Souffrant depuis de longs mois, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire est décédé samedi à l’âge de 69 ans; il avait été, par deux fois, contraint de confier l’intérim à son vice-président Adama Bictogo.
Adama Bictogo ou Mamadou Diawara: À qui Ouatara va-t-il confier le perchoir de l’Assemblée nationale?
Le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Amadou Soumahoro, est décédé samedi à l’âge de 68 ans, selon un communiqué du Président de la République Alassane Ouattara.
« J’ai la profonde douleur de vous annoncer le décès, ce samedi 7 mai 2022, du Président de l’Assemblée Nationale, mon jeune frère, Amadou Soumahoro », indique le texte.
« Je rends hommage à un grand homme d’Etat, dont l’engagement et le parcours politique ont marqué notre pays. La Côte d’Ivoire perd un valeureux fils, un homme de conviction et de devoir. Je perds un fidèle compagnon, un ami loyal et dévoué », poursuit le chef de l’Etat.
Président de l’Assemblée nationale depuis mars 2019, il a fait de longs séjours à l’étranger ces derniers mois pour raison médicale.
RHDP: Guerre fratricide pour le perchoir ?
Amadou Soumahoro était une figure de la politique ivoirienne et un fidèle du président Alassane Ouattara. Il est l’un des membres fondateurs du Rassemblement des Républicains (RDR), le parti historique de M. Ouattara, en 1994.
Maire de la ville de Séguéla de 1996 à 2013, il avait contribué à l’implantation du parti dans le nord du pays.
Ce diplômé de l’Institut des Relations Economiques Internationales de Paris (1979), avec une spécialité en commerce international, avait été plusieurs fois ministre, du Commerce extérieur en 2002 puis du Commerce entre 2003 et 2005 dans un gouvernement d’union sous la présidence de Laurent Gbagbo.
Après l’élection d’Alassane Ouattara, il avait occupé le poste de Conseiller spécial du Président de la République en charge des affaires politiques, de 2011 à 2017.
Entre 2018 et 2019, Amadou Soumahoro avait été promu ministre auprès du chef de l’Etat, toujours chargé des affaires politiques.
Pendant son absence, ces derniers mois, il était remplacé par l’un des vice-présidents de l’Assemblée, Adama Bictogo, un cadre du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Paix (RHDP) le parti au pouvoir.
C’est un Amadou Soumahoro très affaibli qui s’est envolé pour la Turquie fin janvier. Le président de l’Assemblée nationale s’y fait soigner depuis plus d’un an. Il y avait déjà effectué plusieurs séjours au cours de l’année 2021. Peu d’informations précises circulent sur son état de santé même si certaines sources parlent d’un cancer, ce que son entourage et sa famille refusent de confirmer en se réfugiant derrière « le respect de la vie privée ».
Pour compenser son absence, le député de Séguéla a officiellement confié son intérim à Adama Bictogo, l’un des vice-présidents de l’institution, dans une note datée du 21 janvier. Le 1er février, le bureau de la chambre basse en a été officiellement informé.
L’épisode a suscité quelques tensions. Le 31 janvier, une séance en plénière a ainsi donné lieu à une explication de texte entre Bictogo et un député proche de Soumahoro qui lui reprochait d’avoir convoqué cette même séance. En somme, de vouloir organiser un petit coup d’État parlementaire.
« Soumahoro ne voulait pas que Bictogo le remplace. Alassane Ouattara a dû lui mettre la pression pour qu’il accepte. Fidèle Sarassoro s’est même rendu à son domicile pour lui faire signer la lettre d’intérim », assure une source à Jeune Afrique.
C’est en réalité la deuxième fois que l’intérim est confié à Adama Bictogo. Soumahoro lui avait déjà laissé son poste de mi-avril à juin 2021. À l’époque aussi, il avait rechigné, estimant que cette charge devait revenir au doyen des vice-présidents, Mamadou Diawara.
Diawara, le frustré de la Chambre basse
Malgré ces tensions, Bictogo a ensuite assuré un remplacement officieux du fait de l’état de santé de Soumahoro, présidant des séances convoquées par ce dernier, ce qui avait irrité le même Diawara. C’est notamment lui qui, à la fin de l’année, a mené les travaux pour l’examen du budget 2022 et du Programme national de développement (PND). Mais il ne pouvait pas, sans être officiellement président par intérim, prendre certaines décisions importantes sur le fonctionnement de l’Assemblée.
Avant même la mort du titulaire du poste, la guerre de succession semble donc avoir déjà commencé depuis belle lurette entre Bictogo et Diawara. Elle sera encore plus rude et sans pitié entre les deux vices-présidents issue du parti présidentiel, le RHDP où le dernier mot revient toujours à son président d’honneur, le chef de l’Etat Alassane Ouattara.
La Côte d’Ivoire a été plusieurs fois endeuillée par les disparitions de responsables politiques ces dernières années.
En juillet 2020, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly est décédé des suites de problèmes cardiaques. Son successeur, Hamed Bakayoko est mort en mars 2021 d’un cancer foudroyant.