Un froid s’est installé dans les relations entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Le ministre Abdoulaye Diop a fait savoir que son pays n’a pas l’intention d’entrer en guerre avec son voisin la Côte d’Ivoire. Cependant, il a annoncé que la justice malienne était au travail en ce qui concerne la situation des « mercenaires ».
Ce qui s’est passé entre le Mali et la Côte d’Ivoire
Le 10 juillet passé, 49 militaires ivoiriens des forces spéciales ont été arrêtés à l’Aéroport international Président Modibo Keïta-Senou. Ces derniers ne présentaient aucun ordre de mission en plus d’avoir dissimulé leurs fonctions. Les autorités maliennes ont donc approché leurs homologues ivoiriens pour connaitre la raison de cette présence.
Le Président Assimi Goïta, selon son Premier ministre Choguel Maïga, a téléphoné au Président Alassane Ouattara pour connaitre l’objet de la présence de ses soldats sur le territoire malien. Le chef de l’État ivoirien aurait affirmé ne rien savoir de la présence des éléments des forces spéciales ivoiriennes à Bamako.
Choguel Maïga a lui-même sollicité le Premier ministre ivoirien Patrick Achi pour recueillir sa connaissance du dossier. Là encore, Patrick Achi aurait nié toute connaissance d’une mission de soldats ivoiriens au Mali. Le ministre de la Défense du Mali aurait fait de même auprès de son homologue ivoirien sans plus de succès. Le chef d’État-major des armées maliennes a lui aussi sollicité son homologue ivoirien avant que le patron des services secrets maliens ne fasse de même auprès de son collègue de Côte d’Ivoire.
Face au dénie, Bamako décide d’arrêter les 49 soldats ivoiriens
Puisqu’aucune autorité ivoirienne ne connait l’objet de cette présence de 49 soldats ivoiriens à Bamako, il a été décidé leur arrestation sous le qualificatif de « mercenaires ». Ce n’est que 48h après l’arrestation de ces soldats ivoiriens que les autorités militaires de Côte d’Ivoire ont justifié leur présence au Mali.
Selon Abidjan, ces hommes sont au Mali pour assurer la sécurité à la base des NSE allemands. Abidjan commettra ensuite l’impaire d’exiger leur libération immédiate, là où des excuses publiques ou un travail diplomatique auraient permis d’arriver plus rapidement à une issue heureuse.
Les explications de la Minusma qui enfoncent la partie ivoirienne
Les autorités de la transition ont demandé à l’ONU des explications sur la situation des détenus militaires ivoiriens taxés de « mercenaires ». Dans son explication, l’ONU répond : « … La Minusma note que les éléments ivoiriens ont été déployés à Sénou (Bamako) pour assurer la sécurité à la base des NSE allemands dans cette même localité, au lieu de Tombouctou (nord) où est basé le contingent ivoirien de la Minusma. »
« La Minusma », dont le porte-parole a été expulsé du Mali suite à des tweets jugés sulfureux par les dirigeants maliens, fait savoir qu’elle « n’a pas connaissance d’un contrat entre l’Allemagne et des tiers pour la protection de la base allemande de NSE…»
Lors de sa visite en Afrique du Sud le week-end dernier, le Président Alassane Ouattara avait invité l’ONU a faire la lumière sur cette affaire. Maintenant que cette lumière est faite, le Ministre des Affaires étrangères du Mali, M. Abdoulaye Diop a pris la parole pour faire connaitre la position de son pays.
La déclaration du ministre M. Abdoulaye Diop sur l’affaire des 49 soldats ivoiriens
» L’arrivée de ce ces hommes en uniforme de Côte d’Ivoire sur notre territoire national le 10 juillet nous a tous pris par surprise. Je salue la mission qui a fait l’effort de transparence en répondant à beaucoup de questions que nous avons soulevées. Mais je crois que cette question a été aussi un réveil brutal pour le Mali.
Un réveil brutal parce que nous avons pensé qu’un détachement de forces étrangères ne peut pas arriver sur le territoire malien sans information préalable, sans accord du gouvernement, sans pouvoir communiquer la liste de matériels.
Les 49 soldats ivoiriens ne sont pas une troupe onusienne
Nous comprenons que ce contingent n’a absolument rien à voir ni avec les contingents réguliers des Nations Unies, ni avec les éléments nationaux de sécurité qui sont indiqués ici et là. Dès lors que cette présence est jugée illégale, elle est attentatoire à la souveraineté de l’État malien comme à la sûreté de l’État malien. C’est pourquoi un certain nombre de mesures ont été prises.
