Rachel Kéké Raïssa, icône de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles entamée en 2019, est devenue députée dimanche 19 juin, lors du second tour des élections législatives 2022, en France.
Candidate de la Nupes, Rachel Kéké bat une ministre d’Emmanuel Macron
Née en mai 1974 à Abobo, un quartier populaire du Nord d’Abidjan, la femme politique franco-ivoirienne Rachel Kéké siègera à l’hémicycle de l’Assemblée nationale à Paris pour la législature à venir, au palais Bourbon.
Candidate de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), elle a été élue dans la 7ᵉ circonscription du Val-de-Marne, battant Roxana Maracineanu, ex-ministre des sports, à 177 voix près.
Elle se définit comme une “guerrière” et veut « faire du bruit » au palais Bourbon : porte-parole de la longue grève des femmes de chambre de l’Ibis Batignolles, Rachel Kéké va bien pousser les portes de l’Assemblée pour y porter la voix des travailleurs «invisibles ».
« Ma victoire est historique », a martelé la nouvelle élue. Celle qui accède à une des fonctions les plus prestigieuses de la République en éliminant une ministre d’Emmanuel Macron, se décrit comme «une guerrière ».
Comme gouvernante, elle est sans doute la plus emblématique des figures issues des luttes syndicales et associatives que la coalition de gauche entend mettre en avant. « C’est ce que j’appelle une leader de masse », dit d’elle le député LFI Éric Coquerel.
« Elle a quelque chose qui magnétise, elle est forte, elle a les mots justes, elle n’a pas besoin de lire » lors de ses prises de parole, déroule-t-il, au micro de Sud-Ouest.
Grève des femmes de chambre
C’est lors des 22 mois de grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris, pendant lesquels Rachel Kéké portait les revendications de ses collègues, qu’Éric Coquerel a fait sa connaissance. Entre 2019 et 2021, cette militante CGT s’est mobilisée pour améliorer les salaires et les conditions de travail des femmes de ménage face au « mépris » de la direction.
Cet hôtel devant lequel Rachel Kéké a commencé à se tailler une réputation syndicale et politique, elle a continué d’y travailler pendant le début de sa campagne avant de prendre un congé pour se consacrer pleinement aux législatives.
Mère de cinq enfants
Mère de cinq enfants, Rachel Kéké est née d’une mère vendeuse de vêtements et d’un père conducteur d’autobus. À 12 ans, au décès de sa mère, c’est elle qui se retrouve en charge de ses frères et sœurs. Elle arrive en France en 2000 et commence à travailler comme coiffeuse avant d’entrer dans l’hôtellerie.
Dans l’Hexagone son parcours est chaotique : elle déménage souvent, alternant entre les squats ou les appartements d’amis en banlieue parisienne, avant de se fixer grâce au DAL (Droit au logement). Naturalisée française en 2015 – un pays qu’elle “adore” et pour lequel avait combattu son grand-père pendant la Seconde Guerre mondiale – elle habite maintenant les Sorbiers, une cité de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) d’où elle a lancé sa campagne pour les législatives.
Avec toujours le même message : “secouer le cocotier” à l’Assemblée. « Nous ne sommes pas des rebelles, on veut juste notre dignité », a-t-elle lancé devant les acclamations des 200 amis et militants venus la soutenir. Celle qui se définit comme “ féministe” et “ défenseuse des gilets jaunes “, a paré d’éventuelles attaques sur son manque de formation.
« Pas loin d’une icône »
« Si tu me parles avec le français de Sciences Po, je vais te répondre en banlieusard ! », a-t-elle mis en garde. « On connaît le niveau d’une femme de chambre, on sait que je n’ai pas de Bac + 5», expliquait-elle. « Je dis ce que je ressens. Si on me pose une question sur quelque chose que je ne comprends pas, je ne répondrai pas. Il faut que les médias s’habituent à ça ».