Dans une interview exclusive qu’il a accordée, cette semaine, à l’hebdomadaire satirique Gbich, le journaliste-consultant, Bamba Alex Souleymane, revient sur les temps forts de sa riche et brillante carrière d’homme des médias, qui lui a permis de rencontrer l’actuel chef de l’Etat, Alassane Ouattara, qu’il n’a plus quitté depuis lors. Afrique-sur7 a sélectionné juste quelques extraits de cette interview grandeur nature et vous propose de les lire. Avec délectation et sans modération.
Bamba Alex Souleymane: « Les gens ont la mémoire courte »
Considérant votre parcours exceptionnel, on peut aujourd’hui dire que vous êtes « ministrable » ?
Bamba Alex Souleymane: Bof ! Toujours la sempiternelle question ! Houphouët n’est plus là. Vous êtes la énième personne à le relever. Peut-être que, si Houphouët avait encore été là, je l’aurais été certainement. Pendant la transition sous Guéi (si elle avait été bien menée), il y avait une opportunité. Pour moi-même ainsi que pour mon ami et frère Mel Théodore. Hélas, les errements et contradictions du CNSP ont dévoyé la transition.
Les gens ont la mémoire courte. En 2001, c’est nous qui avons convaincu le grand frère Alassane Ouattara (qui était à Paris), de rentrer en Côte d’Ivoire pour prendre part au ‘’Forum’’ de réconciliation nationale. Bouaké Fofana, Vakamoné Toure, Lakika Fadika (paix à son âme), Cheickna Sylla et bien d’autres sont là, comme témoins et acteurs. On a travaillé à ce que le climat social s’apaise. Ces efforts conjugués ont permis au président Alassane Ouattara de faire la ‘’démonstration historiale’’ la plus limpide (que rien ne peut déconstruire) de sa vie. Jamais encore, il n’avait été amené à subir un test aussi fort. Un test réussi.
Le Forum lui permit de mettre en exergue sa filiation cohérente et inattaquable. Il y subjugua acteurs politiques comme citoyen lambda. Il créa beaucoup d’émotion lorsqu’il égrena le chapelet des humiliations et injustices que sa mère Hadja Nabintou Cissé, eut-elle à subir. Pour qu’il vînt donc, il a fallu des hommes et femmes engagés et d’honneur pour le convaincre. J’ai compté au nombre de ceux qui ont réussi cet exploit. Le résultat permis de décrisper l’atmosphère politique.
Ce « forum », est à mettre à l’actif du président Gbagbo car, il avait compris qu’il y avait un déséquilibre de la société et que les clivages et antagonismes étaient sans concessions. De fait, il avait constaté qu’il y avait des faiblesses endogènes. Le forum lui a, ainsi, permis de les ‘’corriger’’. Mais les mesures correctives n’ont pas suffi. Puisque, l’année qui a suivi, il y eut une rébellion. Le 19 septembre 2002. Tous les Ivoiriens en ‘’âge de raison’’ à ce moment, en gardent en mémoire les stigmates.
Vous êtes un véritable sachant depuis Houphouët. Un privilège ?
Bamba Alex Souleymane: Pendant toutes ces années de crise, j’ai été conseiller spécial de trois Premiers ministres et non des moindres. Seydou Diarra m’a apprécié au plus haut point. Parce que, pour lui, je faisais (et fais) partie des meilleurs. Le président Ouattara, lui, le sait tout autant. Et pour cause, avec Ally Coulibaly, je fus au cœur de la lutte existentielle. Du reste, lorsque, j’achetais ma villa en 1992, Houphouët m’a donné 25 millions, lui, Ouattara, m’a appelé pour me faire remettre 6 millions par le biais de Pascal Koupacki son Directeur de cabinet adjoint à la Primature.