Je crois que la façon dont ces choses se sont passées, et vu que la Côte d’Ivoire a indiqué qu’elle était venue sous couvert des Nations Unies, a suscité beaucoup d’interrogations et beaucoup d’appréhension de notre part. Je crois que nous, avec les Nations Unies, reconnaissons qu’il y a un certain nombre de dysfonctionnements qui nous amène à mettre en place un certain nombre de procédures et de protocoles qui permettent d’avoir la confiance et la fiabilité nécessaire sur ces opérations.
Il y a eu plusieurs dysfonctionnements que nous avons relevés sur la question de ces équipes nationaux de soutien. D’abord, je crois que si l’on regarde les règles mêmes des Nations Unies, c’est que les équipes nationaux de soutien sont déployées en soutien des contingents des pays en question. Et les contingents ivoiriens sont à Mopti, ils sont à Tombouctou et là ils sont déployés à Bamako, ce qui est une première entorse que nous avons soulevée.
La Côte d’Ivoire n’aurait pas de contrat avec l’Allemagne pour les 49 soldats ivoiriens
D’après les informations qui nous sont parvenues aussi de la part des Nations Unies, il se trouve qu’on n’a pas d’information sur le lien contractuel entre le contingent ivoirien et/ou les soldats qui sont arrivés et la troupe allemande. Ça aussi c’est vraiment une difficulté. C’est quelque chose qu’il va falloir régler parce que cela veut dire qu’on n’a même pas de cadre légal clair entre la compagnie aérienne en question et les forces ivoiriennes et la mission des Nations Unies.
La troisième question qui a aussi été soulignée est que les équipes nationaux sont prises en compte, pas par les Nations Unis, mais par les pays qui les envoie. Dans ce cas de figure, on se rend compte que cette force est payée par une partie tierce. Même une société privée. Même s’ils étaient payés par les Allemands, je crois que ceci constitue une entorse par rapport aux règles des Nations Unies.
L’autre question est que je crois qu’il y a aussi un certain nombre d’éléments et de formalités. Parce que les équipes nationaux de soutien, je tiens à le préciser devant vos caméras, ont essentiellement une tâche administrative et une tâche de soutien logistique. S’ils doivent avoir des armes, je crois que cela doit être les armes individuelles et des équipes de protection et non des armes de guerre. Je crois que dans le cas de figure, ça veut dire qu’on est sorti totalement de tout ce qui peut se rapprocher de cela, même si c’était le cas.
Le Malie et la Côte d’Ivoire toujours frères
Mais je dois dire que malgré tout ce qui s’est passé, je crois que la question touche aux relations du Mali et d’un pays voisin, frère. Pour cette question, je ne vais pas aller plus en détail dans la définition, dans la qualification de ce qui s’est passé puisque la justice malienne est saisie. Elle fera son enquête. Nous souhaitons que les Nations Unies et toutes les parties prenantes puissent nous aider à élucider ce qui s’est passé.
Par rapport à cela, et en parallèle de la procédure judiciaire, le Mali a toujours indiqué qu’il était ouvert aussi au dialogue pour un règlement pacifique parce que nous ne voulons entrer en guerre avec aucun pays voisin par rapport à cela. C’est dans ce cadre-là que je dois dire que le Mali a été doublement sollicité dans cette affaire. Le Mali a été doublement sollicité par rapport à une médiation et le Mali a accueilli favorablement la médiation de la République togolaise. Nous travaillons dans ce cadre-là, mais je crois que les informations, ou en tout cas le langage diplomatique n’ont pas permis de restituer les choses dans leur contexte.
Le Mali n’a demandé aucune médiation, elle en a plutôt accepté une
Mais pour cette double sollicitation, nous avons marqué notre préférence pour la médiation togolaise. Et les discussions se poursuivront à ce niveau pour voir dans quelle mesure nous pourrions trouver une solution à ces questions. »
Selon nos informations, l’autre partie ayant proposé ses bons offices pour rapprocher le Mali et la Côte d’Ivoire est le Sénégal de Macky Sall. Le Mali a accepté l’offre du Togo avec qui il entretient de bien meilleures relations.