Le président français Emmanuel Macron séjourne depuis lundi nuit au Cameroun, pays de Paul Biya. C’est le début d’une tournée africaine qui le conduira en Afrique de l’Ouest notamment au Bénin et en Guinée-Bissau du 25 au 28 juillet. Le chef de l’Etat marchera en terrain glissant, à l’heure où monte le sentiment antifrançais.
Zoom sur la rencontre entre Macron et l’indéboulonnable Paul Biya, 89 ans, dont 40 à la tête du Cameroun
A l’Elysée, on assure que cette visite marquera « la continuité et la constance de l’engagement du président de la République dans la démarche de renouvellement de la relation avec le continent africain ». Principale économie d’Afrique centrale, le Cameroun est la première étape de la tournée qui l’emmènera au Bénin et en Guinée-Bissau jusqu’au 28 juillet.
Choix stratégique
Ces trois Etats n’ont évidemment pas été choisis au hasard. Le Cameroun est un pays très stratégique situé dans le bassin du lac Tchad, confronté à la menace terroriste de Boko Haram au nord. Il est frontalier du Tchad – un pilier du dispositif.
La visite intervient alors que la France, ancienne puissance coloniale, voit son influence s’éroder, en particulier sur les plans économique et commercial, face à la Chine, l’Inde ou l’Allemagne. Les entreprises françaises ne pèsent plus qu’environ 10 % de l’économie contre 40 % dans les années 1990.
Le but affiché de cette visite est également de nouer de nouveaux partenariats géo-stratégique, agricoles et sécuritaire notamment en Afrique de l’Ouest.
Au Cameroun; le chef de l’Etat séjournera du 25 au 27 juillet. Une première depuis qu’il est à la tête de l’État français.
Emmanuel Macron a été accueilli vers 22 h 40 locales (23 h 40 à Paris) à l’aéroport de Yaoundé par le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute, avant une courte cérémonie protocolaire.
La rencontre entre lui et le président camerounais prévue ce mardi est scrutée jusque dans les moindres détails, après que Macron a refusé le dîner gala que la Présidence camerounaise a organisé en son honneur.
L’indéboulonnable Paul Biya, 89 ans, dont 40 à la tête du Cameroun, déroulera-t-il le tapis rouge à Emmanuel Macron, à Yaoundé ? Les deux hommes opteront-ils pour une sobre poignée de main ou une chaleureuse accolade ? Quels seront les mots et le ton choisis par le président français ? Le virage n’est pas simple à négocier pour Paris, resté jusqu’à présent à distance de l’autocrate camerounais, symbole d’une vieille Françafrique à bannir, selon Emmanuel Macron.
Éléments de réponses avec Antoine Glaser, ancien journaliste, auteur en 2021 du Piège africain de Macron (éditions Fayard). Il est interrogé par TV5 Monde.
Lorsqu’Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir en 2017, il pensait peut-être qu’il pouvait tirer un trait sur toute cette période post-coloniale, et sur la Françafrique. Durant son premier mandat, on avait l’impression que Macron n’avait plus aucun intérêt pour le Cameroun.
Il avait même tenu des propos plutôt désagréables vis-à-vis du président Paul Biya (au sujet de l’incarcération de l’opposant Maurice Kamto, NDLR). Les relations entre Paris et Yaoundé étaient quasiment inexistantes ces cinq dernières années. Il en est à son deuxième mandat. Maintenant, on est totalement dans une nouvelle stratégie politique de la France vis-à-vis de l’Afrique.
Jusqu’à sa réélection, la stratégie et la politique africaines d’Emmanuel Macron, consistaient à éviter les pays de l’ancien pré-carré français (anciens pays colonisés par la France et sous influence de la France après les indépendances de 1960) en Afrique de l’Ouest.
Il est allé en Côte d’Ivoire, bien sûr, il s’est aussi rendu dans des pays comme le Mali ou la Mauritanie. Mais c’était toujours dans le cadre de la lutte antiterroriste. En ce qui concerne les pays d’Afrique centrale comme le Gabon, le Congo Brazzaville et le Cameroun, ils ont été totalement négligés.
Emmanuel Macron a dû réaliser que la France était en train de perdre ses intérêts traditionnels dans son ancien pré carré africain au profit d’autres États. On peut citer la Chine, le Brésil, l’Inde, la Russie. Mais parfois au profit même d’autres États européens comme l’Allemagne, qui est aujourd’hui le premier exportateur européen vers l’Afrique.
La France a clairement perdu sa position de partenaire privilégié du Cameroun à plusieurs niveaux. D’abord dans le domaine de la sécurité. Maintenant, ce sont les Israéliens qui s’occupent de la sécurité privée du président. Ils contrôlent notamment le BIR, le bataillon d’intervention rapide.
Il y a aussi une large présence des Britanniques qui sont très actifs dans la région puisque le Cameroun est une région anglophone. La France est en train de voir que les chefs d’État africains et en particulier Paul Biya ont le monde entier dans leur salle d’attente.
Paul Biya, depuis 1982, fait la pluie et le beau temps politique au Cameroun, construisant et brisant des carrières au gré de ses humeurs et de ses aspirations personnelles. Il a été élu une première fois en 1984. Il a gagné les élections de 1988, 1992, 1997, 2004, 2011 et 2018 sans coup férir.
Amnesty International souligne que plus de 100 membres et sympathisant·e·s du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), mouvement d’opposition restaient détenus arbitrairement en 2021.