Marcel Amon Tanoh (MAT) est à la croisée des chemins. C’est le moins que l’on puisse dire, car, après sa candidature manquée à l’élection présidentielle de 2020, l’ex-ministre des Affaires étrangères est partagé entre le pouvoir et l’opposition. N’empêche qu’il entend tracer son propre sillon, quand bien même il est incompris de certains de ses compatriotes.
Dans sa fougue de nouvel opposant, Marcel Amon Tanoh se fait recadrer par Bictogo
Démissionnaire de son poste de ministre des Affaires étrangères à cause de quelques divergences internes liées à la désignation du candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti au pouvoir) à la présidentielle du 31 octobre 2020, Marcel Amon Tanoh a rejoint les rangs de l’opposition. Même si l’ancien chef de la diplomatie ivoirienne y avançait dans un premier temps à pas feutrés, il s’est totalement lâché lors d’un meeting de l’opposition, le 10 octobre dernier, au stade Félix Houphouët-Boigny.
À ce grand rassemblement des leaders de l’opposition, l’ancien lieutenant d’Alassane Ouattara s’est voulu on ne peut plus acerbe contre le pouvoir de son ancien patron. « Nous sommes prêts à mourir pour notre pays. Nous sommes prêts à mourir pour libérer notre pays de la dictature d’Alassane Ouattara. Nous ne reculerons plus devant rien. Nous sommes debout. Nous en avons marre. Dites-lui de libérer notre pays et de nous le rendre ! » a-t-il lancé sous des ovations nourries.
La réplique à cette attaque frontale ne s’est pas fait attendre. Et c’est bien Adama Bictogo, Directeur exécutif du RHDP, qui a pointé « l’ingratitude » de son ancien camarade de parti. « Nous n’accepterons pas qu’il fasse preuve d’ingratitude. Nous disons à Amon-Tanoh « Tu dois la fermer ! » On ne peut pas être ingrat jusqu’au bout […] avec tout ce que tu as reçu, tout ce qui t’a lié au président Alassane Ouattara. »
Démissionnaire du Gouvernement, vers un rétropédalage d’Amon Tanoh ?
Et depuis, le fils de Lambert Amon Tanoh, ancien compagnon d’Houphouët-Boigny, est quelque peu resté à équidistance du pouvoir et de l’opposition. Désavouant publiquement le Conseil national de transition (CNT) mis en place par Henri Konan Bédié et d’autres opposants, Amon-Tanoh a également fait volte-face aux mots d’ordre de désobéissance civile et de boycott actif lancés par les plateformes de l’opposition. « Je suis un homme responsable. Je ne suis pas prêt à les envoyer mourir, donc je ne les appelle pas à marcher », s’est-il justifié.
MAT a par ailleurs appelé le Président Ouattara à faire un signe d’apaisement en libérant les personnes incarcérées dans le cadre de cette crise politique. Même si certaines sources soutiennent que l’ancien Directeur de Cabinet d’Alassane Ouattara a subi des pressions et autres menaces qui l’ont ramolli, il n’en demeure pas moins que l’intéressé clame haut et fort qu’il n’est pas un « homme peureux ». Mais plutôt il se laisse guider par ses propres convictions, sans se laisser dicter sa conduite.
Marcel Amon Tanoh appelle pouvoir et opposition au dialogue
D’ailleurs, Marcel Amon Tanoh appelle les acteurs politiques ivoiriens, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, à un « dialogue inclusif ». « Si le président décide d’ouvrir le gouvernement à l’opposition, on écoutera et on observera. Si je peux servir mon pays, je ne dis pas non », s’est-il confié à Jeune Afrique.
Cette affirmation de l’ancien membre du gouvernement laisse clairement apparaître sa volonté de revenir au coeur du pouvoir et des instances de décisions après avoir claqué la porte, le 19 mars 2020. Mais la question est de savoir si ses compagnons d’hier accepteraient de siéger avec lui. Car, confie un ministre sous couvert d’anonymat : « Il n’est pas crédible. Il a été aux côtés du président pendant des années et a été un de ses plus proches lieutenants. Sa démarche est incohérente et illisible. »