Kaboul, le cœur du pouvoir en Afghanistan, est tombée aux mains des talibans dimanche 15 août après la fuite du président Ashraf Ghani à l’étranger. Afrique-Sur7.ci vous propose de découvrir les nouveaux dirigeants du pays, 20 ans après l’invasion américaine qui se termine dans le chaos total.
Vingt ans après avoir été chassés du pouvoir, les talibans à nouveau maîtres de l’ Afghanistan
Les talibans ont investi le palais présidentiel à Kaboul. Qui sont ces nouvelles personnalités au sommet de l’Etat afghan. Entre vétérans et Fils de Mollah Omar, voici le profil des nouveaux dirigeants Talibans à la tête d’un pays que ni l’Empire britannique, ni l’Union soviétique, ni les États-Unis, première puissance militaire au monde, n’ont su réécrire le destin.
Le chef suprême Haibatullah Akhundzada
C’est le guide suprême des talibans et aussi considéré comme le «commandeur des croyants ». Né en 1961, dans la province de Kandahar, berceau des Taliban, le mollah Akhundzada, Taliban de la première heure, est le troisième dirigeant du mouvement depuis la création de celui-ci.
Il a acquis le titre de commandant suprême en mai 2016, après la mort de son prédécesseur, Akhtar Mansour, tué lors d’une attaque de drone. Le chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, lui a immédiatement apporté son soutien, le saluant comme un « émir des croyants ».
Après l’invasion soviétique de l’Afghanistan, sa famille émigre au Pakistan où il poursuit des études en théologie. Et c’est en tant que juge religieux qu’il se fait connaître auprès des Taliban. Il est l’un de leurs premiers membres lorsque ceux-ci émergent en tant que milice islamiste dans le sud de l’Afghanistan, en 1994.
Il prend alors la tête des tribunaux religieux, où il fait appliquer une charia stricte. Haibatullah Akhundzada contribuera à imposer au peuple afghan une interprétation cruelle et fondamentaliste de la loi islamique sous le pouvoir des Taliban, entre 1996 à 2001.
À la tête du mouvement taliban, le mollah Akhundzada joue avant tout un rôle religieux, davantage symbolique qu’opérationnel, selon plusieurs analystes. Même si, en tant que commandant suprême, il a le dernier mot sur les affaires politiques et militaires.
Son passé à la tête de la justice talibane fait de lui un chef tout trouvé pour unir les membres du mouvement autour d’une application stricte de la charia, un modèle de société dont il a été le garant pendant des années.
Abdul Ghani Baradar : cofondateur, responsable politique et premier adjoint
Abdul Ghani Baradar, né dans la province d’Uruzgan (Sud) et qui a grandi à Kandahar, est le cofondateur des talibans avec le mollah Omar, décédé en 2013, mais dont la mort avait été cachée deux années durant.
Comme nombre d’Afghans, sa vie a été bouleversée par l’invasion soviétique en 1979, qui en a fait un moudjahid. On pense qu’il a combattu aux côtés du mollah Omar, qui était borgne.
Tous deux auraient fondé les talibans durant la guerre civile afghane du début des années 1990, quand des chefs de guerre mettaient le pays à feu et à sang.
En 2001, après l’intervention américaine et la chute du régime taliban, il aurait fait partie d’un petit groupe d’insurgés prêts à un accord dans lequel ils reconnaissaient la nouvelle administration de Kaboul. Mais les États-Unis ont rejeté cette initiative, ouvrant un nouveau chapitre de vingt années de guerre.
Baradar était le chef militaire des talibans quand il a été arrêté en 2010 à Karachi, au Pakistan. Il a été libéré en 2018, sous la pression de Washington. Écouté et respecté des différentes factions talibanes, il a ensuite été nommé chef de leur bureau politique, basé au Qatar.
Il a conduit les négociations de Doha avec les Américains menant au retrait des forces étrangères d’Afghanistan, puis aux pourparlers de paix avec le gouvernement afghan, qui n’ont rien donné.
Sirajuddin Haqqani, le chef du réseau Haqqani
Fils de Jalaludin Haqqani, fondateur du réseau Haqqani et célèbre commandant du djihad anti-soviétique, Jalaluddin Haqqani, Sirajuddin est à la fois le numéro deux des talibans et le chef du puissant réseau portant son nom de famille.
Aucun cliché de son visage est disponible. Il n’existe que des portraits robots du FBI. Le réseau Haqqani, fondé par son père, est qualifié de terroriste par Washington. Les Etats-Unis l’ont toujours considéré comme l’une des plus dangereuses factions combattant les troupes américaines et de l’Otan ces deux dernières décennies en Afghanistan.
Le réseau est connu pour son recours à des kamikazes. Certaines des attaques les plus violentes perpétrées en Afghanistan ces dernières années lui ont été attribuées. Connus pour leur indépendance, leur habileté au combat et leur sens des affaires, les Haqqani sont responsables des opérations talibanes dans les zones montagneuses de l’Est afghan.
Ils auraient une forte influence sur les décisions du mouvement. Le groupe, qui utilise fréquemment des kamikazes, a énormément contribué aux avancées des Taliban, dont ils sont les « forces les plus prêtes au combat », selon un rapport de l’ONU publié en juin. Dans ce même rapport, le réseau armé est qualifié de « principal lien » entre les Taliban et Al-Qaïda.
Toutefois, peu avant la signature de l’accord de Doha avec les Américains, Sirajuddin Haqqani a souhaité présenter les Taliban sous un nouveau jour. Il a écrit un article d’opinion pour le New York Times en février 2020 dans lequel il a déclaré qu’il était « convaincu que les meurtres et les mutilations doivent cesser ». Une tribune moquée par les analystes, qui ont estimé qu’il faisait preuve de mauvaise foi.
Le mollah Yaqoub, l’héritier et chef militaire des talibans (aucune photo n’existe de lui)
Fils du mollah Omar, Yaqoub est le chef de la puissante commission militaire des talibans, qui décidait des orientations stratégiques dans la guerre contre le gouvernement afghan.
Son ascendance et ses liens avec son père, qui faisait l’objet d’un véritable culte en tant que chef des talibans, en font une figure unificatrice au sein d’un mouvement large et diverse.
Les spéculations sur son rôle exact dans le mouvement sont toutefois persistantes. Certains analystes estiment que sa nomination à la tête de cette commission en 2020 n’était que purement symbolique.
Mohammad Yaqoub est le plus jeune des trois dirigeants adjoints des Taliban. Il incarne la jeune génération qui a peu ou pas connu le premier règne des Taliban en Afghanistan, dans les années 1990-2000. Ce trentenaire dirige la puissante commission militaire du mouvement, qui a décidé des orientations stratégiques dans la guerre contre le gouvernement afghan.
Il aurait d’ailleurs été pressenti un temps comme commandant suprême après la mort du mollah Mansour, en 2016. Mais le mollah Akhundzada lui aurait été préféré, car le fils du mollah Omar aurait été jugé trop inexpérimenté à l’époque.
Ce ne serait plus le cas désormais. Il a été choisi pour remplacer temporairement Haibatullah Akhundzada lorsque le commandant suprême a contracté le Covid-19 en mai 2020, selon une personnalité talibane de haut rang citée par Foreign Policy.