La Somalie remporte la bataille judiciaire d’un différend maritime qui l’oppose depuis des années au Kenya sur le tracé de leur frontière maritime dans l’océan indien. Une affaire tranchée en partie par la Cour internationale de justice (CIJ).
Frontière maritime Somalie-Kenya: Ressources en poissons, en gaz et en pétrole au coeur de la guerre
La CIJ vient d’accorder à Mogadiscio la majeure partie de la zone maritime revendiquée par Nairobi depuis 2014 devant la juridiction de l’ONU chargée de régler les différends entre États.
La CIJ, plus haute juridiction de l’ONU, a statué qu’il n’y avait « pas de frontière maritime convenue » et a tracé une nouvelle frontière proche de celle revendiquée par la Somalie. Le Kenya conserve néanmoins une partie du triangle d’eau contesté entre les deux pays, qui s’étend sur plus de 100.000 km2.
La CIJ, qui siège à La Haye, a ainsi mis fin à la procédure initiée en 2014 par Mogadiscio et qui envenime régulièrement les relations déjà tumultueuses entre les deux voisins de l’Afrique de l’Est.
Le président de la Somalie a aussitôt demandé mardi soir au Kenya de « respecter le droit international » et d’abandonner « son ambition ». Qualifiant cette dispute maritime d' »épicentre » des tensions, Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, a appelé dans un discours télévisé à ce que la décision de la CIJ soit « une opportunité pour renforcer la relation des deux pays et la collaboration entre leurs peuples voisins ».
Le Kenya n’avait pas réagi à la décision de la CIJ
En amont de la décision, le Kenya avait accusé la juridiction de partialité et d’ores et déjà fait savoir qu’il ne reconnaissait plus la compétence de la Cour, créée en 1946 pour régler les différends entre Etats membres.
Les décisions de la CIJ s’imposent aux parties et sont sans appel, mais la Cour ne dispose pas de moyens contraignants pour les faire appliquer. Un Etat membre jugeant que l’autre partie ne se conforme pas à un arrêt de la Cour peut toutefois réclamer des sanctions au Conseil de sécurité des Nations unies.
Nairobi et Mogadiscio s’opposent depuis des années sur le tracé de leur frontière maritime, revendiquant tous deux la souveraineté sur une vaste zone maritime susceptible d’abriter des gisements de pétrole et de gaz.
La Somalie, à l’initiative de cette procédure devant la CIJ, estime que cette frontière devrait s’étirer en direction du sud-est, dans le prolongement de la frontière terrestre entre les deux pays, selon une ligne médiane conforme au principe international de l’équidistance.
Le Kenya revendique, lui, pour délimitation, une ligne droite horizontale partant du point de frontière côtier (dans la localité de Kiunga) en direction de l’est. Nairobi rappelle régulièrement exercer sa souveraineté dans cette partie de l’océan depuis 1979, lorsque le pays a proclamé les limites de sa zone économique exclusive (ZEE).
Le Kenya a notamment accordé trois permis d’exploration pétrolière dans la zone concernée à la compagnie italienne ENI, contestés par la Somalie.
La CIJ a finalement tracé une ligne passant plus près de la frontière revendiquée par Mogadiscio.
La juridiction a rejeté les allégations du Kenya selon lesquelles la Somalie avait consenti aux revendications de Nairobi en ne les contestant pas pendant plusieurs décennies avant cette procédure.
La CIJ a également rejeté le tracé de la frontière réclamée par le Kenya depuis la côte, affirmant que celle-ci aurait eu « un grave effet de coupure » pour la Somalie.
Les magistrats ont toutefois amendé la proposition de Mogadiscio, affirmant que le Kenya risquait de voir ses droits maritimes pris en sandwich entre la Somalie au nord et la Tanzanie au sud.
« La Cour considère donc que la ligne ajustée qu’elle a établie en tant que frontière maritime aboutit à une solution équitable », a déclaré la juge-présidente Joan Donoghue.
Enfin, la CIJ a rejeté toutes les demandes de dommages et intérêts de la Somalie en réparation des travaux d’arpentage et de forage des sociétés pétrolières et gazières que le Kenya avait autorisés.
Le Kenya a annoncé qu’il ne reconnaissait plus la compétence de la CIJ. Fin septembre, Nairobi a notifié au secrétaire général de l’ONU qu’il retirait sa reconnaissance de juridiction obligatoire de la CIJ, datant de 1965.