Ce jeudi 17 juin 2021 marque le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire après dix ans d’absence au pays. Définitivement acquitté par la CPI le 31 mars dernier, l’ancien président ivoirien a été accueilli par des milliers d’Ivoiriens et sympathisants.
Laurent Gbagbo : Scènes de liesse à Abidjan, déception des victimes
Ambiance rythmée, liesse populaire, T-shirts et tissus à l’effigie du Woody de Mama, l’emblématique opposant à Félix Houphouët Boigny. Abidjan respire l’air frais de Bruxelles qui a poussé depuis les airs, l’ancien président Laurent Gbagbo qui a débarqué en Côte d’Ivoire cet après-midi.
Perceptibles sur les toits d’Abidjan, sur le boulevard Valery Giscard d’Estaing à Treichville ou encore au rond-point de Port-Bouet jusqu’au carrefour Akwaba, des dizaines de groupes de jeunes partisans ont afflué en grand nombre tot ce matin vers l’aéroport international Félix Houphouët Boigny d’Abidjan. C’est là que le « vol régulier » en provenance de Bruxelles a atterri vers 16 h (locales et GMT) avec Gbagbo et sa seconde épouse Nady Bamba.
Son absence n’a pas érodé sa popularité dans son camp. Les habitants de Mama (centre-ouest), son village natal, ont commencé dès dimanche à fêter son retour. « Je suis Gbagbo ou rien. Sans Gbagbo, pas de réconciliation. On a prié pour qu’il revienne. Dieu merci, il revient vivant. On est prêt pour l’accueillir », a déclaré à l’AFP Béatrice Kragba.
Le gouvernement ivoirien a rassuré, mercredi 16 juin 2021, que toutes les dispositions sont prises pour un retour sécurisé de Laurent Gbagbo ce jeudi. En provenance de la Belgique où il réside depuis son acquittement à La Haye, le président du Front populaire ivoirien (FPI) retourne au bercail après dix années passées hors des frontières ivoiriennes. Selon le porte-parole du gouvernement qui a donné l’ assurance à l’issue du Conseil des ministres bimensuel qui a eu lieu, mercredi 16 juin 2021, toutes les dispositions ont été prises pour garantir à l’ex-chef d’ Etat ivoirien, un retour sécurisé.
Embrassades entre Laurent Gbagbo et Simone à l’aéroport
Sur instructions du chef de l’ État ivoirien, Alassane Ouattara, le pavillon présidentiel de l’aéroport Félix houphouët-Boigny d’ Abidjan a été mis à la disposition du Comité opérationnel du retour au pays de l’époux de Simone Gbagbo. Alors que Me Rodrigue Dadjé, l’avocat de Simone, avait annoncé que la présence de l’ex-Première dame Simone Gbagbo à l’aéroport ce 17 juin 2021 n’était pas souhaitée par son époux, l’ex-Première Dame a bel et bien tenu à y être. Elle a même eu une chaude embrassade avec son époux descendu d’avion avec sa seconde épouse Nady Bamba.
La Côte d’Ivoire sous haute tension
A son arrivée, l’ex-président de 2000 à 2010 a été accueilli au pavillon présidentiel, comme l’a décidé le président Ouattara. « Mon souhait est qu’il n’y ait pas de triomphalisme qui pourrait engendrer des rancœurs et réveiller les vieux démons de la division au lieu d’apporter la paix en Côte d’Ivoire », a déclaré à l’AFP Joël N’Guessan, membre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti au pouvoir.
« La Côte d’Ivoire doit se retrouver. Elle est aujourd’hui en danger de déstabilisation par des djihadistes », a déclaré Assoa Adou, le secrétaire général du FPI, évoquant les récentes attaques meurtrières dans le nord du pays. Il a appelé « tous les sympathisants » de Laurent Gbagbo à « ne pas répondre aux provocations parce qu’ils vont nous provoquer (…) mais de dire à tous ceux qui manifestent : l’essentiel, c’est de se retrouver pour reconstruire un pays en paix, de fraternité. »
Avenir politique de Laurent Gbagbo
Le 31 mars, Laurent Gbagbo a été acquitté de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye où il était détenu depuis 2011. Il était poursuivi pour les violences postélectorales liées à son refus de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010, qui ont fait quelque 3.000 morts. Laurent Gbagbo qui a gardé la haute main sur le parti qu’il a créé, le Front populaire ivoirien, entend participer, d’une façon qui reste encore floue, à la politique de « réconciliation nationale » d’Alassane Ouattara et n’est animé par aucun esprit de revanche après l’humiliation de 2011, selon ses proches.
Les images de son visage marqué et de son regard perdu lors de son arrestation dans sa résidence dévastée d’Abidjan, puis à l’Hôtel du Golf, quartier général des forces pro-Ouattara où il avait été transféré, restent gravées dans les mémoires des Ivoiriens. « Les blessures ouvertes (…) ne sont pas refermées et il y a une peur des autorités de voir Gbagbo ré-agiter la rue, ce qui est une de ses marques de fabrique », note Rinaldo Depagne, chercheur à l’International Crisis Group (ICG). Qu’il participe activement à une « vraie réconciliation serait une bonne chose, car il a un poids considérable dans l’histoire politique de ce pays », dit-il. Selon lui, ce serait aussi son « intérêt », pour « bien terminer une carrière qui a eu des hauts et des bas ».
Des victimes de la crise de 2010-2011 s’inquiètent cependant de ce retour et dénoncent une réconciliation qui se fait au prix de l’impunité. Laurent Gbagbo reste sous le coup d’une condamnation en Côte d’Ivoire à vingt ans de prison pour le « braquage » de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) commis à cette époque. Pour le Collectif des victimes de Côte d’Ivoire (CVCI), cette peine doit être exécutée.