Au pouvoir en Afghanistan après la prise de Kaboul le dimanche 15 août, les talibans se voient menacés par le groupe Etat Islamique (EI). Sa branche locale a donné le ton jeudi avec deux attentats suicides qui ont fait une cinquantaine de morts près de l’aéroport.
Les talibans, État islamique, Al-Qaïda et des groupes islamistes, les nouveaux maîtres de l’Afghanistan
Un attentat décrit comme « complexe » par Washington a frappé Kaboul jeudi en fin de journée, quelques heures après des messages d’alerte des autorités américaines qui redoutaient une attaque.
De nombreuses victimes sont à déplorer. Des responsables de la santé afghans évoquent 60 morts dont 12 soldats américains et au moins 140 blessés, mais ce bilan provisoire pourrait s’aggraver.
Les kamikazes ont fait exploser leurs bombes au milieu de la foule massée à Abbey Gate, une des portes d’accès à l’aéroport, a déclaré le chef du commandement central de l’armée américaine. Une fusillade a ensuite éclaté, a ajouté le général Kenneth McKenzie qui s’exprimait par lien vidéo pendant une conférence de presse au Pentagone.
« Deux jihadistes considérés comme appartenant à l’EI se sont fait sauter à Abbey Gate, suivis par des jihadistes de l’EI armés qui ont fait feu sur les civils et les militaires », a précisé le général McKenzie en précisant que 12 soldats américains avaient été tués et 15 autres blessés.
Les Américains ont mis un nom sur cette menace: le groupe jihadiste État islamique (EI). Mais il y a aussi al-Qaida, des groupes islamistes concurrents des talibans, les nouveaux maîtres du pays. Le chef du commandement central américain en charge de l’Afghanistan, a prévenu que les États-Unis étaient prêts à mener des représailles contre le groupe État islamique en Afghanistan.
« Si nous pouvons trouver qui est lié à cela, nous nous lancerons à leur poursuite », a déclaré le général McKenzie. Le groupe Etat islamique a revendiqué dans la soiré l’attaque meurtrière, a rapporté le site spécialisé Site Intelligence.
Dans un communiqué diffusé par son agence de propagande Amaq, l’EI se targue qu’un de ses combattants se soit approché à moins de «cinq mètres de militaires américains» et qu’il ait déclenché sa ceinture explosive.
«Nous confirmons qu’un certain nombre de militaires ont été tués dans l’attentat complexe à l’aéroport de Kaboul», avait indiqué dans l’après-midi le porte-parole de Pentagone John Kirby, précisant qu’«un certain nombre d’autres ont été blessés».
Selon l’agence américaine Associated Press, onze marines et un aide-soignant de la Navy auraient péri dans l’attaque perpétrée par deux kamikazes dotés de ceintures bourrées d’explosifs et par un tireur.
Al-Qaida, un allié nocif encore présent dans une quinzaine des 34 provinces d’Afghanistan
Al-qaida, un allié « radioactif » pour des talibans en quête de fréquentabilité. Selon Didier Leroy, chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (IRSD), « les porte-parole talibans tentent de prendre leurs distances par rapport à cet acteur qui est considéré comme ‘radioactif’, dans la phase actuelle où ils tentent de présenter une image de ‘fréquentabilité’ vis-à-vis de la communauté internationale. Mais leurs propres porte-parole ont déjà admis qu’il y avait des liens notamment familiaux entre milieux taliban et al-Qaida ».
Les chercheurs estiment qu’al-Qaida est encore présent dans une quinzaine des 34 provinces d’Afghanistan. Les talibans le considèrent comme une vraie menace potentielle pour eux. Face à ces « purs et durs » du jihadisme, les talibans pourraient passer pour des « mous » qui négocient avec les Américains.
Pour mieux comprendre la situation, un retour quelques années en arrière. L’Etat islamique proclame un « califat » en Irak et en Syrie en 2014. Cela dope d’anciens membres du Tehreek-e-Taliban Pakistan, les talibans pakistanais, qui prêtent allégeance au chef du groupe, Abou Bakr al-Baghdadi. Ils sont rejoints par des Afghans déçus par les talibans. Ensemble, début 2015, ils imaginent une province, un wilaya, de l’Etat islamique, celle du Khorasan.
L’EI au Khorasan s’est heurté à la répression menée par les talibans et s’est révélé incapable d’étendre son territoire, contrairement à ce qu’il avait fait en Irak et en Syrie. En 2019, l’armée gouvernementale afghane, après des opérations conjointes avec les États-Unis, avait annoncé qu’il avait été vaincu dans la province de Nangahrar.