Du 7 au 9 septembre se tiendra à Montpellier en France le 28e sommet Afrique France. J’en appelle à un changement de perceptives des « Sommets Afrique France ou France Afrique »
28e sommet Afrique-France
D’Afrique et de France, vous qui montez régulièrement aux sommets depuis 1973, nous vous appelons. Nous, d’Afrique, de France, Africains de toutes origines, Français de toutes origines, nous d’ici et de là-bas, nous vous appelons. Ce que vous scrutez depuis vos hauteurs, nous n’en voyons pas le début d’une ombre planer sur nos vies ici-bas.
Coups d’État à répétition, pauvreté généralisée, éducation bancale, guerre et violences civiles, terreur organisée et toute une tripotée de malheurs sont notre lot quotidien. Les imaginaires collectifs mondialisés ne dessinent l’Afrique qu’en peintures de catastrophes et la France en tuteur cynique, manipulateur sans vergogne… Et pourtant, vous continuez de monter aux sommets.
Alors cette fois, nous vous appelons. Écoutez nos voix ! Elles ne sont pas que cris de douleurs ou blues larmoyants. Elles portent aussi les champs d’espoir d’une Afrique que des Lumumba, Cabral ou Sankara ont planté. Écoutez nos voix, elles vibrent aussi des rêves post-apocalyptiques d’une France sortie des mâchoires de 6 ans d’enfer, ravagée mais déterminée à se repenser un futur radieux. Ici et là-bas, personne ne peut vivre des aujourd’hui en imaginant des demains déjà écrits en lettres de misère et de sang.
Quand vous daignez regarder nos sourires flotter au-dessus des torrents de turpitudes qui nous sont servis, la résilience dont vous vous gargarisez les palais, c’est en vérité de la résistance. Les rêves ne se négocient pas. Et nous avons les espérances têtues.
Écoutez-nous ! Oubliez les vieilles rengaines qui clament qu’un pays n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts. L’amitié ne se décrète pas. Elle se tisse dans les chemins d’une histoire commune, elle se bâtit avec les briques d’un imaginaire partagé, elle se façonne dans les intonations d’une langue partageuse, elle se cimente dans le sang versé pour s’opposer certaines fois, pour défendre les mêmes causes d’autres fois.
Dans les grands écarts comme dans les petites fentes, dans les grandes contradictions comme dans les petites attentions, elle est là, l’amitié. La nôtre est le fruit doux-amer de l’histoire avec la grande hache de la faucheuse et la petite ache de la semeuse.
Lorsque des peuples se rencontrent, leurs histoires se dissolvent les unes dans les autres. Comme des Bantous, des Malinké ou des Akans chantaient « nos ancêtres les Gaulois », des Savoyards, des Bretons ou des Landais peuvent aussi clamer « nos aïeuls les Bamilékés ». Si les pays n’avaient que des intérêts, il y a longtemps que l’Afrique n’aurait plus le moindre échange avec la France.
Écoutez-nous, pas les vieilles antiennes. Vous n’êtes convoqués ni à un conseil d’administration, ni à un conseil d’admiration. Tous, vous répondez à l’appel d’une amitié vieille, voulue ou non. Alors, venez comme vous êtes. Il y a déjà tant de France en nous, ramenez plus d’Afrique. Souvenez-vous des conseils où chacun arrive avec son tabouret pour montrer qu’il est libre de partir si le propos du jour ne lui sied pas. Souvenez-vous que sous l’arbre à palabre, personne n’est assis sur un trône : chaque parole compte.
Écoutez-nous ! Ces fers de plus de 60 ans de rouille, pour les rompre, réparons un oubli de notre histoire commune : donnons l’indépendance aussi à la France. Nous, d’ici et de là-bas, nous sommes prêts à lui composer un nouvel hymne débarrassé des notes de condescendance ; nous sommes prêts à lui coudre un nouveau drapeau sans les tâches de la culpabilité ; nous sommes prêts à lui rendre l’humanisme de Rousseau et l’universalisme de Fanon gravés dans la devise « Liberté, égalité, fraternité ».
Écoutez-nous ! Pas les encravatés attachés aux cases de leurs dogmes économiques. Nous d’ici et là-bas, nous savons qu’au-dessus de toutes les chapelles, il y a l’éducation et la culture. Vos plans d’émergence, de bonne gouvernance, d’allègement de dettes iniques, et toutes vos stratégies ajustant des structures connues de vous seuls, vous voyez bien que depuis toutes ces années, ils glissent sur nos corps sans jamais les débarrasser de leurs meurtrissures.
C’est parce que nos âmes, nos rêves, nos imaginaires sont asséchés, tronqués, tordus, déçus, vidés, viciés. Ils ne sont plus nourris que par des slogans surréalistes, des sophismes carabinés et des formules hors-sol. Nous n’avons pas besoin de communication, mais de communion, voire de Commune. Oui, celle dont nous célébrons tous le bicentenaire, nous d’ici et de là-bas ; celle qui a réinterrogé jusqu’au sang les rapports entre les peuples et leurs gouvernants ; celle qui a définitivement scellé la République qui a rendu la culture et l’éducation à tous, la République venue à la rencontre de l’Afrique il y a 200 ans.
Écoutez-nous ! La coopération est surannée, elle est damnée même. Mettons en commun notre héritage culturel et historique. Maintenant qu’on sait que les cheminées de Lyon affectent les plages de Grand-Lahou ; que le bruit d’un okoumé tombé à Libreville s’entend à Gonfreville ; que les vrombissements de moteur dans le sud de la France se transforment en gargouillement de faim dans les ventres du sud de Madagascar… Mettons en commun. Nous ne pouvons qu’en sortir plus fort pour affronter les défis de la planète de demain. Ne cédez pas à la griserie des sommets.
Nous, d’Afrique, de France, Africains de toutes origines, Français de toutes origines, nous d’ici et de làbas, nous vous appelons. Écoutez-nous !
Par Gauz’ au nom de tous ceux qui savent écouter