La grogne monte au sein des populations ouest-africaines. Au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou encore au Burkina Faso et au Bénin, on assiste à une hausse spectaculaire des prix des denrées alimentaires de première nécessité dans le pays. Quelques explications tirées d’un reportage de Tv5monde.
A qui profite la flambée des prix en Afrique de l’Ouest?
Va-t-on vers une émeute de la faim en Côte d’Ivoire et au Mali? Le hashtag “Onafaim” a subitement refait surface sur les réseaux sociaux en Côte d’Ivoire depuis quelques jours. Les prix des denrées ne cessent d’augmenter en raison de la crise sanitaire. Les ménages ivoiriens ont de plus en plus de mal à subvenir à leurs besoins après l’entrée en vigueur de l’Annexe fiscale 2022, début janvier. Certains produits comme la viande ou le poisson ont connu une envolée dépassant les 10 %, selon l’Institut national de la statistique, entre 2020 et 2021.
Par exemple, le litre d’huile de palme est passé de 875 à 1200 FCFA quand le kilo de la viande avoisine les 3000 FCFA sur les marchés et le sac de riz blanchi importé de 25 kg s’achète à 15000FCFA. Une nébuleuse qui fait grincer les dents, signe d’une émeute ou une insurrection populaire certaine dans ces pays.
Les produits alimentaires ont augmenté de 40 à 200% dans la région ouest-africaine francophone
Selon les économistes et autres spécialistes du marché des matières premières, l’Afrique de l’Ouest est une importatrice nette de produits agricoles. Les productions locales approvisionnent éventuellement les marchés urbains, mais il faut se rappeler que nombre de métropoles africaines ont pris la mauvaise habitude de dépendre des importations pour leur nourriture. Pour eux, le problème de la pauvreté alimentaire, notamment dans les pays africains, se pose à deux niveaux.
Quand les prix agricoles sont bas, on peut nourrir éventuellement les villes, mais ce sont les populations rurales qui souffrent. Aujourd’hui, où les prix agricoles sont plus élevés, on peut imaginer que la situation dans les zones rurales est probablement meilleure, et par contre, se posent des problèmes d’alimentation des zones urbaines. C’est tout le conflit qu’il peut y avoir dans nombre de ces pays, entre politique agricole.
Ainsi les gouvernants mettent des prix suffisamment incitatifs pour pousser les producteurs à augmenter leur production et au niveau de la politique alimentaire, on maintient les prix alimentaires le plus bas possible pour éviter des émeutes de la faim. Selon la FAO, au Sahel et en Afrique de l’Ouest, 20 millions de personnes ne mangent pas actuellement à leur faim à cause de cette flambée des prix.
A en croire Philippe Chalmin, récemment interrogé par TV5 Monde, cette augmentation des prix alimentaires est la plus importante depuis 2011, année record. C’est en particulier la flambée des prix des huiles végétales, du sucre et des céréales qui en est à l’origine. Pour l’Afrique de l’Ouest, les prix des denrées alimentaires sont en augmentation dans toute la région, comparés à la moyenne des cinq dernières années, précise la FAO. Que ce soit pour des denrées importées ou non. Les produits alimentaires locaux ont par exemple augmenté de près de 40% dans la région, avec, dans certaines zones, des hausses de prix records, à plus de 200 %.
Quand la Chine tire les ficelles
L’historien, spécialiste du marché des matières premières et président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, pointe du doigt la politique commerciale et d’importation de la Chine. “C’est incontestablement l’importance des achats de la Chine qui est la raison principale de la flambée des prix. Essentiellement sur les céréales et les oléagineux. La Chine était connue pour être le premier importateur de soja au monde, avec plus de 100 millions de tonnes d’importations par an, mais là où elle importait normalement une petite vingtaine de millions de tonnes de céréales, elle en a importé plus de 50 millions de tonnes en 2020-2021. Ceci a eu un impact direct sur les prix du maïs, puis indirectement sur les prix des autres céréales, le blé et l’orge. La principale exception étant le riz”, explique Philippe Chalmin.
Pour lui, le géant chinois a également un rôle majeur dans l’envolée des prix d’importation de la viande, notamment le cheptel porcin et bien d’autres produits agricoles. “Là aussi, la Chine est responsable, puisqu’elle a pesé très lourd dans les importations de viande à cause de l’épidémie de peste porcine africaine qui a réduit de 40 à 50% le cheptel porcin chinois. La Chine a alors été obligée d’augmenter très considérablement ses importations de viande porcine, mais aussi de viande bovine et même un petit peu de volaille”, révèle-t-il.
Cependant, l’Afrique de l’Ouest devrait connaître, sauf catastrophe climatique totalement imprévisible, une embellie excellente à peu près partout d’ici fin 2022 grâce à des records de production agricole. Ceci devrait se traduire par une diminution des prix mondiaux, notamment les prix des céréales.