Charles Blé Goudé a été acquitté par les juges de la Cour pénale internationale (CPI) en même temps que son mentor Laurent Gbagbo, le 15 janvier 2019. Mais pour en arriver là, que de chemins parcourus par l’ancien leader de la galaxie patriotique, qui de souvient, sept années après, des conditions de son arrestation et la procédure expéditive qui a débouché sur sa remise à la Cour de La Haye.
Charles Blé Goudé : « 23 Mars 2014 vers 1h du matin, j’arrive à La Haye »
Accusés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, l’ancien président Laurent Gbagbo, et l’ex-leader des jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, ont été acquittés par la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (CPI) qui a ordonné leur mise en liberté immédiate. Mais à la suite d’un appel du Bureau du Procureur dirigé par Madame Fatou Bensouda, les deux accusés ivoiriens ont finalement été libérés sous conditions, le 1er février 2019. Gbagbo Laurent, fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) s’est envolé pour Bruxelles, et l’ancien ministre de la Jeunesse de son dernier gouvernement est resté à La Haye. L’appel interjeté par la procureure gambienne suit son cours à La Haye, et une importante décision est attendue lors de la prochaine audience prévue pour le 31 mars 2021.
Mais en attendant cette décision judiciaire capitale, l’auteur du livre « De l’enfer, je reviendrai » a le temps de se remémorer ses derniers instants à la Direction de la surveillance du territoire (DST) à Abidjan, ainsi que les conditions de son transfèrement à la CPI.
L’ancien Secrétaire général de la fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) avait en effet été arrêté par la police ghanéenne, alors qu’il était en plein sommeil. Après avoir été remise aux autorités sécuritaires ivoiriennes, l’une des figures de proue du camp Gbagbo passera 14 mois en détention dans la capitale économique ivoirienne. Au terme de cette période, le proche collaborateur du président déchu sera conduit devant le procureur de la République de Côte d’Ivoire.
« Je ne saurai vous dire quelle heure il était; je n’avais pas le droit d’avoir une montre. Cette nuit-là, Tito (chef geôlier) et ses hommes me bandent les yeux et m’embarquent dans un véhicule. Nous avons roulé des heures et des heures. Un moment, J’ai pensé à un transfert à Bouaké. Finalement nous retournons à la DST. Je suis installé sur une chaise où je reste assis les yeux bandés toute la nuit. Lorsqu’on m’enlève la cagoule, je vis les rayons du soleil à travers les fenêtres : il est matin. Me voici face à face avec le lieutenant Brou, un officier de la DST. Il ordonne que je sois conduit dehors. Un cortège impressionnant m’y attendait. Très vite on m’embarque et le cortège démarre. Après quelques minutes, me voici en face du procureur Adou Richard. Il était particulièrement sous pression, ce jour du 21 Mars. Il m’informe qu’une avocate commise d’office m’assistera. Je lui oppose un refus catégorique, et j’exige la présence de mon collectif d’avocats. Maître Nomel, membre de mon collectif d’avocats, fait son entrée dans le bureau du procureur et lui indique qu’il n’a pas le droit de m’interroger en l’absence de mes avocats. Le procureur réplique en ces termes : selon le statut de Rome … », raconte le président du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (COJEP).
Poursuivant, Charles Blé Goudé précise qu’il a été surpris de l’évocation du Statut de Rome dans une affaire concernant un Ivoirien et portée devant la justice ivoirienne. Mais son avocat l’informe de la décision des autorités ivoiriennes de le transférer à la CPI. Par ailleurs, précise l’ancien compagnon syndical de Soro guillaume, la procédure devant conduire à ce transfèrement vers cette juridiction internationale s’est faite de façon cavalière.
« Aux pas de course, on me conduit manu militari au palais de justice au Plateau. La chambre d’accusation siège rapidement pour donner une coloration juridique à la décision politique du gouvernement: c’est décidé, je dois être transféré à La Haye. La journée du 21 Mars 2014 fut particulièrement agitée. Quelques camarades étaient là pour me soutenir, la police aussi pour réprimer. Mon épouse, accompagnée de maman Kili, était là pour me soutenir. Elle a été molestée par les hommes du général Kouyaté, commandant du CCDO au moment des faits », raconte Blé Goudé.
Il rejoindra finalement son mentor, l’ancien chef d’État Gbagbo Laurent, arrivé à La Haye trois années plus tôt. « Vers 17h, on me ramène à la DST où j’ai passé ma dernière nuit. Le lendemain, 22 Mars 2014 à 11h, j’embarque à bord d’un avion belge, direction les Pays-Bas. C’est finalement dans la nuit du 22 au 23 Mars 2014 vers 1h du matin que j’arrive à La Haye pour être admis au centre de détention de scheveningen », se souvient-il.
« Aujourd’hui 23 Mars 2021, cela fait exactement sept ans jour pour jour que je suis maintenu ici », se rappelle le Génie de Kpo. Avant d’ajouter, sur sa page Facebook, qu’ « Il y a des dates que l’on n’oublie jamais ».
Reconnaissant de son épouse, ses camarades du Cojep, ses avocats, ainsi que touts Ivoiriens qui l’ont soutenu dans ces épreuves, Charles Blé Goudé témoigne toute sa gratitude, avant de leur lancer ce message d’espoir : « La CPI n’est pas la fin, c’est un autre commencement. Restons en union de prière pour le 31 Mars 2021. Ce que Dieu a commencé, il va terminer. »