Au Mali, des magistrats sont montés au créneau pour exiger l’ouverture d’une enquête en vue de faire la lumière sur le décès suspect de l’auteur de l’assassinat manqué du président de la transition malienne, le Colonel Assimi Goïta.
Mali: « Cette mort très suspecte n’honore ni l’Etat de droit, ni la démocratie, encore moins les acteurs de notre Justice »
L’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants (AMPP) et la Référence Syndicale des Magistrats (REFSYMA) prennent acte du communiqué du Gouvernement du Mali en date du 25 juillet 2021 annonçant la mort de l’agresseur du Président de la Transition, survenue dans des circonstances confuses, dans des locaux autres que ceux de la Police Judiciaire, au cours d’une enquête extra judiciaire ;
Se fondant sur les principes de l’État de droit exigeant que tout auteur d’infraction, soit immédiatement déféré devant le Procureur de la République compétent pour qu’il en soit décidé conformément à la loi, réaffirment qu’aucune raison ne devrait conduire à des exactions et excès jusqu’à l’élimination physique d’un forcené déjà neutralisé et mis hors d’état de nuire, lequel, d’après des renseignements concordants, serait un individu qui ne jouissait pas de la plénitude de ses facultés mentales ;
Considérant comme essentielle, la lutte contre l’impunité, l’AMPP et la REFSYMA condamnent tous procédés et méthodes prohibés, notamment toutes formes d’exécution sommaire, quelque soit la gravité des faits, nonobstant la qualité ou la personnalité de la victime, dénoncent, comme révélatrice de mauvaise gouvernance et constitutive de pire forme d’atteinte à l’indépendance de la justice et au principe de la séparation des pouvoirs, cette tendance marquée du gouvernement à subroger des Services Étatiques étrangers au Parquet, à la Police Judiciaire classique, voire à s’arroger les prérogatives des procureurs de la république, toutes choses qu’aucun motif ne saurait et ne devrait justifier ;
Analysant par ailleurs, le communiqué inapproprié du Gouvernement du Mali, d’une part comme une immixtion maladroite de l’exécutif dans la judiciaire, d’autre part, comme une reconnaissance de son entière responsabilité dans la mort de l’agresseur du Président de la Transition, réaffirment que les affaires strictement judiciaires, y compris celles parfois présentées à tort de sensibles, relevant de la compétence exclusive du Pouvoir Judiciaire, ne doivent être traitées que sous l’angle du seul droit ;
Rappelant que les magistrats, gardiens des droits et libertés des citoyens, du fait même qu’ils tirent leur légitimité et leur indépendance de la seule Constitution, déplorent le manque de diligence des procureurs, voire leur frilosité inexplicable à la seule évocation de la Sécurité d’Etat, s’agissant de s’approprier pleinement le traitement de toutes les affaires dévolues aux seuls acteurs de la justice, disent que les procureurs devraient pouvoir s’armer du courage nécessaire pour assumer efficacement leurs responsabilités conformément à la loi, sans céder, ni aux pressions, ni aux influences d’où qu’elles viennent ;
Considérant cette mort très suspecte, comme une tragédie qui n’honore ni l’Etat de droit, ni la démocratie, encore moins les acteurs de notre Justice, saluent la diligence et l’engagement de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et de la Division des Droits de l’Homme de la MINUSMA, dans la défense et la protection des droits fondamentaux de la personne humaine, notamment le droit à la vie et le droit à la Justice, Soutiennent toutes démarches pour y faire la lumière, dans l’objectivité et l’indépendance requises.
Bamako le 29 juillet 2021
Le Président Cheick Mohamed Chérif KONE