Les lampions se sont éteints sur les festivités marquant le soixante deuxième anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Avec eux, se sont écroulés les attentes et l’espoir de nombreux ivoiriens de voir des décisions importantes prises, pour remettre la réconciliation tant chantée sur les rails. Cette échéance qui était attendue avec beaucoup de ferveur et d’espérance par de nombreux ivoiriens, surtout le traditionnel discours de la veille du chef de l’Etat, n’a pas été à la hauteur des attentes et des espérances. La montagne a finalement accouché d’une souris.
An 62 de la Côte d’Ivoire: Pour la réconciliation, passez demain !
Nombreux étaient ceux des ivoiriens qui avaient espéré que le chef de l’Etat choisirait l’opportunité de la fête nationale, pour véritablement fermer une fois pour toute, la page de la crise née du contentieux électoral de 2010 et de 2020. Ils espéraient qu’un geste fort serait posé à l’endroit de tous les prisonniers politiques et militaires avec leur élargissement par une loi d’amnistie. En lieu et place, on a eu droit aux sempiternelles autocélébrations et autosatisfactions du travail bien accompli.
Dans son message, le chef de l’Etat a annoncé plusieurs mesures visant à améliorer les conditions de vie des fonctionnaires, des travailleurs et des retraités, la libération sous condition de deux officiers ivoiriens ainsi que l’élargissement de nombreux prisonniers ayant commis des infractions mineures. On note aussi, la grâce accordée au président Laurent Gbagbo pour la condamnation à 20 ans de prison relative « au braquage » de la Beceao, ainsi que le dégel de ses avoirs et le paiement avec rappel de sa rente viagère.
On ne fera pas la fine bouche, ces actes sont à saluer, mais restent largement en-deçà de ce qu’on avait escompté. Toutes ces décisions prises, donnent l’impression d’être un calcul politicien duquel des retombées sont attendues. En accordant la grâce à Gbagbo pour une infraction largement discutable, le chef de l’Etat règle son compte à un adversaire politique pour les échéances de 2025.
La justice ivoirienne s’est empressée de juger le président Gbagbo par contumace
On se souvient que c’est lorsqu’à la Haye, les velléités de libération de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé étaient évoquées, qu’opportunément, la justice ivoirienne s’est empressée de juger le président Gbagbo par contumace, puis dit-on par défaut et l’ont condamné à 20 ans de prison. Les juristes nous ont appris que le jugement par contumace ou par défaut se tient, lorsque l’accusé ne se présente pas au tribunal et quand la justice ne sait pas où il se trouve.
Alors comment peut-on nous faire croire que la justice ivoirienne ne savait pas où se trouvait Gbagbo, pour le juger par contumace ou par défaut, alors qu’on a soi-même affrété un avion pour le déporter à la Haye ? Quant au dégel des avoirs et le paiement de la rente viagère, avec rappel de Laurent Gbagbo, il n’y a manifestement rien à dire. C’est le juste retour des choses, pour un homme, jugé et blanchi par la Cour Pénale Internationale.
Mais la libération à dose homéopathique et sous conditions de deux prisonniers militaires emprisonnés depuis la crise postélectorale de 2010, laisse une impression de symphonie inachevée. Cela dénote d’une méfiance à l’égard des autres militaires ou d’une peur de ne pas voir ceux-ci rentrer « dans les rangs ». Certaines personnes estiment que la non-libération des prisonniers politiques et militaires, procède d’un savant calcul qui permettrait au pouvoir de détenir des éléments de chantage à exercer sur l’opposition au cas où…
A quoi donc auront servi toutes ces sessions du dialogue politique?
Mais en vérité, les ivoiriens sont fatigués d’une situation qui dure depuis des années. Ils voudraient sincèrement pouvoir tourner cette page sombre de l’histoire du pays pour passer à autre chose. Malheureusement, on ruse avec eux dans des manœuvres dilatoires pour garder toujours la main et …le pouvoir. A quoi donc auront servi toutes ces sessions du dialogue politique avec les trois derniers premiers ministres du pays, si les résolutions prises de façon consensuelle, ne peuvent pas être mises en œuvre ?
En la matière, la solution est exclusivement entre les mains du chef de l’Etat. S’il le veut bien, nous irons sans encombre à la réconciliation. Il dispose de tous les leviers de l’Etat pour formaliser et rendre opérantes toutes les décisions arrêtées par consensus par les acteurs politiques et ceux de la société civile. Alors, le veut-il vraiment ? Comme l’a souligné l’Abbé Blaise Diané, curé de la paroisse Saint Antoine de Padoue de Grand-Bassam:
« …La Côte d’Ivoire ne doit plus continuer sur ce chemin dangereux de la vengeance et de la souffrance affligée à nos enfants… ». Finalement pour la réconciliation en Côte d’Ivoire…passez demain. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai. Et s’il y a eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin !