En rupture de ban avec Alassane Ouattara, le président de la République de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, démissionnaire de la présidence de l’Assemblée nationale ivoirienne, vit exilé depuis 2019.
Comment Guillaume Soro a quitté Alassane Ouattara
A la tête d’une rébellion armée en septembre 2002 contre Laurent Gbagbo, alors chef de l’Etat ivoirien, Guillaume Soro est nommé plus tard Ministre, puis Premier ministre de Côte d’Ivoire à la suite de plusieurs accords passés en vue d’un cesser-le-feu et du retour de la paix dans le pays. Mais en 2010, lorsque les élections présidentielles sont organisées, l’ancien chef rebelle se range derrière Alassane Ouattara, le candidat du RDR devenu candidat RHDP lors du second tour de la présidentielle.
Mieux, lorsqu’au terme du scrutin présidentiel, le fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) refuse de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, déclaré élu par la Commission électorale indépendante (CEI) et l’ONU, Guillaume Soro fait descendre ses troupes de Bouaké vers Abidjan pour tenter de le déloger de force. Après avoir réussi grâce au soutien de la France à installer au pouvoir l’actuel leader du RHDP, Soro est récompensé par la présidence de l’Assemblée nationale qu’il occupe jusqu’à sa démission en février 2019.
Le jour de sa démission, le 08 février 2019, l’ancien secrétaire général de la FESCI (Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire) déclare avoir eu deux tête-à-tête avec Alassane Ouattara sur son « positionnement idéologique par rapport au RHDP » mais qu’il a refusé de trahir ses convictions pour des strapotins. « Je veux que mes concitoyens retiennent de moi le souvenir d’un homme de conviction. Debout, je rends ma démission de président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. J’ai sacrifié mon poste pour la paix en Côte d’Ivoire. Me voilà ancien président de l’Assemblée nationale, simple député, et vice-président élu de l’Union parlementaire de la Francophonie »,a-t-il lâché du haut de la tribune.
L’exil de Guillaume Soro et son lâchage par ses proches
Après sa démission de la présidence de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro effectue une longue tournée dans le nord de la Côte d’Ivoire avant de s’envoler pour l’Europe d’où il annoncera sa candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Mais après plusieurs mois de séjour hexagonal, l’homme qui a successivement été Premier ministre de Laurent Gbagbo puis du président Alassane Ouattara, ne regagnera pas la Côte d’Ivoire.
Sa volonté de revenir au pays en décembre 2019 bute sur un important dispositif policier mis en place à Abidjan pour le cueillir dès son arrivée à l’aéroport Félix Houphouet-Boigny, pour tentative de déstabilisation de la Côte d’Ivoire. Mais futé, l’ancien chef de la rébellion armée de septembre 2002, réussit à déjouer le coup. Il déroute son avion vers le Ghana voisin avant de s’envoler à nouveau vers l’Europe.
Depuis lors, il multiplie les attaques contre le chef de l’Etat ivoirien, parfois avec des propos dénués de toute élégance politique. Répondant au président Ouattara qui déclarait dans une interview que ‘’Soro est un jeune homme enivré par le pouvoir et l’argent’’, le fondateur du mouvement politique GPS (Générations et peuples solidaires), a cru bon d’apporter la réplique.
« Alassane dit que je suis enivré par l’argent et le pouvoir. Il a raison de le dire parce que je lui donnais l’argent. Faut pas il va faire je vais parler. Il y a des choses je ne veux pas dire. Il est en train de bavarder, je vais donner crédit aux opposants. Lui, il avait l’argent pour faire l’élection de 2010. Il n’a pas escroqué pour faire l’élection de 2010. Il veut que je lui dise où il est allé prendre son argent pour faire l’élection de 2010 », s’est-il énervé avant de lâcher: « Je lui donne rendez-vous. Il sera assis à terre et puis on va lui donner des conseils ».
Comment Guillaume Soro s’est isolé
Une radicalisation de sa posture qui va conduire certains de ses proches à le lâcher; qui avant la présidentielle, qui encore dès la réélection du chef de l’Etat sortant après la présidentielle d’octobre 2020. Aujourd’hui, après les départs de Touré Alpha Yaya, Tazéré Célestine, Méité Sindou et Alphonse Soro, l’ancien filleul de Blaise Compaoré est de plus en plus isolé. Sa parole, autrefois prise comme parole d’évangile au sein de son establishment, ne pèse plus un seul clou.
Et lorsqu’il défend aux cadres de sa coalition de prendre part aux élections législatives du 06 mars 2021, des caciques comme Alain Lobognon en prison depuis son retour manqué à Abidjan, se portent candidats indépendants à son corps défendant. Mais ce n’est pas tout. Sékongo Félicien, un de ses farouches partisans, par ailleurs Précisant du Mouvement pour la promotion des valeurs nouvelles (MVCI), vient, lui aussi, de désavouer l’ancien président de l’Assemblée nationale, relativement au projet de fusionner tous les partis et mouvements proches de l’ex rebelle au sein d’un seul parti politique.
« Le Parti ne saurait s’engager dans un processus de disparition pour la création d’un autre Parti dit GPS. Et pour marquer cette position, le MVCI a retiré tous ses membres des structures techniques de travail dont s’était doté GPS mouvement citoyen (…) Il n’a jamais été question d’une inféodation du parti à GPS (…) Le MVCI appelle donc ses sympathisants, militants et membres à se tenir loin des activités de GPS ou à s’y considérer comme agissant à leur propre compte. Le militantisme est libre et fonction de l’orientation idéologique qui rencontre l’assentiment du militant », a-t-il fait savoir dans une déclaration cette semaine.
Pourchassé par le gouvernement ivoirien et lâché par ses proches, l’ancien leader des Forces nouvelles pourrait se retrouver les jours à venir, complètement esseulé s’il ne revoit pas sa copie. Aujourd’hui, devenu la risée de nombreux Ivoiriens pour ses sorties intempestives et sans effet contre le régime d’Abidjan, l’ex compagnon de lutte de Charles Blé Goudé à la FESCI, risque sa carrière politique.
Car ses anciens proches qui l’ont lâché pour réjoindre le RHDP (parti au pouvoir), sont ceux-là mêmes qui sont devenus ses plus farouches pourfendeurs. En témoigne la parabole lancée par Alphonse Soro sur les réseaux sociaux: « Quand on nous enseignait que c’est le fils qui s’assoit obligatoirement à terre pour écouter les conseils du père. C’est çà le Senoufo », a-t-il écrit.
Comme pour dire qu’en lieu et place du président Ouattara (le père), c’est plutôt Guillaume Soro (le fils) qui se doit d’être assis par terre pour écouter les conseils qu’on lui donne. Dans le cas contraire, il se retrouvera la tête droit dans le mur.