Deux présumés trafiquants spécialisés dans le commerce illégal de peaux d’animaux, ont été mis aux arrêts à Abidjan, mardi 12 octobre 2021 à Abobo.
Des trafiquants d’animaux arrêtés à Abobo
L’Unité de lutte contre la criminalité transnationale (UCT) en collaboration avec les services du ministère ivoirien des Eaux et forêts, a mis le grappin sur deux présumés trafiquants de peaux d’animaux d’espèces protégées. L’opération a eu lieu mardi 12 octobre dernier avec l’appui technique de l’ ONG EAGLE Côte d’Ivoire, une organisation spécialisée dans la lutte contre des espèces protégées. Selon une note de l’organisation non gouvernementale, l’assaut a été mené dans la matinée par les éléments de l’UCT alors que l’un des présumés trafiquants s’apprêtait à écouler la marchandise. Il a été pris en flagrant délit de possession d’une peau d’hyène et de lion qu’il tentait de vendre dans les encablures du grand marché d’ Abobo.
Notre source indique que des perquisitions sur un étal appartenant à l’individu interpellé dans ledit marché, ont permis la saisie d’une peau de crocodile, d’une peau de python, d’une peau de ratel et d’une peau de civette. A cet endroit, apprend-on, également une autre personne a été interpellée. Il s’agit d’une dame âgée de plus de 65 ans qui détenait 3 sacs contenant des caméléons séchés, des peaux de rats, des crapauds séchés et des peaux de hérissons. Les deux présumés trafiquants ont été conduits à l’UCT, pour une garde à vue et une audition. Avant d’être déférés trois jours plus tard devant le parquet du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau.
Ils ont été inculpés de détention et commercialisation illégales de produits issus de la faune. Ils encourt une peine d’emprisonnement compris entre deux et douze mois de prison assorti d’une amende allant de 3000 F CFA à 300.000 F CFA. Une peine jugée peu dissuasive par l’ONG EAGLE Côte d’Ivoire en comparaison aux lois des pays de la sous-région. L’ONG milite à cet effet pour la réforme de la loi. Les choses sont en bonne voie en la matière, car un avant-projet de loi relative à la faune devrait être sur la table de l’Assemblée nationale les temps à venir.
Le Lion, l’hyène et le crocodile, des espèces protégées en Côte d’Ivoire
D’après les premiers éléments, la dame interpellée n’est pas à sa première détention de peaux d’animaux. Elle vend régulièrement au grand marché d’ Abobo, des animaux séchés et fréquemment des peaux d’animaux qui bien souvent, figurent dans la liste des espèces protégées. D’ailleurs, c’est à elle qu’appartient les peaux de lion et d’hyène mis en vente. Les produits ont été acquis illégalement au Nigéria pour être acheminés en Côte d’Ivoire dans le but d’être vendus. Elle commet ainsi, une infraction à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) en important les peaux d’animaux (lion, hyène) et les caméléons.
Convention à laquelle, la Côte d’Ivoire, a ratifié depuis 27 ans (1994). A cette infraction, s’ajoute, l’infraction à la loi ivoirienne. Car le lion fait partie des espèces entièrement protégées par l’annexe I de la loi n°94-442 du 16 août 1994 portant modification de la loi n° 65-255 du 04 août 1965 relative à la protection de la faune et à l’exercice de la chasse. La peau de crocodile retrouvée dans les mains du premier interpellé est également une infraction car le crocodile fait partie des espèces intégralement protégées par la loi citée ci-dessus.
Le ratel, l’hyène et le python font quant à eux, parties de la liste des animaux partiellement protégés par l’annexe II de la loi ivoirienne n°94-442 du 16 août 1994 portant modification de la loi n° 65-255 du 04 août 1965 relative à la protection de la faune et à l’exercice de la chasse.
En Afrique de l’ouest, le lion est une espèce en voie de disparition
Faut-il le rappeler, la peau du lion trouvée chez les trafiquants était un jeune lion qui n’a pas eu le temps de se reproduire. Ce qui démontre clairement que les trafiquants sont sans scrupules et sont appâtés uniquement par le gain d’argent. Selon l’ONG Panthera, spécialisée dans la protection des grands félins, la survie des lions est menacée. Un rapport de l’ONG datant de 2014 conclut que les lions Africains sont proches de l’extinction dans toute l’Afrique de l’Ouest. Autrefois, les populations s’étendaient de manière continue du Sénégal au Nigéria, mais ce rapport estime à 250 le nombre de lions adultes, répartis en quatre populations très menacées. Une seule d’entre elles contient plus de 50 lions, précise l’ONG, ce qui fait peser de lourdes craintes quant à la survie de leur espèce.
A ces 250 adultes en âge de se reproduire s’ajoutent 150 lions plus jeunes et lionceaux, estime Panthera à l’issue d’un programme de recensement des lions, qui a duré six années. Toujours selon Panthera, seuls cinq pays de la sous-région comptent encore des populations de lions. Quelque 90% des 400 félins ont été comptabilisés dans la réserve de W-Arly-Pendjari, à la frontière du Bénin, du Burkina Faso et du Niger. Les lions ont complètement disparu de la Côte d’Ivoire, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, du Mali, de la Mauritanie et de la Sierra Leone et probablement aussi du Ghana et de la Guinée.
La nature étant interdépendante, la perte rapide des lions pourrait engendrer un dysfonctionnement de l’écosystème. En effet, on pourrait assister à un accroissement du nombre d’animaux se nourrissant des feuilles d’arbres et d’arbustes. Ce phénomène perturbera alors la croissance de la végétation et affectera les oiseaux et les petits mammifères. Aussi, le lion permet d’éviter une surpopulation des herbivores, ce qui permet à la flore forestière de se développer davantage et de stocker plus de dioxyde de carbone (le principal gaz à effet de serre), pour lutter davantage contre le réchauffement climatique.
En dehors de l’aspect environnemental, le lion représente un grand symbole dans les sociétés africaines. Il représente symboliquement le pouvoir, la force, la virilité, la fécondité, l’intelligence, l’adresse, le courage, la ruse, l’habileté, la vitesse… Dès lors, la perte rapide de cet animal hautement symbolique et ancré dans les cultures pourrait constituer une pièce manquante dans le maillon de la culture. Surtout que, les générations futures risquent de ne pas le connaître. Ce qui bien évidemment, constituera une énorme perte culturelle.