Le procès Amadé Ouérémi se poursuit ce jeudi 25 mars 2021 au tribunal criminel d’Abidjan-Plateau, dans l’affaire du massacre de Duékoué et Duékoué carrefour, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Mercredi, Amadé Ouérémi révélait que c’est le Commandant Fofana Losseni dit Loss qui a donné l’ordre de chasser les miliciens à Duekoué.
Amadé Ouérémi cite le Commandant Loss (Fofana Losseni) et le chef de guerre Coulibaly dans les massacres de Duékoué
Le chef de guerre du Mont Peko, considéré comme la terreur dans l’Ouest ivoirien, est devant la justice depuis le mercredi 24 mars 2021 pour répondre de plus de 20 chefs d’accusations retenus contre lui dans le massacre des populations Wê et guérés lors de la crise post-électorale en mars 2021 à Duékoué.
« C’était précisément les 28 et 29 mars 2011 que des hommes armés ont pris possession de la ville de Duékoué et ont massacré les populations Guéré et Wê de cette localité », confie un rapport de l’Observatoire ivoirien des droits humains (OIDH) qui suit le procès.
Selon la Croix rouge, elles étaient plus de 800 victimes abattues sommairement, composées majoritairement d’hommes (vieillards et jeunes).
Des faits confirmés par Amadé Ouérémi, arrêté le 18 mai 2013 alors qu’il régnait depuis déjà 10 ans sur la forêt classée du Mont Peko, mais nie en bloc, sa responsabilité directe dans cette affaire, pointant plutôt du doigt celle des chefs militaires de la rébellion de l’Ouest du pays.
« »J’étais à Bagouo le 27 mars 2011. C’est le Commandant Fofana Losseni dit Loss qui a donné l’ordre de chasser les miliciens de Duekoué. Moi, j’étais un rebelle aux ordres du chef de guerre Coulibaly. C’est lui qui m’a fourni des armes et des treillis militaires », a-t-il indiqué.
Duékoué : Procès Amadé Ouérémi ou la honte de deux décennies de tragédie cachée
Interrogé successivement par le Président d’audience, le Procureur et sa défense sur ces faits déroulés à Duékoué du 28 au 29 mars 2011, Amadé Ourémi a nié avoir participé aux massacres qui y ont eu lieu.
Il a affirmé être malade ce jour-là, donc resté à Blodi, localité située non loin de Duékoué. Il a également nié les allégations selon lesquelles, il avait une troupe d’hommes armés sous son contrôle.
« Moi j’étais malade et je ne faisais que mettre les munitions dans les chargeurs des armes dans le village de Blodi. C’est après la libération de Duekoué que je suis entré dans la ville. Les vrais dozos étaient nombreux ce jour là. Ce sont les dozos qui ont tué les gens. Ce n’est pas parce que c’est mélangé qu’ils vont mettre tout sur moi. Dieu même sait que je n’ai pas fait ça moi seul. Je n’avais pas d’hommes sous mes ordres. Je n’ai pas tué de guéré », s’est défendu Amadé Ouérémi.
Il a toutefois reconnu avoir constaté un grand nombre de corps jonchant le quartier Carrefour de Duékoué à son arrivée le lendemain à 16h.
« J’ai vu des corps des hommes. C’était beaucoup. Je n’ai jamais vu ça de ma vie. Il y avait des femmes, des hommes, des enfants et des vieillards parmi les corps. Des personnes ont été brûlées vives dans des maisons. On m’a utilisé comme un chiffon pour nettoyer leurs déchets », a-t-il ajouté.
Le procès se poursuit ce jeudi 25 mars 2021. L’histoire de la rébellion ivoirienne.
Amadé Ourémi est poursuivi pour vingt-quatre chefs d’accusation qui sont à sa charge, notamment des faits de crimes de guerre, génocide, meurtre, viols, enrôlement forcé, violence et voie de faits sur les mineurs, engagement de troupes armées, fourniture d’armes, coups et blessures volontaires, complot, attentat contre l’Autorité de l’Etat, vol en réunion, soustraction frauduleuse de biens, extorsion de fonds, pillages, dégâts, dommages de marchandises, etc.
Lors de ce procès, le nom de Fofana Losseni, alors commandant de la zone de l’ouest, à amplement été cité par l’accusé lors de cette audience.
Interrogée s’il y a possibilité que ce dernier soit appelé à la barre pour faire la lumière sur certains points, Roseline Aka Sérikpa, avocate d’Amadé Ouérémi, a répondu par l’affirmatif.
« Pour la nécessité de l’éclatement de la vérité, s’il y a nécessité que ces personnes comparaissent, nous en jugerons », a-t-elle laissé entendre.
« Nous sommes dans une affaire criminelle. Il est juste accusé et non déclaré coupable. Moi, je suis avocat. En cette qualité, je suis là pour le défendre. Quelles que soient les charges qui pèsent sur mon client, je dois mettre tout ce qui est moyens en ma possession pour le défendre au mieux. Je suis en train de réunir tous les moyens pour assurer sa défense. Si ces moyens sont suffisants, c’est possible qu’il soit relaxé », a confié Me Roseline Aka Sérikpa.
Duékoué et la région du Guémon: Épicentres des tueries massives depuis plusieurs années – Procès Amadé Ouérémi
La sortie fracassante du chef rebelle devant le tribunal criminel d’Abidjan, rebat les cartes pour situer les responsabilités de la rébellion ivoirienne déclenchée le 19 septembre 2002 sous la conduite de Guillaume Soro et des dizaines de chefs de guerre venus du Burkina Faso voisin.
Et depuis, aucune année n’est passée sans que la région n’ait basculé dans la violence. Épicentre des tueries massives avant même la crise postélectorale de 2010-2011, la région du Guémon et sa capitale Duékoué, rappellent la situation délétère d’une région en proie aux violences.
Les tueries de la crise postélectorale, n’étaient pas encore élucidées lorsque survint l’attaque du camp des déplacés internes de Nahibly (situé à 3 kilomètres de Duékoué) le 20 Juillet 2012.
Sur fond de suspicion et de violences interethniques, des communautés aidées de soldats FRCI et de chasseurs dozos s’en sont pris au camp des déplacés de Nahibly qui abritait 5 385 déplacés issus de 34 localités. Sept personnes ont trouvé la mort (par balles et par incendie).
Cinq ans plutôt, une attaque coordonnée des villages de Guitrozon et de Petit-Duékoué, «dans la nuit du mardi 31 mai 2005 au mercredi 1er juin 2005, vers 2 heures du matin [par] des individus non identifiés, armés de fusils de chasses de type calibre 12 et d’armes blanches», a fait officiellement «41 morts, 64 blessés plus ou moins graves et une trentaine de cases incendiées» dans lesquelles ont été retrouvés 11 corps calcinés.
Un peu plus de 150 morts selon les organisations humanitaires. Les victimes de ce massacre nocturne, appartiennent toute à la communauté guéré.
L’APDH estime, au vu des éléménts recueillis et des tensions perceptibles, que l’éventualité de réédition des violences communautaires, n’est pas à écarter, et tire la sonnette d’alarme en indiquant que les conditions d’un génocide, sont en train d’être réunies à Duékoué.
En attendant que l’État consente à se pencher sur ce problème de fond dans la région, le nom de Duékoué est tragiquement devenu synonyme des violences de plus en plus meurtrières.
Et ses « 53 villages d’autochtones pour 5 000 campements d’allogènes et d’allochtones », vivent encore aujourd’hui dans une totale méfiance.
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