranger. Le champion de la finance internationale avait courageusement regagné une Côte d’Ivoire en tempête. Comme il fallait s’y attendre, les hommes du Général Robert Guei se concentreront sur lui avec sa mise en résidence surveillée.
Commencent ensuite les tractations pour le détourner du PDCI RDA et de Henri Konan Bédié qui venait de perdre le pouvoir. Mais comment peut-on être un petit fils de feu Felix Houphouet Boigny et tourner le dos au clan qu’il a conçu et guidé depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire au premier coup dur ?
Malgré l’insistance du Général Robert Guei qui souhaitait faire de l’Administrateur de Kering son Premier ministre, Tidjane Thiam refuse d’humilier Henri Konan Bédié à qui plusieurs cadres du parti avaient déjà montré leur dos. Il refuse toutes les offres de Guei et une fois sa liberté recouvrée, fait le choix de s’expatrier loin de cette ambiance d’un pays qui venait d’embrasser l’instabilité pour 20 ans.
Un départ de zéro à héros
Lorsqu’il repart pour Paris où il devient associé chez Mckinsey Company, Tidjane Thiam participe depuis la direction du département « institutions financières » à hisser au sommet les couleurs de l’entreprise américaine, le début d’une longue et incroyable ascension professionnelle.
Thiam ne se doutait pas de la dimension du lien de confiance qu’il venait de tisser avec le Président Henri Konan Bédié par ce choix. Le Phoenix de Daoukro a de la mémoire et ses ambitieux militants ne devraient pas tarder à le constater.
Courtisé en France par Emmanuel Macron pour devenir ministre de l’Économie et même Premier ministre, l’ancien élève du lycée classique d’Abidjan, diplômé de l école polytechnique de Paris, ne s’est pas détourné du pays de son grand-père. C’est en Ivoirien convaincu, fidèle, qu’il a regagné Abidjan plus de 20 ans après son dernier départ.
Au contraire de nombreux cadres du parti qui ont vite tourné casaque, Tidjane Thiam, grâce à la ligne de conduite qu’il s’est imposée, révèle le caractère qui habite le grand homme qu’il est. Il fallait avoir une sacrée dose de confiance en soi pour tracer le parcours qu’on lui connait. Quitter les fonctions feutrées de ministre d’un pays africain pour aller lutter pour se faire une place entre les meilleurs, il fallait en avoir pour l’oser.
Henri Konan Bédié totalement sous le charme
Henri Konan Bédié n’est évidemment pas insensible au profil unique de l’homme qui lui a toujours été d’une grande fidélité. Les deux hommes ne s’étaient plus rencontrés en Côte d’Ivoire depuis la fin brutale de leur collaboration en 1999. Ils ne se voyaient qu’à Paris par moment, selon leurs agendas. La rencontre du mardi 9 aout a donc une saveur particulière parce qu’au-delà des calculs, c’est bien au retour de l’homme providentiel qu’assiste le PDCI.
Plusieurs candidatures à la candidature de la Présidence de la Côte d’Ivoire se sont plusieurs fois signalées au sein du parti. Jean-Louis Billon qui s’est déjà avancé va-t-il pouvoir rivaliser ? La question se pose.
Il n’a pas le parcours de Thiam ni son réseau et encore moins sa longévité au sein du PDCI RDA. Tidjane Thiam est né et est resté dans le parti, un point indiscutablement fort qui ne manquera pas de compter aux yeux de la base au moment venu.
Avec son carnet d’adresses dans le monde, sa réputation, Tidjane Thiam est le seul ivoirien capable de barrer la route au Président Alassane Ouattara en 2025. Si sa visite au Président Alassane Ouattara à son arrivée à Abidjan a laissé penser qu’il glissait vers le RHDP, le diplômé de l’École nationale supérieure des mines de Paris (major de promotion) ne faisait que polir son image d’homme pacifique.
Tidjane Thiam s’affirme au PDCI
Pour être plus clair, eh bien ! sa déclaration chez le Président Henri Konan Bédié, à Daoukro, a rapidement clarifié le débat.
« Je n’ai jamais quitté le PDCI RDA. On connait plus l’histoire du Président Félix Houphouet Boigny (son grand-oncle, ndlr), mais on connait moins celle de mon grand-père maternel qui est un membre fondateur du PDCI. J’ai toujours été membre du PDCI–RDA sans jamais quitter ce parti. Par conséquent, ma famille et moi sommes dans la continuité. Nous sommes et restons PDCI », a lancé sans la moindre hésitation celui qui a été ancien Ministre du plan et du Développement de la Côte d’Ivoire de 1998 à 1999.
On peut le dire, le Franco-Ivoirien a pris le temps de ménager la monture qui est la sienne. Il a le réseau et les hommes qui vont influencer son destin sans jamais s’en enorgueillir. C’est peut-être la preuve de sa connaissance de sa propre grandeur.
Qui mieux que l’actuel président du conseil d’administration du Rwanda Finance Limited pour redonner une chance au PDCI de revenir au pouvoir face à un Alassane Ouattara au sommet de sa puissance ?
Le bon cheval pour Bédié
L’ancien directeur général de Crédit suisse est là, il est prêt pour la fonction et personne ne peut débattre de cela en Côte d’Ivoire où ailleurs dans le monde. Il a dit dans un média étranger qu’il est venu le temps pour l’Afrique de transformer ses richesses avant de les exporter. Ce rêve fait par son grand-oncle Felix Houphouet Boigny, qui a toujours reposé le succès de la Côte d’Ivoire sur l’agriculture, va sans doute prendre vie.
Et on a envie de croire que sa posture et ses idées vont véritablement changer le pays. On espère avec Thiam qu’un RHDP va pour la première fois voter un leader du PDCI sans redouter une humiliation de son leader au passage du tablier.
Henri Konan Bédié sent qu’il tient le bon cheval contre Alassane Ouattara qui lui avait fait perdre ses illusions après le sentencieux appel de Daoukro.