Guillaume Soro et le Président Alassane Ouattara, jadis de grands alliés désormais à couteaux tirés, vont devoir fumer le calumet de la paix malgré eux. Ils y gagnent chacun et la Côte d’Ivoire aussi. Ces deux hommes, rendus complices par l’histoire politique, se regardent aujourd’hui en chien de faïence… approche de Patrice Dama.
Guillaume Soro, et pourquoi pas un retour dans la république ?
Guillaume Soro en guerre larvée contre Alassane Ouattara, qui l’aurait cru ? Ces deux personnalités politiques de Côte d’Ivoire en sont pourtant à se détester mutuellement. L’ancien secrétaire général de la FESCI a beau affirmer qu’il n’a « pas de problème personnel avec Alassane Ouattara », il ne manquera pas la première occasion de lui faire payer ses difficultés du moment. Mais le Président ivoirien est-il plus heureux de la situation actuelle ? Difficile à croire lorsqu’on sait qu’il a dû se résoudre à un troisième mandat pour se sentir en sécurité. Pour échapper à ce qui aurait pu lui tomber dessus, le Président et ses fidèles ont estimé qu’il ne pouvait en être autrement après le décès d’ Amadou Gon Coulibaly.
Même si l’entourage respectif de chaque camp a joué la carte de la division de ses deux leaders, le bonheur de la Côte d’Ivoire oblige au rajout d’un peu d’eau dans chaque vin. Guillame Soro en veut à Ouattara pour des promesses personnelles non tenues. Alassane Ouattara n’a pas pu tenir ses promesses suite à sa découverte de propos tenus en off par l’ancien Président de l’Assemblée Nationale ivoirienne à son encontre. Quoi que puisse rajouter chaque camp pour légitimer sa position contre l’autre, les enregistrements audio de la tentative manquée de coup d’État au Burkina Faso ont eu un réel impact sur la relation entre les deux hommes.
Guillaume Soro – Alassane Ouattara, ce qui a tout gâché
Les propos prêtés à Guillaume Soro sur la sécurité d’ Alassane Ouattara ont fâché le Président ivoirien. Si des recommandations avaient en tout temps été faites à ADO sur la relative confiance à accorder à Guillame Soro, les écoutes téléphoniques du Burkina Faso ont été pour la présidence de la République de Côte d’Ivoire la preuve confirmative de tous les avertissements. Le Président a certes réglé diplomatiquement le problème avec le Burkina Faso, mais les dégâts de ces découvertes ont été irréversibles sur le plan de la confiance entre les deux hommes.
Soro Guillaume a ensuite vite compris que plus rien ne serait comme avant, quelles que soient les acrobaties auxquelles il pourrait se livrer pour convaincre le Président de sa bonne foi. Aujourd’hui, l’ancien patron de la rébellion armée de Côte d’Ivoire, qui a aidé à l’avènement du régime de Ouattara, est en exil. Guillame Soro a été contraint de démissionner de son poste de Président de l’Assemblée Nationale, ce qui a planté le décor.
Devenu opposant au Président ivoirien, il a porté la plus lourde charge contre lui dans la lutte contre son troisième mandat. Guillaume Soro a invité, le mercredi 4 novembre 2020, l’armée ivoirienne à barrer la route du troisième mandat à Ouattara. Le point de non-retour étant atteint, toutes les possibilités sont désormais envisagées dans la guerre entre les différents camps.
Ouattara, après avoir affirmé pendant la campagne électorale qu’il allait faire extrader Guillaume Soro en Côte d’Ivoire, a obtenu son expulsion de France. Emmanuel Macron a affirmé que l’ancien Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire n’était plus le bienvenu dans son pays. Le Président français va pour se faire utiliser l’appel de Soro à un coup d’État pour justifier la décision de la France, qui n’entendrait pas s’ingérer dans les affaires de la Côte d’Ivoire…que d’incohérences venant de Paris…
Il faut désactiver la menace extérieure par la réconciliation
Au RHDP, certains cadres applaudissent à tout rompre la décision de la France d’expulser Soro. Pour eux, Paris est dans leur camp et ils y voient une victoire sur Guillaume Soro. Personne ne se demande dans ce parti pourquoi la France n’a pas directement extradé Guillame Soro en Côte d’Ivoire si elle est vraiment avec eux. La réponse est pourtant simple ; la présence hors de Côte d’Ivoire de l’ex-rebelle constitue en réalité un moyen de pression de Paris sur le Président Ouattara. La France, et surtout Macron, a là un joli moyen de pression peu coûteux sur le chef de l’État ivoirien et n’hésitera pas à se réconcilier avec Soro si des divergences fortes venaient à apparaître avec Ouattara. Macron n’a pas adoubé la troisième candidature du Président ivoirien, mais a décidé de laisser faire, quitte à justifier son ni non ni oui par des arguments farfelus.
À l’extérieur, Guillaume Soro est naturellement une menace. Laurent Gbagbo en sait quelque chose. S’il se sent persécuté, traqué, sans solution démocratique pour se réhabiliter, il n’hésitera pas à adopter contre Ouattara la première solution crédible qui lui permettra d’inverser la situation. Dieu seul sait laquelle. Et tout le monde le sait, il se trouvera toujours dans le monde des hommes d’affaires, soucieux d’avoir de grandes entrées en Côte d’Ivoire, pour financer une action déstabilisatrice. Paris, au détriment de la Côte d’Ivoire et de Ouattara lui-même, a tout à gagner au règne d’une instabilité sur le pays.
Avec le retour en préparation de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara peut faire d’une pierre deux coups pour se réconcilier avec la classe politique ivoirienne, seule réelle sécurité pour son régime. Autrement, des actions peu démocratiques pour l’évincer du pouvoir pourraient sans hésitation être soutenues par tous. C’est la conséquence du seul contre tous.