Père Marius Hervé Djadji du diocèse de Yopougon, s’est prononcé sur le retour en force du phénomène des congés anticipés. Dans un diagnostic sans filtre, l’homme d’église fustige la détérioration des moeurs, source de la perte des valeurs. Décryptage.
Education en Afrique : « Le poisson pourrit par la tête » (Père Marius Hervé Djadji)
Dans nos sociétés africaines, nous constatons avec amertume les dérives des enfants et des jeunes. Ils ne respectent plus rien. Ils frappent les enseignants, ils s’imposent des vacances scolaires, ils imposent leur caractère en famille, aucune autorité n’arrive à les cadrer même dans les églises, temples et mosquées. Mais à qui la faute ? Dans les foyers, les parents sont toujours dehors même après le boulot, chacun rentre à la maison selon ses humeurs. La maman, après le travail, fera le tour de tous les lieux de prière ou de répétition de la chorale. Monsieur après avoir fait des petits tours dans les maquis avec des amis, rentrera à la maison tardivement. Que fera l’enfant ? Il apprend qu’il faut être dehors. Sans le savoir vous éduquez les enfants à déserter la maison.
Dans les foyers, l’infidélité est devenue une norme. Souvent les enfants sont au courant des infidélités des parents. Sans le savoir, vous apprenez aux enfants que l’infidélité est tolérable. Il grandit avec cette attitude au niveau psychologique. A la télévision, dans toutes les publicités, on trouve l’image des femmes nues. La nudité est devenue une norme, un style. Les artistes et les animateurs font l’éloge du nudisme. Que doivent retenir les enfants ? Au niveau du langage, nous faisons la promotion du langage ordurier, irrespectueux dans les médias. L’injure est devenue une marque surtout dans le langage de l’ivoirien. La grossièreté est devenue un style. Même les hommes politiques, ministres et députés, insultent, utilisent un vocabulaire truffé d’injures.
Et on applaudit. Que voulez-vous que les enfants retiennent ? Dans les familles et la société, on glorifie et on honore celui qui a de l’argent sans savoir l’origine de la richesse. On écoute que celui qui a de l’argent. C’est la fin qui justifie les moyens. On invite sur des plateaux de la télévision, celui qui est capable d’avoir des sous en quelques secondes par des raccourcis souvent pas catholiques. Il est reçu même dans les ministères. Face à cela que voulez-vous que l’enfant fasse de l’école ? Dans nos pays, les miss et ceux qui savent injurier sont reçus dans les palais et ministères, ils sont honorés par des partis politiques alors que les scientifiques, les fonctionnaires, les chercheurs ne sont pas considérés, les laboratoires sont sans outils, des classes n’ont pas de bancs.
« L’autorité traditionnelle est corrompue. L’autorité militaire n’a aucune éthique. Que faire ? »
Comment voulez-vous que les enfants prennent au sérieux l’école ? En Afrique, on fait l’éloge de la rébellion, on est fier d’avoir été rebelle, on est fier d’être au pouvoir par les armes, on applaudit les tueurs et les violeurs, on justifie des meurtres, on trouve des arguments pour justifier des tueries parce qu’on est au pouvoir. Quel résultat attendez-vous dans un tel contexte ? Quelle génération d’enfants attendez-vous après des années de rébellion et de guerre ? Dans les Eglises, aujourd’hui, quel exemple donnons-nous, quel témoignage de foi donnons-nous aux enfants puisque les parents et pasteurs ne sont pas des modèles pour les enfants. Où l’enfant trouvera-t-il des repères ? Que retenir ? Dans les sociétés africaines on fait l’éloge de l’inaptocratie et de la médiocratie. On n’honore et on élève les inaptes, les médiocres et les passables pendant que les penseurs croupissent dans les laboratoires vides.
Si les autorités ne valorisent pas la science que voulez-vous que les enfants fassent de l’école ? L’autorité parentale n’existe plus parce que les parents se comportent comme des enfants. L’autorité politique n’est pas un modèle. L’autorité religieuse n’est plus une référence. L’autorité traditionnelle est corrompue. L’autorité militaire n’a aucune éthique. Que faire ? Avant de parler de l’éducation des enfants, il faut créer des centres d’éducation pour les parents, les politiciens, les gouvernants sans oublier les pasteurs qui doivent être évangélisés ainsi que les Imams qui doivent être formés pour ne pas que les églises, temples et mosquées soient des lieux d’escroquerie spirituelle, de simonie et d’enrichissement illicite.
Père Marius Hervé Djadji du diocèse de Yopougon contact : [email protected]