A la tête de la Côte d’Ivoire depuis 2011, le président de la République, Alassane Ouattara, fait face, depuis son accession au pouvoir, à toutes sortes de critiques. Même les plus absurdes.
« Allons-nous sombrer dans le mutisme face à la mise en place d’une dynastie Ouattara? »
La Côte d’Ivoire est-elle sur la voie d’une dynastie naissante? Cette question qui est sur toutes les lèvres depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, surtout avec la présence dominante de membres de sa famille biologique dans la gestion des affaires de l’Etat, a été remise au goût du jour. Et pour cause. Le lundi 08 mars 2021, le chef de l’Etat ivoirien a procédé à la signature de deux décrets portant intérim d’Hamed Bakayoko, Premier ministre et ministre de la Défense, malade depuis quelques temps.
Ainsi donc, Patrick Achi, le secrétaire général de la présidence, assure l’intérim en tant que Premier ministre (PM) en l’absence du Golden Boy. Pareil pour Téné Birahima Ouattara, le petit frère du président Alassane Ouattara, actuel ministre des Affaires présidentielles, qui se voit ainsi confier, à titre intérimaire, la fonction de ministre de la Défense.
Nommé d’abord intérimaire du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, Hamed Bakayoko avait été confirmé à ce poste après le décès brusque de son prédécesseur en juillet 2020 des suites d’une crise cardiaque alors que celui-ci revenait de deux mois de soins intensifs en France.
« Le président de la République a procédé ce jeudi 30 juillet 2020 à la signature d’un décret portant nomination de M. Hamed Bakayoko en qualité de premier ministre, chef du gouvernement, ministre de la Défense», avait informé la présidence de la République.
A peine huit (08) mois après sa confirmation en tant que Premier ministre, voici qu’Hamed Bakayoko fait, lui-aussi, face à un état de santé précaire. Récemment revenu d’une visite privée en France, le chef du gouvernement ivoirien a été évacué, le jeudi 18 février, vers Paris afin d’y subir des examens médicaux. Si des proches avaient au départ, évoqué la thèse d’une « grosse fatigue », il faut dire que les choses se sont par la suite compliquées, poussant le gouvernement ivoirien à réagir presqu’à demi-mot.
« Le Président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, a effectué un séjour en France du 26 février au 4 mars 2021, au cours duquel il a eu un entretien suivi d’un dîner avec le Président de la République française, Son Excellence Monsieur Emmanuel Macron. Au cours de son séjour, le Président Alassane Ouattara a rendu visite au Premier Ministre, Hamed Bakayoko, actuellement hospitalisé à Paris. Compte tenu de l’état de santé du Premier ministre, il a été recommandé une prolongation de son hospitalisation. Toutes les pensées du Chef de l’Etat, du gouvernement et de la Nation entière accompagnent le Premier Ministre dans cette épreuve ainsi que des vœux de prompt rétablissement », a fait savoir la présidence ivoirienne le vendredi 5 mars 2021.
On apprendra le 06 mars, de Jeune Afrique, que le ministre des NTIC sous le régime de Laurent Gbagbo, a été transféré vers l’Allemagne pour y subir d’autres soins. En attendant qu’il recouvre la santé et son retour en Côte d’Ivoire, Hamed Bakayoko qui cumulait les postes de Premier ministre et ministre de la Défense, a été remplacé (à titre intérimaire) par Patrick Achi, désormais Premier ministre, chef du gouvernement; et Téné Birahima Ouattara, ministre de la Défense.
Le juriste Geoffroy Julien Kouao réagit à la nomination de Birahima Ouattara: « La loi n’interdit pas au Président de nommer son petit frère, son père ou son épouse, mais…»
Et c’est justement au sujet de celui que les Ivoiriens appellent affectueusement « Photocopie », du fait de son extrême ressemblance avec son frère Président Alassane Ouattara, que le bât blesse. Consultant en Stratégie digitale et militant politique, Jules Brou n’a pas mis du temps pour réagir à ce réaménagement technique du gouvernement ivoirien.
« Un véritable problème d’éthique! Avec cette nomination, la Côte d’Ivoire a véritablement touché le fond. Allons-nous sombrer dans le mutisme face à la mise en place d’une dynastie Ouattara? », a interrogé l’activiste proche de Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, en exil en Europe depuis décembre 2019.
De façon brève, une dynastie est une succession de dirigeants d’une même famille. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, peut-on véritablement évoquer l’idée d’une dynastie naissante avec la famille Ouattara? « M. Birahima Ouattara est un citoyen ivoirien comme tous les 23 millions d’Ivoiriens. Aussi, il peut être valablement nommé ministre par le président de la République. La loi n’interdit pas au président de nommer son petit frère, son père ou son épouse comme membre du gouvernement. Il n’y a aucune illégalité ici. Par exemple, la loi interdit que deux frères ou des époux soient dans le même conseil municipal », répond Geoffroy Julien Kouao à Afrique-sur7.
« Les deux nominations ne devraient pas être faites en même temps »
Mieux, poursuit le Politologue, ‘’Birahima Ouattara avait déjà le titre de ministre’’; et donc, n’est pas un parvenu dans l’arène politique. Seulement voilà, là où l’écrivain co-fondateur du think thank Miu-mou-né Institut des Libertés, n’est pas d’avis avec le chef de l’Etat ivoirien, c’est lorsque le ministre de la Défense par intérim est désigné au même titre et au même moment que le Premier ministre, chef du gouvernement.
« Selon la constitution, c’est le président de la République qui est compétent pour nommer les ministres sur proposition du Premier ministre. De ce qui précède, le Premier ministre intérimaire devrait être nommé d’abord, et sur proposition de ce dernier, le président de la République nomme le ministre de la Défense. Les deux nominations ne devraient pas être faites en même temps », relève le juriste Geoffroy Julien Kouao, auteur du livre « Côte d’Ivoire: Une démocratie sans démocrates ? La ploutocratie n’est pas la démocratie».