08 juillet 2020 – 08 juillet 2021. Cela fait exactement un an qu’ Amadou Gon Coulibaly a quitté le monde des vivants. Le 2 mai 2020, le Premier ministre ivoirien était transporté d’urgence vers la France, officiellement pour un « contrôle médical ». Revenu deux mois plus tard début juillet de la même année, le chef du gouvernement avait été accueilli par toute la République mobilisée autour du chef de l’Etat Alassane Ouattara. « Je suis de retour pour prendre ma place aux côtés du président (Alassane Ouattara), pour continuer l’oeuvre de développement et de construction de notre pays la Côte d’Ivoire », avait déclaré, souriant, Amadou Gon Coulibaly à sa descente d’avion. Malheureusement, le 08 juillet, le candidat désigné du RHDP à la présidentielle du samedi 31 octobre 2020, décède en plein conseil des ministres, des suites d’une crise cardiaque. Dès lors, c’est la tristesse dans tout le pays. « J’ai la profonde douleur de vous annoncer que le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, chef du gouvernement, nous a quitté en ce début d’après-midi après avoir pris part au conseil des ministres », annonce Patrick Achi, alors secrétaire général de la Présidence. «Je rends hommage à mon jeune frère, mon fils Amadou Gon Coulibaly qui a été pendant 30 ans mon plus proche collaborateur. Je salue la mémoire d’un homme d’Etat, de grande loyauté, de dévouement, et d’amour pour la patrie », s’est exprimé le président de la République. Pour Alassane Ouattara, Amadou Gon Coulibaly ‘’a incarné cette jeune génération de cadres ivoiriens de grande compétence et d’extrême loyauté à la Nation’’. « Avec la disparition d’Amadou Gon Coulibaly, la Côte d’Ivoire perd un modèle pour la jeunesse, un exemple de compétence, d’ardeur au travail et d’abnégation », a déploré le président Ouattara. Dans un témoignage exclusif accordé à Afrique-sur7, le journaliste et Expert-consultant, Bamba Alex Souleymane (BAS), à qui le père d’Amadou Gon Coulibaly « a accordé l’ultime interview » avant son décès il y a plusieurs années, raconte ce qu’a été la vie du fils Amadou Gon Coulibaly jusqu’à son décès en juillet 2020. C’est un témoignage inédit à ne pas se faire conter ni raconter. Lisons ensemble.
Bamba Alex Souleymane: « Il faut enseigner les valeurs culte qui ont fait d’ Amadou Gon Coulibaly, le Lion »
Afrique-sur7: 08 juillet 2020-08 juillet 2021. Déjà un an que le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly (AGC) est décédé. Quels souvenirs ?
Bamba Alex Souleymane (BAS): Vous évoquez une période triste parce que Gon Coulibaly incarnait à la fois pour la génération ancienne et intermédiaire, l’homme qui probablement aurait été le trait d’union entre le passé et l’avenir. Ses grandes qualités intellectuelles et professionnelles, son itinéraire marqué par de très grandes batailles. Il était à la formation du RDR, au service du Dr Alassane Dramane Ouattara, ancien gouverneur de la BECEAO avant qu’il ne devînt en 1994, le Directeur Général Adjoint du FMI. Ce qui fait de lui la 9ème personnalité du monde la plus protégée et qui nonobstant cela, l’histoire va l’en attester, a préféré plutôt se mettre au service de son pays, mener des combats ô combien périlleux jusqu’aux épisodes tristes de la crise de 2002 (…) Bref. Le frère, l’ami, le fils de mon ami, le Député Gon COULIBALY, lui-même fils d’Houphouët-Boigny parce qu’il a été couvé par le père de la nation. Tout simplement parce que son père, le Patriarche Peleforo Gon COULIBALY a adoubé le jeune Félix Houphouët Boigny de l’époque qui, après avoir combattu les colons, installé le Syndicat Agricole Africain (SAA), le 10 Juillet 1944, et devenu ce qu’il est devenu, a rendu autant qu’un homme peut être reconnaissant à un homme qui l’a aidé à prendre étape par étape, escalier par escalier, les marches qui l’ont conduit au sommet.
