La Côte d’Ivoire, touchée comme tous les autres pays par la crise du blé, vient d’annoncer une mesure temporaire censée contenir l’envolée du prix de produits à base de farine de blé. Le Gouvernement a décidé de suspendre les droits de douane sur l’importation de blé pour quelques mois. Et après…??? Nazaire Kadia tire la sonnette d’alarme.
Dernières mesures contre la cherté de la vie : une solution ponctuelle…
Les retombées de la crise qui sévit en Ukraine, c’est un truisme de le dire, touchent d’une façon ou d’une autre le monde entier. Au renchérissement du cours du pétrole, vient s’ajouter celui du blé, dont l’Ukraine et la Russie, les deux belligérants, sont de gros producteurs.
Si les pays d’Afrique du Nord sont enclins à des angoisses, du fait que la farine de blé et les dérivées de celui-ci constituent leur nourriture de base, ceux d’Afrique noire ne sont pas en reste, avec la crainte d’une augmentation du prix de la baguette de pain.
En Côte d’Ivoire, pour faire face aux effets du renchérissement du cours du blé et de ses conséquences, le gouvernement a pris des mesures aux fins de contenir le prix de la baguette de pain.
Il est à signaler que le pays importe 500 000 tonnes de blé par an. Ces importations, seront désormais exonérées de droits de douane. Outre cette mesure d’exonération, des subventions seront faites au secteur de la boulangerie, à l’effet de maintenir le prix de la baguette à 150 FCFA, avec une diminution d’une trentaine de grammes du poids de ladite baguette, soit une augmentation de 18% pour le consommateur.
Si on peut se féliciter de ces mesures prises par le gouvernement pour ne pas en rajouter au fardeau qui pèse déjà sur les populations, force est de constater que des interrogations demeurent :
– Combien de temps durera réellement cette mesure d’appui ?
– A combien s’élève cet appui financier ?
– Que se passera-t-il à la fin de ces mesures ?
Côte d’Ivoire : Pourquoi des mesures ponctuelles ?
Comme on peut le constater, les mesures énoncées par le gouvernement, sont ponctuelles et assurément ne peuvent pas défier le temps. Elles ne sont pas pérennes. Elles donnent un répit au peuple, mais ne lui donnent nullement la garantie que les prix ne prendront pas l’ascenseur d’une façon ou d’une autre. Cela est d’autant plus vrai que les maîtres qui régentent notre monde à nous au plan financier, le FMI et la Banque Mondiale, sont très réfractaires au principe de subvention des prix dans les pays qui dépendent d’eux.
C’est en cela qu’il est vraiment regrettable que les pays africains en général, et la Côte d’Ivoire en particulier, n’envisagent que des solutions ponctuelles, sur le court terme, aux nombreux problèmes qui les assaillent. Très peu d’entre eux se projettent dans le temps, sur le moyen et le long terme, pour trouver des solutions durables. Ils agissent comme un plombier qui se contente de colmater une brèche sur un tuyau défectueux, sans envisager de le remplacer entièrement !
Face à cette « crise » du blé dont on ignore la fin, l’on devrait prospecter afin de trouver des substituts à la farine de blé pour éviter de subir les conséquences de la crise Russo-ukrainienne qui pourrait durer des années.
C’est une véritable opportunité qui nous est offerte pour transformer nos produits, les valoriser et les présenter à la consommation des populations. Cela peut permettre de changer des habitudes alimentaires, réduire les couts pour le consommateur ivoirien, minifier de façon drastique certaines importations de produits alimentaires. Pour cela, il faut adopter une politique volontariste, avec des objectifs bien définis.
Pour ce faire, l’État se doit de prendre ce problème à bras le corps et mettre à contribution, nos universités, nos centres et instituts de recherche. Certes, on ne leur demandera pas de faire pousser le blé chez nous, mais que leurs recherches soient orientées vers l’utilisation de certains de nos produits pour la fabrication d’une farine comme alternative à la farine de blé. Le maïs, le fonio, le mil ou même le manioc ne peuvent-ils pas être cette alternative ? Les spécialistes nous éclaireront.
Une gestion au jour le jour peut-elle développer la Côte d’Ivoire ?
Ce qui pose véritablement un problème dans notre approche du développement, c’est notre gestion au jour le jour et la peur d’oser la transformation de nos matières premières sur place. Ce qui leur donnerait une valeur ajoutée et permettrait de proposer, ainsi, de nouvelles habitudes de consommation.
Nous serons toujours en train de poursuivre le développement, comme dans une poursuite du vent sans l’atteindre, si tant est que nous demeurons dans cette posture de pays exportateur de matières premières.
Dans une émission à la télévision ivoirienne en 1992, intitulée « les défis de l’entreprise », M. Thierry Tan, un économiste chinois amoureux de l’Afrique et de la Côte d’Ivoire, avait fait une remarque qui sonne toujours dans nos mémoires :
« L’Asie n’a rien, mais elle transforme tout, alors que l’Afrique a tout, mais elle ne transforme rien ». Et l’exemple pris pour étayer son assertion laisse rêveur.
Il s’agit de la Malaisie. Ce pays a presque la même superficie que la Côte d’Ivoire, dispose de la même pluviométrie, de la même végétation et du même climat. On y retrouve les mêmes cultures que celles de notre pays.
Par la politique de transformation de ses produits, ce pays qui était plus pauvre que la Côte d’Ivoire, il y a 40 ans, fait aujourd’hui partie des « dragons d’Asie », cités en exemple pour leur fulgurant développement, alors que la Côte d’Ivoire est redevenue un pays pauvre très endetté (PPTE). C’est tout dire !
Alors, il nous faut nous aussi oser la transformation, car les mesures ponctuelles qui consistent à contenir les prix, ne sont pas viables sur le moyen et long terme.
Ainsi va le pays.
Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.