Les sanctions prises par différentes institutions contre le Mali commencent à montrer leurs effets et pas seulement dans le pays ciblé. Nazaire Kadia pointe les effets indésirables des sanctions prise par la CEDEAO contre les Maliens… Analyse.
Embargo contre le Mali, ces effets qu’on n’imaginait pas
Mis sous embargo par la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), depuis le 9 janvier dernier pour des divergences sur la durée de la transition militaire, le Mali vit une situation où sont drastiquement limités ses échanges avec ses voisins immédiats, dont la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Cette situation affecte lourdement l’économie du pays et partant, le quotidien des populations, mais n’est pas sans retombées pour ses voisins.
Pour rappel, le Mali est un pays immense sans débouché maritime, dont la majeure partie des importations transite par les ports d’Abidjan et de Dakar. L’interdiction d’accès à ces deux ports met le Mali dans une situation extrêmement difficile quant à sa survie et au bien-être de sa population.
Pour contourner cette difficulté, le Mali a recours aux ports de la Guinée, de la Mauritanie et même de l’Algérie.
Trois mois après l’instauration de cet embargo, jugé illégal par certaines personnes au regard des textes qui régissent la Cedeao, quelle vie mène-t-on à Bamako et partant dans tout le Mali ?
L’embargo, il va sans dire, a un effet qui est bien ressenti sur le quotidien des Maliens. Quoique non concernés par les sanctions prises, les denrées alimentaires et les autres produits de première nécessité n’en connaissent pas moins un renchérissement de leurs prix. L’inflation extérieure et surtout l’inflation intérieure due à la spéculation à laquelle s’adonnent certains commerçants, y sont pour beaucoup.
Quant aux produits visés par l’embargo comme les matériaux de construction, le ciment par exemple, le risque de pénurie existe.
La vie n’est pas donc facile pour les Maliens, mais ceux-ci ne meurent pas pour autant.
Un deux poids deux mesures du Mali au Burkina Faso
Cependant, l’effet des sanctions est moins flagrant que ce qui avait été escompté. Aucun mouvement massif de dénonciation de la cherté de la vie, n’a jusque-là été organisé à Bamako.
Ce n’est un secret pour personne : les sanctions prises par la Cedeao, ne visent pas les dirigeants de la transition militaire. L’arrière-pensée qui a présidé à l’instauration de ces sanctions, est d’arriver à une situation de révolte violente des populations maliennes, du fait de leurs souffrances et de leur mal-vivre que provoqueraient les effets de l’embargo. Il s’agit de parvenir à un ras-le-bol et une exaspération devant aboutir à des manifestations de rue et sonner ainsi le glas du pouvoir des colonels.
Mais la grande manifestation de soutien au gouvernement malien le 14 janvier dernier après l’instauration de l’embargo, est le signe manifeste de la congruence qui existe entre le peuple malien et son gouvernement.
Certes les Maliens ressentent les effets de l’embargo, mais leurs voisins ivoiriens et sénégalais ne s’en sortent pas indemnes.
En endossant les restrictions qui frappent son voisin, la Côte d’Ivoire n’en est pas moins une victime collatérale. De nombreux secteurs d’activités comme le transport routier, le commerce ou le transit subissent le contrecoup, et connaissent une baisse d’activités.
On n’oublie pas non plus la filière du bétail. La Côte d’Ivoire recevait chaque mois, des centaines de camions chargés de bœufs, de moutons et d’autres petits ruminants en provenance du Mali et du Burkina Faso. Avec la fermeture de la frontière malienne, il ne peut pas ne pas y avoir de déficit. Le constat est d’ailleurs fait sur les marchés, où le prix du kilogramme de viande a pris l’ascenseur.
La résilience du peuple malien face à l’adversité est à saluer. Elle est symptomatique du fait qu’un embargo n’a jamais rayé un pays de la carte du monde.
Cuba, l’Iran et la Corée du Nord vivent depuis des décennies sous embargo, et la vie n’y est ni meilleure, ni pire que partout ailleurs.
Il serait donc de bon aloi que les dirigeants de la Cedeao revoient leur copie et trouvent des points de convergence avec le gouvernement malien pour alléger la souffrance des Maliens, mais également…de leurs voisins.
Il est difficilement compréhensible que le Mali soit l’objet de lourdes sanctions pour ses velléités de transition de cinq ans, et que personne ne dise mot de la transition de trois ans des colonels du Burkina Faso.
Indignation sélective quand tu nous tiens !
Ainsi va l’Afrique.
Et s’il y a eu un soir au Mali, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.