Il est vrai qu’après, au niveau du parti, je n’ai pas été actif. Parce que je ne suis pas un homme d’appareil de parti. Mais, les combats que j’ai menés entre Abidjan et Ouagadougou, notamment avec mes écrits puissants, ma valeur d’engagement, mes analyses de belles factures, j’ai été au ‘’premier plan’’ de l’action politique du RDR pour son accession au pouvoir. Malheureusement, j’ai été victime de la conspiration des lâches après la crise post-électorale, tout simplement, parce que je n’ai pas séjourné au Golf hôtel. Comme si tous ceux qui y étaient (ou y ont été surpris) étaient des fervents soutiens historiques de Ouattara comme moi qui l’ai toujours été. Quoi qu’il en soit, devenir ministre, ne dépend que de Dieu.
Justement, avec les nominations qui se font aujourd’hui, vous n’êtes pas frustré ?
Bamba Alex Souleymane: Pourquoi devrais-je l’être ? (Rires) Dieu donne à chacun, ce que, Lui, l’Omniscient a décidé. Je suis croyant, je demande à Dieu de me faire grâce tous les jours. Je suis heureux avec mes acquis et atouts intellectuels et professionnels puissants. Le jour que Dieu décidera que je sois nommé, je le serai. Ce que je demande, c’est l’élévation morale, spirituelle et la protection divine.
En dépit des coups bas que vous recevez, vous ne vous rebellez pas contre le système ?
Bamba Alex Souleymane: Alassane Ouattara est l’incarnation de tout ce que je viens de dire. Il a tout subi ici. Beaucoup parmi des promus, qu’il a mis au travail, sont pour certains, voire plus, ceux qui racontaient n’importe quoi sur lui ici. Des gens contre lesquels je me suis dressé et que j’ai battus hier. J’en suis fier. Mon antériorité historique est sans contexte. Mes états de service au service de la nation aussi. Personne n’a vu nombre de ceux qui sont promus travailler avant ! Moi c’est à « ciel ouvert » que j’ai blanchi sous le harnais du pouvoir. J’ai représenté mon pays à de très nombreuses conférences mondiales ou élections présidentielles à l’étranger. Qui peut se targuer d’avoir un tel parcours. Quand je parle de mon parcours, de mes hauts faits d’armes, les gens n’en sont que par trop admiratifs. Le militantisme politique a détruit le culte du travail efficient.
Que pensez-vous du changement générationnel ?
Bamba Alex Souleymane: Aujourd’hui j’entends les gens parler de changement générationnel. Mais c’est Dieu qui change la génération. Il y en a qui sont certes jeunes, mais ils sont paresseux. Ils ne savent pas travailler. Il y en a qui, par la grâce de Dieu, ont mon âge, sont plus vigoureux et percutants. Qui ont une culture, une ouverture d’esprit plus grandes. Je suis un dur à cuire. Cependant, je suis humain, généreux et fraternel.
Parlez-nous de vos rencontres avec le Président Ouattara.
Bamba Alex Souleymane: Une relation qui prend sa « source » dans l’histoire du Président Alassane Ouattara. Ce sont de multiples rencontres au cours desquelles l’homme m’a fait confiance et emmené à croire en ses qualités, sa vision, sa foi en l’homme et à ses valeurs. Un homme brillant et pétillant Premier Ministre. Je le vois à sa résidence mythique à Blockhauss qui était l’une des plus belles résidences d’Abidjan. Celle-ci a subi la furia des hordes de révoltés des évènements de 2002. Une très bonne partie de ses mémoires et patrimoine, a été atomisée. Les grands hommes sont comme ça. Moi-même j’ai subi cela. Ma résidence secondaire a subi la furia de la horde des tâcherons qui ont violé le périmètre territorial de ma résidence. 90% de mon patrimoine intellectuel, tout est parti.
Qu’est-ce que les gens ne disaient pas lorsque je défendais Ouattara ? J’étais Rédacteur en chef du journal d’Houphouët et nommé par Houphouët. Sur Ouattara, je peux vous relater des anecdotes des plus inédites et authentiques comme celle du genre où, tout petit, le Président Ouattara arrivait à Gagnoa. Oui, à Gagnoa ! Qui étaient sa tante et ses cousins et cousines, son oncle etc. ? Nous avons fait partie du premier voyage de Ouattara sur sa terre natale de Kong. Son histoire était écrite; donc on ne peut pas l’effacer et encore moins la falsifier. Quand les gens disaient qu’il n’avait pas de village, Dieu a réalisé le miracle. Ce n’était même pas un miracle, son grand frère était député-maire de leur village et vice-président de l’Assemblée nationale. Vendredi 13 Mars 1993 : le pèlerinage en terre sainte de Kong ou le retour de «l’enfant prodige » sur la terre de ses aïeux.
