Les crises en Ukraine et au Mali nous donnent toujours des enseignements desquels de nombreuses leçons pourront être tirées.
Suspension de RFI et France 24 au Mali: Emmanuel Macron s’est laissé aller à des commentaires qui ont surpris plus d’une personne
Au début de l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, l’Union Européenne, dans son entièreté a pris la décision de suspendre les médias russes, Russia Today (RT) et Sputnik de diffusion en Europe. Cette décision qui est une véritable violation de la liberté d’expression et du droit à l’information, est motivée par le souci des dirigeants européens d’empêcher la diffusion de « la propagande russe » dans l’espace européen. C’est également le moyen efficace d’éviter aux populations européennes d’entendre un son de cloche différent du storytelling sur la guerre en Ukraine, véhiculé par les médias occidentaux. Il est reproché aux médias russes, d’être structurellement organisés et pilotés depuis le Kremlin.
On dénie ainsi aux européens toute capacité de réflexion et de discernement au point qu’il s’avère nécessaire de prendre une décision aussi liberticide pour les protéger. Il y a quelques temps, le gouvernement malien, excédé par les reportages de RFI et de France24, deux médias français, a pris la décision de suspendre la diffusion de ces deux chaînes sur son territoire. Le reportage de ces médias, accuse l’armée malienne d’exactions sur des populations civiles, aidée en cela par les instructeurs russes présents au Mali, en se fondant sur un rapport de l’Ong Human Rights Watch. La décision du gouvernement malien, qui est à la dimension de l’indignation ressentie face à ce qui apparait comme une malveillante désinformation, a provoqué tollé et indignation en France.
Interrogé sur la question, le président Français, Emmanuel Macron s’est laissé aller à des commentaires qui ont surpris plus d’une personne. Morceau choisi : « …Je condamne avec la plus grande fermeté de cette décision qui est totalement contraire aux valeurs que portent le peuple malien et le Mali depuis son indépendance….je crois que cette décision est grave et elle est conduite par une transition qui est le fruit de deux coups d’états. Je l’ai dénoncée en appelant la Cedeao à réagir avec beaucoup plus de fermeté….J’en appelle à la Cedeao, l’organisation régionale et à l’Union Africaine pour prendre les décisions qui conviennent, et la France appuiera…Et là, je compte m’entretenir dès demain avec le président Nana Kuffo Addo, le président en exercice pour l’appeler à prendre toutes les décisions utiles en la matière… ».
« En quelle qualité Emmanuel Macron peut-il appeler le président en exercice de la Cedeao pour lui demander de prendre des décisions ? »
Wouaoooo a-t-on envie de s’écrier ! Cette déclaration appelle beaucoup d’interrogations et beaucoup de commentaires. Emmanuel Macron oublie-t-il qu’en sa qualité de président de l’Union Européenne, qu’il était de ceux qui ont pris la décision de fermer RT et Sputnik dans l’espace européen ? Pourquoi peut-il être choqué par la décision souveraine du Mali, semblable à celle prise par l’Union européenne concernant RT et Sputnik? Cette logique de deux poids deux mesures laisse interrogateur. Si RT et Sputnik sont la voix du Kremlin, Rfi et France 24 qui dépendent du Quai d’Orsay, le ministère français de l’Europe et des Affaires Etrangères, sont chargés de véhiculer la vision de la France dans le monde et particulièrement en Afrique.
La défense des intérêts français est leur mission principale. Il est bon de savoir que Rfi émet au Mali en Bambara, la langue la plus parlée de ce pays, et on imagine l’effet que peut avoir la diffusion d’une fausse information. En outre, si Emmanuel Macron a une poussée d’urticaire quand il s’agit du gouvernement malien issu de « deux coups d’états », pourquoi n’éprouve-t-il pas le même sentiment à l’égard du gouvernement militaire du Tchad ? Mais il ne faut pas se leurrer, la défense des intérêts peut conduire à tout. Que représente une contradiction au regard des énormes intérêts français en Afrique ? Mais la déclaration du président français relative à ses attentes de la Cedeao, est révélatrice de ce que les organisations régionales en Afrique n’ont de décisions que celles reçues en instruction de l’extérieur.
Sinon en quelle qualité Emmanuel Macron peut-il appeler le président en exercice de la Cedeao pour lui demander de prendre des décisions ? Le président en exercice de la Cedeao est-il un président délégué qui met en œuvre les injonctions reçus du président réel de cette organisation, Emmanuel Macron ? Mais rendons-nous à l’évidence. Il est de notoriété publique, que les Etats africains sont incapables de financer le fonctionnement de leurs organisations régionales et sous-régionales. Ce financement est assuré par l’Union Européenne et d’autres organismes financiers. La main qui donne étant toujours au-dessus de celle qui reçoit, plus rien ne peut étonner. Ainsi va le monde. Mais s’il y a eu un soir en Afrique, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.