Denis Charles Kouassi, directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale de Côte d’Ivoire (CNPS-CI), a dévoilé, dans une interview parue dans Le Miroir d’Abidjan, les recettes qui ont permis à la CNPS-CI de faire sa mutation et de parvenir aux résultats qui font aujourd’hui la fierté de la Côte d’Ivoire.
Denis Charles Kouassi, directeur général de la IPS-CNPS: “Nous voulons atteindre les 2000 milliards FCFA en 2030”
Dans une interview accordée à monsieur Sidi Abdallah Sy, président de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (CIMA), en prélude à la 28e Conférence annuelle du Forum économique de l’Afrique gagnante qui se tiendra les 8 et 9 décembre 2022, doublée des Oscars du Leadership des managers champions d’Afrique, le directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale de Côte d’Ivoire (CNPS-CI), Denis Charles Kouassi, a expliqué la résilience de structure et de ses réalisations pour rendre compétitive la sécurité sociale ivoirienne à la hauteur des espérances. Ci-dessous, de larges extraits.
Les années sombres de la CNPS
« Honnêtement, je ne crois pas avoir un mérite spécial par rapport à ce qui s’est passé dans la sécurité sociale ivoirienne. J’ai juste observé ce qui se passait puisque j’ai commencé ma carrière à la CNPS. J’y suis dans ma 34e année. Donc au début de ma carrière j’ai vu les difficultés que l’on rentrait dans le système de la protection sociale. On a vécu des années très difficiles surtout dans les débuts des années 90 où la plupart des caisses de sécurité sociale étaient en cessation de paiement, dont la CNPS de Côte d’Ivoire. Un audit de l’inspection générale de la France avait recommandé, sur un effectif de 2000 personnes, d’en licencier 1000 en l’espace de 5 ans.
C’était donc très douloureux. 500 personnes ont été licenciées. Grâce à la redynamisation de l’activité, nous avions pu remonter la pente. Nous avons fait une autre réforme dans les années 2000 parce que nous avions vu que l’une de nos difficultés, c’était la lourdeur de notre statut d’administration publique, pour les marchés publics, pour la validation des dossiers dans les niveaux hiérarchiques on avait ces mentions contrôleur budgétaire, d’agent comptable, etc. Alors nous avons pensé, en accord avec le patronat et les syndicats des travailleurs que l’État ne devait pas avoir un rôle de contrôle a priori, c’est-à-dire qu’il ne pouvait pas s’ingérer dans la gestion quotidienne.
Et avec les partenaires sociaux, nous avons réclamé un statut privé pour gérer un service public, afin d’avoir de la rapidité et de la fluidité dans le système de gestion. Le changement de statut a donc été le point de départ. Il en a découlé que dès lors, c’est le Conseil d’administration qui nomme le Directeur général. Celui-ci nomme les DGA après avis du Conseil d’Administration et il nomme les différents directeurs et autres collaborateurs. De fait, le DG à la latitude de recruter les compétences nécessaires. C’est un point très important, car beaucoup d’organismes de sécurité sociale n’ont pas ce statut-là. Aussi, les DG éprouvent-ils des difficultés à diriger tel qu’ils le souhaitent.
« Le modèle économique n’était pas bien »
Parlant des différentes étapes que vous me demandez d’évoquer, je puis dire que la première est donc celle dont je viens de parler : le changement de statut en 2000. Après les difficultés des années 90, nous avons connu de nouvelles difficultés entre 2005 et 2011 à cause de la situation militaropolitique. Devant cette situation, nous nous sommes dit que nous ne devions pas attendre (chaque 10 ou 15 ans) de connaître des déficits avant de réagir.
À ce rythme, la sécurité sociale ne pourrait jamais se construire. La deuxième étape a donc consisté à regarder le modèle économique que nous appliquions pour savoir s’il était bien. Il s’est avéré qu’il n’était pas bien. Or, c’est ce modèle que nous avions appris à l’école de sécurité sociale, pratiqué en Afrique de l’Ouest et du centre et hérité des modèles français. Il nous fallait donc changer le modèle ancien qui voulait, notamment au niveau du régime des retraites, que les travailleurs d’aujourd’hui, cotisent pour les travailleurs d’aujourd’hui.
On cherchait donc à faire l’équilibre entre les charges et les produits. Mais dans un tel contexte, dès qu’il y a modification de l’environnement économique qui devient difficile ou de la démographie qui fait que l’on vive par exemple plus vieux ou la récession au niveau des emplois, cet équilibre-là est rompu. L’on a donc résolu qu’il fallait changer de modèle économique.
« Désormais, les actifs vont cotiser pour les retraités d’aujourd’hui et en partie pour les retraités de demain »
Ainsi, désormais, les actifs vont cotiser pour les retraités d’aujourd’hui et en partie pour les retraités de demain. La portion que nous avons ajoutée a permis de créer des réserves importantes. Pour cela, l’on a agi sur deux manettes : l’âge de la retraite est passé de 55 ans à 60 ans et le taux de cotisation est passé de 8 à 14%. Je rends hommage aux partenaires sociaux, employeurs et travailleurs qui ont compris le bien-fondé de ces mesures.
Nous avons fait passer le taux à un niveau élevé pour engranger des ressources supplémentaires que l’on peut considérer comme de l’épargne. Et que fait-on de l’épargne ? On l’investit et l’investissement crée de la richesse. Voilà le nouveau modèle que l’on a mis en place. Aussi, là où de 2005 à 2011 l’on avait fait 200 milliards de déficit, dès 2012 lorsque l’on a mis en place ce nouveau modèle économique, on a eu 8 milliards d’excédent la première année, 33 milliards en 2014, 45 milliards en 2015, 63 milliards en 2016, jusqu’à atteindre en 2019, 112 milliards d’excédent.
Malgré la covid-19, en 2020 l’on a quand même fait 100 milliards d’excédents. Et cette année 2021 nous attendons 120 milliards d’excédents. Ce sont tous ces excédents cumulés que nous avons investis pour créer de la richesse. Aujourd’hui, on a un portefeuille monétaire financier qui est passé de 26 milliards en 2012 à 500 milliards fin 2020 et qui va passer selon nos prévisions à 600 milliards en 2021, à 1000 milliards en 2025 et 2000 milliards en 2030. Voilà de façon simple ce que nous avons fait et je ne crois pas que cela soit extraordinaire, mais il fallait y penser ».