Bamba Alex Souleymane: « Ce n’est pas un hasard si c’est à Ténè Birahima qu’on confie la Défense »
Le destin d’Alassane s’y détermina et s’y joua ce jour-là. Lorsque nous arrivâmes à Kong aux alentours de 13 heures, l’imam de la mosquée centenaire avait déjà achevé la prière du vendredi. Il fit néanmoins l’honneur d’accueillir ses hôtes au sein du bel édifice dédié au culte d’Allah pour les gratifier de ses bénédictions. Puis nous entamâmes la mémorable procession vers Linguekoro, le village natal des descendants de la dynastie de l’empereur Sékou Wattara. Longtemps avant sa naissance, les oracles avaient annoncé qu’un jour cet enfant allait revenir de façon triomphale comme Soundjata, pour rabattre le caquet des ivoiritaires. C’était ce jour-là et pas un autre. Depuis ce jour, jusqu’à son avènement à la magistrature suprême et aujourd’hui, jamais aucun meeting ou rassemblement n’a baissé en ferveur et en intensité pour saluer Alassane Ouattara.
J’en suis le témoin privilégié avec cette poignée d’autres compagnons qui furent de l’expédition. Des noms me reviennent en mémoire comme ceux de Vagondo Diomandé, Amadou Gon Coulibaly, Pascal Grah-Bouah, Cissé Moussa et de quelques autres. C’était là la genèse de la lutte héroïque. Tous ceux qui sont aujourd’hui sur l’estrade n’étaient pas sur la photo historiale. Je suis un “soutien affectif et fraternel’’ de Ouattara depuis l’aube de son combat politique. Je m’en tiens à ce que Gaoussou Ouattara inculqua :« Soutien le en tout temps en toute circonstance, qu’importe qu’il te le reconnaisse ou pas. Ne baisse jamais les bras. Dieu te le rendra un jour ». C’est ce qui justifie que je ne puis me mettre en rébellion.
« J’appréhende les choses avec beaucoup de philosophie »
Je mets la pédale douce et regarde avec une certaine élévation. J’appréhende les choses avec beaucoup de philosophie. Je suis très redoutable mais j’ai aussi le sens de l’honneur et de la dignité. Je ne peux prier pour quelqu’un et poser des actes à son encontre. Les gens oublient que moi je suis un historien. Je ne suis pas un gamin. J’ai fait des études sérieuses et le président Houphouët m’a nommé. Ouattara était chef du gouvernement mais Houphouët m’a nommé, comme je l’ai dit précédemment, dans un journal que j’utilisais pour combattre ceux qui étaient contre lui. On avait de très bons rapports.
Le 4 juillet 1994, j’étais chez lui et il m’a fait tellement de confidences que j’en ai prises pour faire un livre qui est quasiment prêt. Son frère Ibrahim qui est le plus fraternel de la famille à mon égard, lorsque je lui écris ou l’appelle, soit il répond dans l’instant, soit il répond d’une manière ou d’une autre. A contrario, certains de ceux qui nous ont côtoyé ou fréquenté, ont disparu ou se sont enfermés dans un ‘’mur de glace’’, oubliant d’où ils viennent !
C’est un devoir d’honnêteté envers Ténè Birahima qui, je le répète, a été le plus fraternel. Ce n’est donc pas un hasard si c’est à lui qu’on confie la Défense dans un contexte comme celui du moment. En la matière, il faut « un minimum de confiance entre le mandataire et le mandé ». Ils doivent être en parfaite osmose. John Kufuor a eu pour Ministre de la Défense du Ghana de 2001 à 2008, son propre petit frère. Idem pour John Kennedy qui avait pour Ministre de la Justice, son petit frère, Robert Kennedy de 1960 à 1963.