Sous le feu des critiques, le président de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), Sylvain Oré, recadre ceux qui doutent de la crédibilité de l’institution judiciaire panafricaine forte de 31 membres, qu’il dirige.
Sylvain Oré (président de la CADHP): « On est incompris. 06 pays sur 30 acceptent que leurs citoyens saisissent la Cour (…) Mais les 30 sont justiciables »
Les décisions rendues par la Cour au profit des opposants ivoirien Guillaume Soro et béninois Sébastien Ajavon, ont irrité les gouvernements de Côte d’Ivoire et du Bénin. Ceux-ci ont donc mis fin au droit accordé à leurs ressortissants de saisir la Cour d’Arusha. Mais Sylvain Oré affirme que ces critiques n’entament pas l’indépendance de la CADHP qui tranche les dossiers de violation de la Charte africaine des droits humains.
Extrait de son interview accordée à Dw.com.
Des retraits de reconnaissance de plusieurs Etats de la CADHP
Les contestations des Etats aux décisions défavorables ne sont ni spécifiques à l’Afrique, ni une première concernant la Cour africaine. On pourrait même estimer que les Etats n’aiment pas perdre. Cela dit, il faut comprendre les réactions des Etats souverains et qui doivent garantir le fonctionnement continue des institutions dans un certain environnement politique. C’est justement là, le défi de la garantie de l’Etat de droit, qui a un coût : c’est le respect de la loi quoi qu’il en coûte.
Des erreurs de décisions de la CADHP
Je ne pense pas qu’on puisse parler d’erreurs. La Cour a dit le droit en toute indépendance. Il serait dangereux de croire que ces critiques, observations et commentaires à l’égard de la Cour puissent entamer son indépendance. Non il n’en est pas question. Il est plutôt souhaitable d’approcher les parties en présence pour leur expliquer le fonctionnement de la Cour.
Dialogue entre la Cour avec les pays réfractaires
La Cadhp a toujours entrepris ces genres de démarches pour présenter la Cour et son mandat et son fonctionnement. Nous continuerons à entretenir ce débat afin que les incompréhensions puissent être dissipées.
La CDHP et la Cour d’arbitrage d’Abidjan
Nous n’avons pas empiété sur les décisions de la Cour commune de justice et d’arbitrage d’Abidjan. Lorsque nous sommes saisi, c’est parce que les requérants qui nous saisissent nous font part de certaines allégations de violations des droits de l’homme qui sont contenus dans les instruments qui ont été ratifiés par les Etat-défendeurs.
La Tanzanie, le Rwanda, le Bénin et la Côte d’Ivoire claquent la porte
Lorsque les Etats retirent leur reconnaissance, la Cour subit un coup. Mais Si la Cour subit un coup, les Etats et d’ailleurs l’Union africaine (UA) dans son ensemble subissent aussi un coup. Un coup à la crédibilité de l’engagement des Etats et de l’union au principe de l’Etat de droit, de la démocratie et de la Bonne gouvernance.
La CADHP, une cour indésirable ?
Je ne le dirai pas. Je dirai peut-être qu’on est incompris. 06 pays sur 30 acceptent que leurs citoyens saisissent la cour. Je précise que ce sont ces six pays qui acceptent de saisir directement la Cour. Mais les 30 sont justiciables devant la Cour par d’autres moyens indirects dont notamment en passant par Commission Africaine des Droits de l’Homme. Il est important de faire cette clarification.