Ministre de la Réconciliation nationale en Côte d’Ivoire, Kouadio Konan Bertin dit KKB multiplie les contacts pour accélérer le retour de l’ancien président Laurent Gbagbo et son homme de main, Charles Blé Goudé, sur leur terre natale.
Kouadio Konan Bertin: “Est-ce qu’en 2011, Bédié et Alassane Ouattara ne se sont pas retrouvés au Golf Hotel?”
Nommé en décembre 2020 par le chef de l’Etat Alassane Ouattara, pour faire aboutir l’épineuse question de la réconciliation nationale aux côtés du Premier ministre Hamed Bakayoko. L’Ivoirien KKB ne cesse de sillonner depuis, le terrain à la rencontre des acteurs locaux mais aussi des exilés politiques dont l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo dont-il ne nie pas le rôle majeur dans le processus de réconciliation nationale.
“Nous savons tous que Laurent Gbagbo est un acteur majeur de la crise. Sa vision, on doit en tenir compte; ses observations, on doit les intégrer; ses préoccupations doivent être intégrées. De toute évidence, je lui dois une visite, ne serait-ce que de courtoisie, pour que nous en discutions”, confia-t-il sur Rfi.
Candidat face à Alassane Ouattara lors de la présidentielle d’octobre 2020 qu’il avait choisi de ne pas boycotter contrairement au reste de l’opposition, le ministre Kouadio Konan Bertin entend s’envoler pour Bruxelles où le « Woody » de Mama est en liberté sous conditions après son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI).
Charles Blé Goudé, libéré au même moment que Laurent Gbagbo, opposant historique à feu Félix Houphouët-Boigny, en résidence en Belgique avec sa seconde épouse, Nady Bamba, lui, a choisi de toujours demeurer non loin de la prison de Scheveningen à La Haye.
KKB qui a annoncé des voyages prochainement en Europe et à Accra, pour rencontrer les exilés politiques et en particulier les deux ex-pensionnaires de la CPI, a exprimé quelques difficultés à rencontrer le président déchu le 11 avril 2011 sous les feux de l’armée française et des forces républicaines issues de l’ex-rébellion conduites par Guillaume Soro.
“Je dis que la question est en cours”, a fait savoir de manière laconique ce vendredi, le nouveau ministre de la Réconciliation nationale, dans un entretien accordé au journaliste Pierre Pinto de Rfi.
“Vous savez très bien qu’entre Blé Goudé et moi, c’est fluide. Nous nous parlons tous les jours. Donc avec Blé Goudé, je n’ai pas besoin de négocier un accord au préalable pour le voir. Il est disposé à me rencontrer à tout moment. Le président Laurent Gbagbo sort de prison, c’est un ancien président de la République qui a un agenda; on a donc besoin de discuter de ces questions avec lui pour voir sa disponibilité, son accord pour le rencontrer”, a précisé Kouadio Konan Bertin.
Le ministre KKB s’était déjà rendu à La Haye le lundi 14 juillet 2014 où il avait échangé avec l’époux de Simone Gbagbo et son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé.
Kouadio Konan Bertin espère pouvoir rencontrer Laurent Gbagbo et Blé Goudé dans les jours ou semaines qui viennent. Du côté du camp Gbagbo, le Front populaire ivoirien, parti politique fondé par lui, estime que le gouvernement ivoirien ne semble pas pressé d’accueillir son leader sur le sol national.
« La direction du Front populaire ivoirien qui s’inscrit résolument dans cette voie d’apaisement, en appelle encore à l’engagement du gouvernement à réunir, dans un délai convenable, les conditions du retour effectif en Côte d’Ivoire, du président Laurent Gbagbo », déclarait Assoa Adou, le secrétaire général du FPI, dans un communiqué.
En prélude à une rencontre entre Kouadio Konan Bertin et les parents de Laurent Gbagbo, le dimanche 24 janvier 2021 à Mama, ceux-ci lui ont fait part de leur désir de retrouver leur enfant. « Nous attendons notre fils Laurent Gbagbo. Peut-être que notre fils KKB est porteur de bonnes nouvelles, donc nous l’attendons », a déclaré le chef de terre de Mama Goli Obou Joseph.
Kouadio Konan Bertin: « Pourquoi j’ai dit non au boycott actif de Bédié et Affi Nguessan »
Le ministre de la Réconciliation en avait profité pour revenir sur ses motivations de ne pas se joindre à l’appel au boycott actif lancé par l’ensemble de l’opposition ivoirienne lors de la présidentielle du 31 octobre 2020.
“Je veux être cohérent dans ma vie. Dans ce que j’ai choisi de faire de la politique, je veux être cohérent… Je ne m’engagerai jamais par culture politique dans le boycott, en plus, actif ! Cela suppose que l’on mette la vie des citoyens en danger ! Je n’ai pas suivi cette voie. Houphouët nous indiquait toujours qu’il faut toujours recourir au dialogue en début de crise”, a précisé KKB.
“Mais est-ce qu’après les morts (de 2011), Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara ne se sont pas retrouvés au Golf Hotel ? Il faut laisser derrière soi le passé pour construire l’avenir ! Bédié reste le président du PDCI-RDA. Lui aussi est un acteur. Il est au centre des débats, de la discussion. J’ai essayé de le voir pour désamorcer, pour arrondir les angles entre nous”, a conseillé Kouadio Konan Bertin.
Pour rappel, Laurent Gbagbo s’est vu remettre récemment ses passeports et il compte revenir dans son pays dans les semaines qui viennent. « Le président Laurent Gbagbo a reçu ce jour deux passeports, un ordinaire et un diplomatique », a fait savoir Me Habiba Touré dans un communiqué en décembre 2020.
Le retour de Laurent Gbagbo en discussion à Abidjan
Le retour de l’ancien chef de l’État est l’un des points en discussion entre le pouvoir et une partie de l’opposition ivoirienne qui a longtemps affirmé ne pas reconnaître la réélection du président Ouattara, avant de se raviser après l’ouverture d’un dialogue politique qui a donné lieu à une décrispation.
En dépit des multiples rencontres entre le camp Gbagbo et le Premier ministre Hamed Bakayoko pour s’accorder sur une date et les conditions du retour du Woody de Mama, aucun consensus n’a pour l’instant été trouvé.
Dans un article publié le 9 février dernier, Jeune Afrique indiquait d’ailleurs qu’ « en coulisses, Alassane Ouattara insiste pour que l’ancien président lui téléphone. Mais, ce dernier, en séjour prolongé à Bruxelles, n’a pour le moment pas donné suite à cette demande ».
N’empêche qu’une fumée blanche est en passe de sortir des négociations de la classe politique ivoirienne.