L’arrestation, à Bamako le mardi 10 août 2021, de Sess Soukou Mohamed dit Ben Souk, continue de susciter des réactions. Grah Ange Olivier, ancien Magistrat ivoirien, vient de marquer sa vive protestation contre ce qu’il qualifie de vice de procédure;
Grah Ange Olivier : « L’État malien… a le devoir de protéger Soukou Mohamed »
À en croire Idrissa Hamidou Touré, procureur de la République du Mali, Sess Soukou Mohamed alias Ben Souk a été arrêté dans la capitale malienne à cause des « actes subversifs » qu’il y menait. Et ce, en exécution du mandat d’arrêt international émis contre l’ancien Député-Maire de Dabou par Mme la juge d’instruction du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau.
Pour ce faire, du côté de Bamako, « une commission spéciale d’enquêtes préliminaires a été mise en place, dirigée par le commandant du groupe territorial de gendarmerie de Bamako pour, relativement aux actes subversifs incriminés, identifier les différentes implications et déterminer leur volonté criminelle en vue d’une saine application de la loi », poursuit le communiqué du chef du parquet malien.
Cependant, Grah Ange Olivier, Magistrat ivoirien, qui est frappé de radiation de sa profession, est monté au créneau pour éclairer la lanterne des citoyens sur les manquements graves porter contre la procédure. « Un mandat d’arrêt dit international est un mandat d’arrêt accompagné d’une demande d’extradition motivée. Il ne donne lieu à aucune enquête », a indiqué le juriste, avant de préciser : « Seule la procédure d’extradition qui implique qu’une fois arrêté, le fugitif soit conduit directement devant le Procureur pour être présenté devant la juridiction de jugement qui va autoriser ou refuser la demande, peut être appliqué. »
« La Police ou la Gendarmerie n’a rien à y voir », selon Grah Ange olivier
« La Police ou la Gendarmerie n’a rien à y voir, car la convention de coopération de police à police de la CEDEAO n’a aucune vocation à s’appliquer, le juge s’étant déjà saisi de l’affaire, puisqu’un mandat d’arrêt a été émis. Il est curieux d’apprendre par le communiqué du Procureur de la République, qu’une commission spéciale d’enquête préliminaire a été mise en place », s’est-il désolé.
Et l’ancien magistrat ivoirien de conclure à une « forfaiture des autorités maliennes ». Avant de mettre Bamako en garde contre le risque d’être soumis à la « torture » et à la « persécution » qui pèserait comme une épée de Damoclès sur la tête de Ben Souk au cas où il était extradé vers la Côte d’Ivoire.
S’agissant de quelqu’un qui bénéficie ou qui a seulement introduit une demande d’asile politique, la situation est encore plus scandaleuse pour l’État malien, qui en vertu de la Convention de 1951 relative aux réfugiés et de celle contre la torture, a le devoir de protéger Soukou Mohamed contre les risques de persécutions et de tortures dont dont il pourrait faire l’objet en Côte d’Ivoire.
Le Mali dont la coopération judiciaire est sollicitée voit à son obligation d’obtenir l’autorisation préalable du Juge pour l’extradition, s’ajouter l’obligation de respecter le principe du non-refoulement, tel que résultant de l’article 33 de la Convention de 1951 relative aux réfugiés et de l’article 3 de la convention contre la torture qui dispose qu’ « aucun État, partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. » Tel est le cas en Côte d’Ivoire, comme l’attestent différents rapports d’ONG et de certains États partis comme la France qui ne classe pas en matière de demande d’asile, la Côte d’Ivoire, parmi les États d’origine sûrs.
« Le Mali en agissant comme il le fait, en initiant une enquête préliminaire totalement illégale après une arrestation et une détention qui l’est tout autant, prouve qu’il n’est pas un État de droit en violant non seulement, les deux conventions susvisées, mais également celle de la CEDEAO sur l’extradition », s’est désolé Grah Ange Olivier.