Les hommages n’ont cessé de déferler de toutes parts depuis le décès du Premier ministre ivoirien, Hamed Bakayoko. Au nombre des personnes très affectées par cette brusque disparition du locataire de la Primature de Côte d’Ivoire, Chef du gouvernement, ministre de la Défense, Député de Séguéla, Maire de la commune populaire d’Abobo, parrain des artistes ivoiriens et africains, et surtout grand philanthrope devant l’Éternel, c’est bien son ancien Directeur de Cabinet Vincent Toh Bi Irié. L’ancien Préfet d’Abidjan s’est en effet évertué, depuis la tragique nouvelle, le 10 mars dernier, à faire des publications sur les réseaux sociaux pour magnifier les qualités de l’illustre disparu. Hommage qui lui a coûté des critiques acerbes de la part de certains internautes. Le fondateur de « Aube nouvelle » est toutefois revenu à la charge pour expliquer sa démarche sur ses prises de position et le bien-fondé de ses posts.
Vincent Toh Bi : « Hamed Bakayoko n’était peut-être pas un homme parfait…»
HAMED BAKAYOKO : ON RETIENT QUOI ?
QUESTION No1: Si Hamed Bakayoko était vivant et que je m’étais levé un matin pour lui rendre hommage en balançant sur ma page pendant une semaine les textes que vous avez lus, quelles intentions m’auriez-vous prêtées ? Qu’auriez-vous pensé de moi ?
QUESTION No2: Si les semaines qui viennent, je transforme ma page en page d’hommages au Président de la République Alassane Ouattara, aux Présidents Henri Konan Bedie et Laurent Koudou Gbagbo ou à Monsieur Soro Kigbafori Guillaume sur des aspects de leurs vies qui constituent des exemples pour les jeunes Ivoiriens, que penserez-vous de moi ?
Dites la vérité.
Apprécions nos valeurs au sein de nos familles, de nos communautés et de notre pays.
Depuis 07 jours, j’ai décidé de rendre hommage au Premier Ministre Hamed Bakayoko sur les aspects de sa vie qui peuvent inspirer d’autres générations.
Je n’ai plus rencontré Hamed Bakayoko depuis ma démission de la fonction de Préfet d’Abidjan. Comme il fallait s’y attendre, les nombreux colporteurs se sont engouffrés dans la brèche et nous ont causé plusieurs mois de brouilles. J’ai pris les voies qui correspondaient à mes aspirations de vie par le service aux communautés de base. Quelques mois avant son décès, nous avons recommencé à communiquer par différents canaux. Hamed Bakayoko n’est pas homme à fermer les portes aux relations humaines. C’est d’ailleurs une de ses qualités.
Ma foi en Dieu m’oblige à exprimer, quelles que soient les circonstances et les personnes, de la reconnaissance envers tous ceux que ma route a croisés dans la vie. La reconnaissance est une vertu.
Hamed Bakayoko n’était peut-être pas un homme parfait, comme tout être humain. Il n’avait peut-être pas que des qualités, comme tout être humain. Il n’avait pas que des amis. Sommes-nous parfaits ? Qui sommes-nous pour juger nos semblables ou ne pas reconnaître les qualités que Dieu notre Créateur a accordées aux autres?
J’ai apprécié la courtoisie et le respect avec lesquels certaines personnes ont émis des réserves sur certains des aspects que je célèbre. C’est justement cette Côte d’Ivoire que nous voulons, celle où nos divergences de points de vue ne deviennent pas objet de guerre, d’attaque ou de discorde.
À tous les autres, soyez libres de célébrer humblement ceux qui vous ont inspirés dans votre vie, ceux qui ont posé quelques actes utiles qui sont restés dans la mémoire collective. Ne vous érigez pas contre les modèles des autres, car nos émotions humaines nous inclinent naturellement à avoir des choix différents.
Au-delà de ses défauts qu’il avait l’humilité de reconnaître et que nous avons certainement tous aussi, Hamed Bakayoko a été, dans la perspective professionnelle dans laquelle je fais mes témoignages, un homme rigoureux, appliqué dans le travail, orienté vers le résultat concret à impact social; un homme de compromis, un régulateur dans la gestion des crises sociales et politiques; un novateur et un réformateur dans des orientations administratives et sécuritaires spécifiques.
Nous connaissons les grands hommes d’État occidentaux que nous étudions dans nos Écoles et Institutions. Qui fera connaître à nos enfants à nous, nos grands artistes, nos grands journalistes, nos grands chercheurs, nos grands officiers, nos grands humanistes, nos businessmen les plus ingénieux, nos politiciens les plus consensuels et les plus efficaces?
Qui écrira l’Histoire des faiblesses et échecs de ces personnes ? Qui éclairera leurs forces et leurs qualités pour que les générations d’aujourd’hui et de demain s’en inspirent pour éviter ces échecs et emprunter les mêmes chemins des qualités et des succès ?
Évitons cette habitude africaine de nous taire sur des choses ordinaires qui peuvent être enseignées à nos enfants, sous prétexte qu’on ne parle pas. Ça fait 100 ans que nous ne parlons pas abondamment de ceux parmi nous qui peuvent être des modèles, cela nous a menés où de cadenasser nos bouches fébriles et peureuses et de scléroser nos doigts d’écriture, sous la férule de la censure externe ou de l’auto-censure ?
Essayons peut-être d’élever nos propres héros et nos propres modèles en révélant à nos enfants les faiblesses de ces héros pour qu’ils soient leurs modèles de vie. Peut-être que cette autre voie nous permettra de gérer nos enfants sans repères et d’ériger non pas la violence et la médiocrité en mode d’existence, mais plutôt la recherche de l’excellence en nécessaire canal de développement.
Si les qualités professionnelles et humaines d’Hamed Bakayoko tant vantées ne font pas l’objet d’un partage d’expériences ou ne sont pas racontées de façon pédagogique aux jeunes qui l’ont aimé, il sera mort deux fois. Il ne faut pas qu’il parte dans la tombe demain Vendredi à Séguéla avec les valeurs qu’il a incarnées pendant 30 années de vie publique. Il faut une réappropriation de ses valeurs par ceux qui se reconnaissent en lui. Cela, c’est surtout l’affaire de sa descendance.
Célébrons nos amis, nos frères et nos leaders, nous bâtirons une communauté pleine d’humanité dans le respect de nos différences. Ne dites surtout que c’est de la naïveté sociale et politique. Aucun pays fort au monde n’a émergé dans la méchanceté et le déchirement, comme nous en faisons sérieusement l’apologie aujourd’hui en Côte d’Ivoire.
LAISSONS LES GENS AIMER LES GENS