Procès Sankara – Après le général Gilbert Diendéré et le colonel-major Daouda Traoré, ce fut au tour de Boukari Kaboré dit Le lion d’être invité à la barre, en tant que témoin des événements du 15 octobre 1987.
L’interrogatoire du témoin Boukari Kaboré dit le Lion, s’est poursuivi mercredi
Le procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de douze de ses compagnons a amorcé une nouvelle phase avec l’audition des témoins.
Les colonels à la retraite, Daouda Traoré et Boukary Kaboré dit le Lion, étaient à la barre après l’audition de l’accusé Diakalia Démé, poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat dans le dossier Sankara.
L’audition du témoin Boukary Kaboré dit Le Lion s’est poursuivie ce mercredi 17 octobre 2021, au tribunal militaire délocalisé à Ouaga 2000.
Avec les avocats des parties civiles, il était surtout question des précisions sur certaines révélations que le témoin a eu à faire lors de son récit. Entre autres le Lion a fait savoir que c’est le Sergent Zoma, le chef du détachement Ziou qui aurait donné des informations sur la position de Vincent Sigué abattu à la frontière du Ghana suite aux événements du 15 octobre 1987.
Un certain Bancé Seydou aurait été également abattu à Kamboinsé après le 15 octobre 1987. Il a cité Alain Bonkia et Somé Gaspard comme les exécutants de ces crimes. Aussi, Boukary Kaboré est revenu sur l’attaque de Koudougou.
Pour l’ex-commandant du bataillon d’intervention aéroporté (BIA) de Koudougou, il ne fait pas de doute que l’assassinat de Thomas Sankara est un « complot préparé et savamment exécuté ». Boukari Kaboré a rappelé toutes les propositions qu’il avait faites, sans succès, au Président Thomas Sankara pour lui permettre d’éviter le drame du 15 octobre : l’arrestation de Blaise Compaoré, la démission du Président du Faso ou son départ en exil, etc.
« Blaise Compaoré va te tuer”
L’ex-commandant du BIA a fait observer à la Cour le manque de réaction de Thomas Sankara face aux agissements connus de Blaise Compaoré. De ce point de vue, son témoignage rejoint celui de son prédécesseur, le colonel-major Daouda Traoré. « Il (Thomas Sankara, ndlr) m’a dit si je touche à un seul poil de Blaise, on ne va pas se parler jusqu’à la fin de nos jours. Et moi j’ai dit “le monsieur-là va te tuer”. Il me dit “faut laisser, il va me tuer et les gens vont parler de ce qu’il a fait de moi” ».
Ce mercredi, selon son témoignage rapporté par Burkina24.com, la BIA dont il avait la commande n’a pas opposé une résistance suite à l’assassinat de Thomas Sankara. « Je revenais de Poa quand je trouvais des éléments mobilisés prêts à monter sur Ouagadougou. J’ai dit on doit se renseigner d’abord. Et quand je me suis renseigné, on m’a dit que Thomas était mort, j’ai donné l’ordre à mes éléments de déposer les armes car ça ne sert pas de s’entretuer encore du moment où le président est mort. Quand un journaliste m’a posé la question que et s’il arrivait qu’on venait jusqu’à Koudougou pour m’attaquer, c’est là j’ai dit je vais me battre jusqu’à mes dernières cartouches et c’est cette partie ils ont pris pour médiatiser », a-t-il laissé entendre.
Il a également fait savoir que 11 personnes dont 10 militaires et 1 civile ont trouvé la mort suite aux événements. Insistant sur la fidélité de sa mémoire, Le Lion a cité le nom des 11 victimes avec précision. A la suite, le général Gilbert Diendéré a été rappelé à la barre pour une confrontation avec le témoin.
Le Lion avait fait cas d’une note d’information remise au Général Diendéré lors d’une réunion dans la matinée du 15 octobre 1987 qui stipule que Thomas Sankara préparerait un coup pour 20h. A l’écouter, il a reçu l’information de Henry Zongo que cette note a été mise à haute voix lors de la rencontre par Gilbert Diendéré.
A la barre, le général nie cette version des faits. « Je pense que l’information qui a été donnée au Lion n’est pas exacte. Je n’ai pas reçu de document. Je n’ai rien reçu comme papier qui dit qu’il y aurait quelque chose à 20h », a-t-il dit.
« J’étudie la guerre depuis la classe de CE1 »
A en croire le “Lion”, les tractations avec les émissaires des putschistes conduits par Herman Yaméogo, Alain Zoubga et autres, pour qu’il rentre à Ouagadougou, n’ont pas abouti. Et la tension est montée d’un cran. Dans cet élan, au détour d’une interview, lorsqu’on lui a posé la question de savoir s’il allait attaquer s’il était attaqué. Il a répondu que oui. « J’allais me battre jusqu’à la dernière goutte de mon sang. C’est ça qui a été mis en avant », a-t-il détaillé.
Finalement, l’assaut a été lancé. Et dans sa version, il explique qu’au moment où ils lançaient l’assaut, sa troupe avait totalement désarmé et ses hommes étaient tous en civil chez eux. Il ajoute que seulement un civil a été tué puisqu’il n’y a pas eu résistance. D’après lui, c’est bien après l’assaut, alors qu’il était déjà au Ghana, que des hommes du colonel Alain Bonkian, conduits par Gaspard Somé, ont traqué et tué onze de ses hommes, « inutilement, méchamment », insiste-t-il.
Il termine en disant que s’il voulait prendre le conseil, il donnait 48h pour le faire. « Moi que vous voyez là, je suis militaire dans l’âme. Depuis CE1 j’étudiais la guerre. Moi je ne recule pas. Ils me connaissent tous là. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils voulaient coûte que coûte m’éliminer », persiste-t-il.