Les résultats du CEPE 2021 en Côte d’Ivoire, ont été dévoilés le mardi 22 juin dernier. Le taux de réussite au plan national est de 52,51 % contre 93,31% l’année dernière. La direction départementale de l’éducation nationale (DDEN) de Danané ne fait pas mieux avec 27 % d’admis qui franchiront l’étape de l’enseignement général.
Danané: Galère et défis de l’école primaire
Devant un tel tableau sombre, le système scolaire a besoin d’un diagnostic profond, courageux et consensuel, incluant tous les acteurs. La situation est dramatique particulièrement à l’intérieur du pays, depuis que le mode de recrutement des enseignants dans le primaire, le niveau des enseignants eux-mêmes et l’effectivité des tenues de classes dans chaque Inspection de l’enseignement primaire publique (IEP), laissent à désirer. L’année scolaire 2020-2021, dans une classe de 55 élèves affectés en 6ème d’un collège Privé, seuls 11 élèves pouvaient lire et écrire leurs noms et prénoms. Ce qui naturellement amenait à se poser les questions suivantes : comment ces 44 élèves (visiblement analphabètes) ont-ils parcouru tout le cycle primaire pour se retrouver là, au secondaire ? Ne sachant ni lire ni écrire ? Par quel miracle ont-ils réussi les différentes évaluations ? Qui validait leur passage en classe supérieure ?
La situation a de quoi étonner. En octobre 2017, au micro d’un journaliste de l’Agence ivoirienne de presse (AIP), deux inspecteurs de l’enseignement primaire (dans l’extrême nord du pays) dénonçaient, à visage découvert, le niveau au rabais de nombreux jeunes enseignants : «Nous constatons que certains de nos maîtres ont de sérieuses difficultés de langue et de connaissances. Ils sont incapables de formuler une phrase correcte. D’autres ne connaissent pas l’Abidjanaise, notre hymne national, alors qu’ils sont appelés à l’apprendre aux élèves », se sont-ils s’indignés. A cela s’ajoute une insuffisance dans l’exécution annuelle de la progression à cause des facteurs suivants : l’absentéisme avéré de bon nombre d’instituteurs dans les salles de classe, notamment ceux des villages. Une directrice d’école dans un village de la commune passe faire un tour à son champ tous les matins avant de se rendre à son poste. Normal qu’il y ait un seul admis ! », s’est plaint un notable.
Diriger une école primaire coûte 200.000 F à verser à monsieur l’inspecteur
À sa suite, un conseiller pédagogique, gardant l’anonymat, révélera avec amertume : « Nos jeunes enseignants n’ont pas de vocation. Ils ont l’habitude de prolonger leurs congés qui deviennent des vacances. Dans les villages reculés de la ville de Danané (les cantons Gouroussé, Oua et Kalé), les salles de classes restent désertes quasiment toute l’année scolaire. Les enseignants étant en ville ou en famille chez eux. Au fallacieux prétexte du matricule garantissant, une bonne frange des instituteurs, s’octroie une certaine immunité conférant toutes sortes de dérives et déviations dans l’exercice de la profession. Si nos parents, IEP, restent muets, que pouvons-nous faire ? Personnellement, j’accuse le mode de recrutement dans l’enseignement primaire publique. A ce niveau, chacun constate l’échec de la politique de l’emploi avec le BEPC.
Ceux des admis qui sont formés dans les Cafop sont pour la plupart des gosses suffisamment recommandés à qui il manque l’expérience de la vie, le sens de la responsabilité et le niveau intellectuel. Ah ! Le dieu ARGENT ! Il fait parler de lui dans le milieu. La dégringolade ne s’arrêtera pas de sitôt». En Avril 2021, une enquête menée par le journal Afrique-sur7 a mis à nu un commerce honteux dans l’inspection Primaire Publique de Zouan-Hounien. Là-bas, l’affectation d’un enseignant dans un village électrifié se paie à 100.000F. Diriger une école primaire coûte 200.000 F à verser à monsieur l’inspecteur. L’affaire avait fait des vagues. Toute chose qui démontre le peu d’intérêt qu’affichent acteurs et décideurs à l’enseignement au primaire publique. Il faut faire fortune. Vite. Vite. Et maintenant !
Les défis nouveaux pour une école nouvelle
Les résultats du CEPE 2021 viennent corroborer les nombreuses craintes des personnes averties et autres bonnes consciences de ce pays. Le système scolaire va mal. Les chiffres annoncés ça et là par le passé n’étaient que trompeurs. Le taux de réussite nationale de l’entrée en sixième est marqué par une baisse considérable. Localement, c’est la catastrophe. Comment sortir de cet épineux imbroglio ? L’école a besoin d’un toilettage. Cela s’impose à tous : parents d’élèves, enseignants et décideurs. L’État a un rôle régalien à jouer. À commencer par repenser le mode de recrutement et aider à une formation qualifiante des apprenants et non à rabaisser leur niveau d’étude. Pour un meilleur rendement dans les écoles des villages, les IEP et les conseillers pédagogiques doivent être désormais des émulateurs, des passionnés et non des » boutiquiers » prompts à tout liquider : suivi, affectation et promotion. L’école primaire étant le socle de tout parcours, elle a besoin d’être repensée et même repansée. C’est à cela que viendra son salut.
Une correspondance de Sony WAGONDA