« Amadou Gon laisse un grand vide et le Président est très touché »
Il a été également reconnaissant à GON (fils), émérite intellectuel, ingénieur brillantissime qui a fait à la fois l’école d’ingénieur des Travaux Publics à Bamako, avant d’aller à Paris, dans la même école que son fils prodige fréquenterait bien plus tard. Vous voyez, il n’y a pas de hasard. Tel père, tel fils. Le parcours est quasiment le même. Député Korhogo S/P ; poste qu’occupe aujourd’hui son neveu Amadou Coulibaly, Ministre de la Communication et de la Francophonie. Bref, ce rappel pour que les uns et les autres comprennent la nature profonde des liens qui ont uni plusieurs personnes et qui transcendent les considérations politico-politiciennes. Généralement, les gens pensent que, parce que telle personne occupe telle fonction, que du fait de la nature de vos liens de cette période-là, vous pouvez y avoir droit à tel ou tel poste ! Oui si vous êtes brillant, vous en avez les aptitudes, les qualités. Non, vous pouvez en avoir les aptitudes, les qualités, être brillant et ne pas faire partie soit d’un cercle ou d’une philosophie de pensée, d’action voire de famille. Lorsqu’il plut à Dieu de rappeler à lui son fils Amadou Gon Coulibaly, je fus tout attristé et peiné du fait de la profondeur de l’amitié que son père m’a portée, tout jeune étant Lycéen puis étudiant en France. J’ai donc pensé au père Gon (père d’Amadou Gon) dont j’étais l’un des filleuls, j’ai pensé à maman Fatoumata, son épouse qui est encore avec nous…Nous avons été tous affligés, meurtris. Je reste toujours dans l’affliction, un an après. Oh Seigneur, Toi qui es le Dieu miséricordieux, l’incarnation de l’espérance, du bonheur, Toi à qui revient toute la gloire, Tu as rappelé à toi notre frère, notre fils…Nous sommes encore dans l’affliction mais nous ne cesserons de te louer et te prier de lui accorder ton Paradis.
Afrique-sur7: Vous qui avez connu le père Gon et le fils, quand on se rappelle qu’Amadou Gon Coulibaly avait été désigné candidat du RHDP à l’élection présidentielle de 2020, est-ce qu’on peut parler d’une symphonie inachevée ?
BAS: Oui AGC est une symphonie inachevée. C’est même une étoile filante au firmament d’un ciel clément mais qui n’a pas eu suffisamment à briller parce que le Père céleste, détenteur de tous les pouvoirs, a rappelé à lui un de ses fils. Cet homme si brillant, si organisé, une véritable mémoire scientifique, d’une capacité d’écoute, de perception, d’action et de réaction ; de dignité, de fidélité dans l’amitié. Cet homme-là, probablement aurait fait un grand Président de la République parce que non seulement il a eu la grâce divine, la grâce de son père et de sa mère à sa naissance déjà et toute la confiance que le Président de la République, Alassane Ouattara, lui a faite. Gon était un homme de conviction, un homme de la race des hommes purs. Il avait tout pour servir sa patrie avec brio, maestria, valeur d’engagement, de fidélité, de loyauté, de constance, force de travail et une force de frappe politique à l’intérieur du parti qui l’a révélé. Hélas…
Afrique-sur7: Pensez-vous qu’il y a des valeurs qu’il véhiculait et qui peuvent être enseignées à la jeune génération ?
BAS: Oui bien sûr. Les valeurs de fidélité, de loyauté, de constance dans l’amitié, dans la position; de détermination et de générosité par rapport aux gens qui ont été avec lui, qui l’ont accompagné dans sa carrière politique. Qu’ils soient de sa famille biologique ou politique, ses amis, ses camarades de quartiers. Cela est éminemment important. Je pense que la génération d’aujourd’hui, qui le vit d’une posture de numéro 1 pratiquement au sommet de son art; à cette génération, il faut enseigner les valeurs culte qui ont fait d’Amadou Gon, le « Lion ». Faut le leur enseigner absolument pour qu’ils comprennent qu’on n’obtient rien au hasard.
Afrique-sur7: Est-ce que vous avez une anecdote à nous raconter. Vous qui avez fréquenté le père et le fils Gon ?
