Décédé en 1983, Ernesto Djédjé a fait les beaux jours, sinon les premiers beaux jours de la musique ivoirienne. 38 ans après son décès brusque, à seulement 36 ans, le chanteur est raconté par l’écrivain Pacôme Christian Kipré.
Ernesto Djédjé, 38 ans déjà! (Par Pacôme Christian Kipré)
C’était le 9 juin 1983. Un jour où sur la Côte d’Ivoire, un soleil radieux irradiait notre si bel eldorado soudé comme les doigts de la main. Dans les foyers, ce jour-là et je m’en rappelle comme d’hier, c’était la radio qui servait par ses contenus très attractifs avec des programmes de haute volée. La culture au centre de tout pour former des citoyens ivoiriens dignes. Il n’y avait pas école pour les enfants du primaire. C’était si ma mémoire est bonne un jeudi. En ces temps-là. On écoutait la superbe émission « Djamo Djamo ». Une belle tribune qui exhortait les citoyens où qu’ils soient à s’armer de courage pour faire leur travail. Le générique qui passait, avait été emprunté au rossignol de la chanson ivoirienne, le grand Bailly Spinto. Dans plusieurs langues de ce pays, il saluait les travailleurs. Sa voix ensoleillée et guerrière dans cette chanson avait fini par être un hymne dans ce pays.
Perdu dans ce programme radiophonique, comme si le ciel nous tombait sur la tête, on a arrêté l’émission pour annoncer le décès d’une sommité de la musique ivoirienne. Ernesto Djédjé venait de rendre l’âme à Yamoussoukro dans un hôtel. Ça ne pouvait pas être vrai pour les Ivoiriens. Quel coup de massue incroyable. On venait à peine d’assister il n’y avait pas si longtemps à sa superbe prestation télévisée où il nous révélait John Mayal devenu plus tard le roi de la Zézé Pop le Kiffiz John Yalley. L’instant était solennel, la CI perdait pour le début de la décennie 1980, le premier artiste icône de sa génération. À Yopougon où habitait la vieille Dapia sa mère, ce fut une déferlante qui n’eut rien à comparer aux décès des Elvis Presley et autre Claude François.
Tous les quartiers de la bourgade se sont levés et avec une organisation parfaite des femmes bétés, commençait le lagah Digbeu à pied depuis Niangon, Nouveau quartier, sicogi, sogefiha etc etc pour se déporter chez elle aux toits rouges pour pleurer. L’émotion du premier jour quand le deuil tombe en pays bété marque à jamais les esprits et celui-ci fut inattendu pour la maman qui venait de comprendre que son fils était un king de ce pays. Tristesse et mélancolie, on parlait de Ernesto Djédjé au passé déjà. Le président HK Bédié qui était son témoin de mariage, était sonné.
« Ernesto Djédjé reste incontestablement un des dieux de la musique ivoirienne »
Son fils Djédjé avait eu le temps trois années plus tôt de lui sortir une chanson en hommage qui aujourd’hui en 2021 est une prophétie accomplie. Il disait en substance dans la chanson que la villa de Daoukro seulement ne serait pas son fief et que de partout les gens viendraient le consulter. La suite fut encore plus éprouvante avec les grandes funérailles sur la place publique de Treichville Arras, et ce déplacement incroyable à Tahiraguhé à Daloa. Djédjé partait ainsi à 36 ans seulement. On découvrait sa femme égyptienne Soher Galal. Aujourd’hui, son pur produit qu’il a enseigné et dont il fut le maître reste John Yalleh.
Djédjé lui a ouvert les bras là où les autres disaient qu’il était nul. On se souviendra longtemps de son passage au concert de la paix en 1985 où il fut hué et aura disparu jusqu’à réapparaître au début des années 90. Aujourd’hui c’est un roi, c’est un chef, c’est le fils de Ernesto Djédjé qui en a fait une sommité rien qu’en lui donnant sa chance et le boostant. Il faut aussi féliciter les GI’S. Stephane Vovp Daffe Marc Besset Pascal de Cocody Marc Ayekoe Sibiri Sibiri qui l’ont immortalisé avec une reprise de la chanson « PINEKPA » ou la vie des hommes. Pour que des adolescents à cette époque aient des égards pour Djédjé, ça voulait dire qu’ils étaient très bien cultivés et connaissaient le sens de la poésie musicale.
Dans l’air du temps, avec des influences américaines, les garçons ont glissé du rap dans la chanson. Leur passage à la RTI pour chanter ce délice est encore aujourd’hui regardé sur YouTube par des milliers d’internautes. Je pourrais parler longtemps de Ernesto Djédjé. Je vais m’arrêter là aujourd’hui. Il reste incontestablement un des dieux de la musique ivoirienne que nous avons perdu dans la fleur de l’âge. Si on a un musée genre Grévin, ce serait la première figure de cire à y installer.
PACÔME CHRISTIAN KIPRÉ
ÉCRIVAIN