Avec sa société militaire privée Wagner, Moscou tente de poursuivre son offensive sahélienne au Burkina Faso. Evgueni Prigojine, réputé proche de Vladimir Poutine et homme des basses œuvres de Moscou en Afrique, s’est félicité du coup d’Etat à Ouagadougou, envoyant ainsi des clins d’œil au nouvel homme fort du Burkina Faso, Paul-Henri Sandaogo Damiba.
Paul-Henri Sandaogo Damiba à bonne distance des avances de Wagner
Après la Centrafrique et le Mali, la société militaire privée russe avance ses pions au pays des hommes intègres. Et a fait de cet État déstabilisé par un putsch et la violence jihadiste l’une de ses nouvelles cibles prioritaires.
Ces derniers mois, les principaux relais russes sur le continent ont multiplié les prises de contact avec des représentants de la société civile burkinabè et bénéficient du soutien inédit d’organisations wahhabites.
Le président de la transition a été approché par Wagner. Moins d’un mois après son putsch, des émissaires de la nébuleuse russe ont ainsi débarqué à Ouagadougou pour tenter de lui proposer leurs services, mais Damiba ne les a pas reçus. D’autres offres auraient ensuite été transmises à son entourage. Mais Damiba prend soin de se tenir à bonne distance des avances russes.
L’homme d’affaires russe Evgueni Prigojine, réputé proche de Vladimir Poutine et soupçonné d’être lié à l’opaque groupe paramilitaire Wagner, a salué mardi 25 janvier le putsch au Burkina Faso comme le signe d’une « nouvelle ère de décolonisation » Nien Afrique.
Si l’on se fie à cette logique, celle envoyée par Paul-Henri Sandaogo Damiba à son homologue malien, Assimi Goïta, à Bamako le 22 avril était alors de la plus haute importance. Pour le représenter sur les bords du fleuve Niger, le lieutenant-colonel burkinabè devenu président avait missionné trois officiers : le chef d’escadron Serge Thierry Kiendrebeogo, son directeur de cabinet, le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni, commandant des opérations du théâtre national, et le lieutenant-colonel Daba Naon, commandant de la brigade nationale des sapeurs-pompiers. Trois figures de son premier cercle qui, depuis le putsch qui leur a permis de prendre le pouvoir, le 24 janvier, occupent une place centrale dans la conduite des affaires à Ouagadougou.
Le 22 avril 2022, les trois officiers burkinabè se sont rendus à Bamako pour rencontrer les hommes forts de la junte malienne : les colonels Malick Diaw, président du Conseil national de transition, Modibo Koné, patron de la Sécurité d’État, Sadio Camara, ministre de la Défense, et surtout Assimi Goïta, le chef de l’État. Objectif : parler de la coopération sécuritaire et militaire entre leurs deux pays, assaillis par des groupes jihadistes qui vont et viennent chaque jour des deux côtés de leurs 1 200 kilomètres de frontières communes. Durant leurs différentes entrevues sont évoqués les moyens de renforcer leur coopération opérationnelle – notamment dans une vaste zone sous contrôle jihadiste allant des environs de Bandiagara, côté malien, à ceux de Ouahigouya, côté burkinabè.
Wagner prêt à « partager l’expérience » des « instructeurs » russes avec le Burkina Faso
Surnommé le « cuisinier de Poutine » pour avoir été un temps l’un des fournisseurs du Kremlin avec sa société de restauration, Evgueni Prigojine est également accusé de financer la société militaire privée Wagner, dont la présence a été rapportée en Ukraine, en Syrie, en Libye et dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.
Alexandre Ivanov, connu pour être l’un des représentants des « instructeurs » russes en Centrafrique, a lui aussi loué les mérites, dans un communiqué publié sur Twitter, les putschistes de Ouagadougou, estimant que la France n’avait obtenu « aucun succès » dans la lutte antiterroriste dans la région.
Il s’est dit prêt à « partager l’expérience » des « instructeurs » russes en Centrafrique pour la formation de l’armée du Burkina Faso si les autorités en faisaient la demande.
Très difficile de le faire plier », Damiba n’écarte pas totalement l’hypothèse russe. Et donne à ses interlocuteurs l’impression de ménager la chèvre et le chou, au gré des intérêts du moment. « Quand on se noie, on ne regarde pas à quoi on s’accroche. S’il n’y a pas d’autre option que Wagner, Wagner peut être une option », prévient l’un de ses plus proches collaborateurs.
Pour l’heure, il n’y a pas répondu favorablement. Il donne l’impression d’être engagé sur une « ligne de crête entre les Occidentaux et les Russes, sur laquelle il progresse difficilement en veillant à ne pas basculer d’un côté ou de l’autre », décrypte une source diplomatique à Ouagadougou.
Pourrait-il changer d’avis et adopter la méthode Wagner?