Le dialogue de sourd entre le Mali et la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) continue de plus belle, au sujet de la transition militaire au Mali, des élections et de la remise du pouvoir aux civils.
La Cedeao connait-elle mieux les réalités du Mali que ceux qui en ont la gestion quotidienne ?
Si au départ, le gouvernement militaire malien avait projeté une transition d’une durée de cinq ans, le temps jugé nécessaire pour achever les réformes et aller aux élections, celui-ci a revu à la baisse sa projection, pour porter désormais cette transition à deux ans. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la Cedeao, à travers son envoyé spécial, l’ancien président nigérian, M. Jonathan Goodluck, y oppose une fin de non-recevoir et s’agrippe à la proposition de départ de 12 mois comme un fétiche, qu’il tient à imposer aux autorités du Mali.
Tout porte à croire que l’envoyé spécial de la Cedeao, est allé au Mali, a écouté d’une oreille distraite les autorités maliennes dérouler leur chronogramme d’activités, tout en sachant qu’il ne lâchera pas du lest quant à la durée de la transition voulue par l’organisation sous régionale cornaquée par des mains occultes. A quoi répond ce souci d’imposer une transition de 12 mois ? La Cedeao connait-elle mieux les réalités du Mali que ceux qui en ont la gestion quotidienne ? Pendant ce temps, au Burkina Faso voisin, le gouvernement militaire annonce une transition de tois ans, avant l’organisation d’élections pour le transfert du pouvoir aux civils.
La Cedeao, comme le singe de la gravure, n’entend rien, ne dit rien, ne voit rien. Au regard de ces agissements, nombre de personnes comprennent difficilement l’acharnement sur le Mali et la tolérance à l’égard des autorités militaires du Burkina Faso. Mais peut-on raisonnablement s’étonner de la lecture à géométrie variable que fait la Cedeao relativement aux transitions militaires ? Assurément non. Le gouvernement malien qui a décidé de se sortir du carcan que représente la présence étouffante de la France, et prendre en main sa destinée, s’est mis à dos les autorités de ce pays. Et comme la Cedeao fait toujours sienne les décisions des autorités françaises, on comprend alors l’acharnement de l’organisation sous régionale, qui a un objectif de résultat qui doit coïncider avec ce que veut Paris.
« Espérons que la Cedeao sera visitée par la sagesse, et prendra les décisions idoines dans l’intérêt du Mali »
La récente déclaration du président français, Emmanuel Macron relativement à la suspension de Rfi et de France 24 par le Mali et ses attentes de la réaction des dirigeants de la Cedeao, a fini par convaincre les plus sceptiques, que sur le dossier malien, les dirigeants africains n’agissent que pour satisfaire les désirs de Paris. L’organisation sous régionale a toujours pris le pli de se mettre du mauvais côté de l’histoire, en s’alignant sur des décisions qui ne coïncident pas toujours avec les intérêts des peuples de l’Afrique de l’ouest. Cela s’est auparavant vérifié lors de la crise postélectorale de 2010 en Côte d’Ivoire, où s’alignant sur les positions françaises, la Cedeao a fait sienne la mise sous embargo de la Côte d’Ivoire, embargo élargi même aux médicaments.
Aujourd’hui, la Cour de justice de l’Uemoa, vient de jeter un pavé dans la mare de cette institution, en suspendant les sanctions prises à l’encontre du Mali, en soutien à la Cedeao et à la France. C’est un camouflet qui met en exergue le caractère illégal des sanctions prises, d’autant plus que ces sanctions ne figurent nullement dans les textes qui régissent l’institution. Mais qu’importe ? Il fallait punir le Mali pour que son exemple ne fasse pas tâche d’huile et n’ait pas un effet domino. L’Uemoa respectera-elle l’arrêt de la cour ? Rien n’est moins sûr ; habitués que nous sommes à voir nos Etats, ignorer les arrêts des cours de justice qu’ils ont eux-mêmes mis en place.
Le cas de la Côte d’Ivoire et de l’arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), enjoignant ce pays à accepter la candidature de M. Soro Guillaume à l’élection présidentielle de 2020, est là pour nous le rappeler. La Côte d’Ivoire a royalement ignoré cet arrêt et « ce n’est pas allé quelque part ». Au regard de ce qui précède, espérons que la Cedeao sera visitée par la sagesse, et prendra les décisions idoines dans l’intérêt du Mali et des maliens, et surtout cessera de jouer les marionnettes de la France. Ainsi va l’Afrique Et s’il y a eu un soir au Mali, il y aura assurément un matin, et l’ivraie sera séparée du vrai.