BAS: Le père, c’était vraiment la fusion, l’estime pour son fils. Depuis le Lycée chez mon oncle Lanzeni Coulibaly (ancien procureur général, un érudit du droit), nous avons baigné dans un environnement de quiétude. Quand on envoie un jeune homme comme moi à 19 ans en France, en 1972, et que vous y réussissez à faire des études sérieuses et que vous n’avez manqué de rien (…) ça vous donne la pleine mesure de l’intérêt, l’estime, de l’amour filial que le père Gon avait à mon endroit. Je suis le légataire testamentaire. C’est à moi que le père Gon a accordé l’ultime interview. Ses paroles, ô combien précieuses, c’est à moi.
Afrique-sur7: Pensez vous que le Premier Ministre Amadou Gon, avec sa disparition, laisse un vide auprès du Président Alassane Ouattara ?
BAS: Incontestablement. Ça été un choc et Dieu seul sait si le Président Ouattara en a eu des chocs traumatiques. Il laisse un grand vide et le Président est très touché. Le monde entier l’a constaté dans ses attitudes. Il est extrêmement affligé, tétanisé. En levant la tête, il ne pensait qu’à Dieu seul : « ô Seigneur, c’est toi seul qui a tous les pouvoirs. Ta volonté a été faite. Aide-moi pour que la suite puisse être meilleure ». Voilà la posture que le Président Ouattara a eu devant tout le monde.
« Le décès d’Amadou Gon été un choc »
Sa tristesse est d’autant plus grande que c’est l’un de ses protégés, qu’il a fabriqué. On ne peut qu’avoir pitié de lui. Il est costaud, brillant, c’est vrai mais que de chocs. Cependant, il a auprès de lui, des hommes de grandes qualités et une épouse d’une douceur comme les zéphyrs au bord de l’océan qui vous berce et qui atténue vos douleurs ; une femme d’une compréhension et d’une gentillesse de cœur (…) Il ne faut pas avoir des positions de sentence contre certaines personnes, au point de ne plus vouloir rien attendre. Vous ne savez pas ce que Dieu vous réserve. Il faut savoir se souvenir, il faut savoir être reconnaissant.
Afrique-sur7: Merci Monsieur Bamba Alex Souleymane pour votre témoignage. Un dernier mot ?
BAS: Je voulais simplement dire que, lorsque vous n’êtes pas convaincu de ce qu’on peut trahir ou être ingrat, ne faites pas du bien aux autres. Mais si vous êtes certain, convaincu qu’on peut vous trahir ou être ingrat, faites du bien parce que c’est Dieu seul qui en est le comptable et cela vous forge une personnalité et fait de vous un homme sérieux, exemplaire et généreux. Et Dieu fera toujours tout possible pour que vous ne manquiez de rien parce que vous aimez vos prochains et avec le peu, vous aidez vos prochains. Evitez de nuire à l’autre, partagez toujours les valeurs de l’amour autour de vous. Le sourire appelle le sourire, l’amitié appelle l’amitié. Mais le mépris, l’arrogance appellent le super mépris et l’extrême arrogance. Nous n’avons qu’une terre, nous n’avons qu’un pays qu’aucun parti politique ne peut s’approprier. Nous devons partager les sourires, les amitiés. Et le fait d’appartenir à un parti ou à un autre ne doit pas être source de division inexplicable. C’est ensemble qu’on bâtira notre nation. Il y a tant de choses à faire pour être heureux intérieurement, physiquement. Il y a tellement de belles choses. Regardez comment la gent féminine est si radieuse, si étincelante. Des femmes qui, en pleine obscurité, peuvent vous éclairer le chemin. On ne peut pas avoir cette chance et puis vouloir s’entredéchirer pour rien. Je souhaite à ce que Dieu donne à chacun le minimum pour qu’il vive dans la dignité. Ceux qui pensent qu’ils peuvent avoir plus que tous les autres, qu’ils se souviennent de leur passé pour comprendre que Dieu leur a fait grâce pour servir les autres. C’est à ce prix que Dieu les bénira. Que la Cote d’Ivoire devienne la patrie de la vraie fraternité, la terre d’espérance promise à l’humanité. Merci!