En Côte d’Ivoire, la conduite des dossiers judiciaires par Adou Richard, le procureur de la République, fait l’objet d’une vive polémique sur les réseaux sociaux. Des voix s’élèvent pour dénoncer son manque de partialité.
Que reproche-t-on réellement au procureur Adou Richard?
La polémique sur l’équité de la justice en Côte d’Ivoire fait rage depuis l’avènement au pouvoir du président Alassane Ouattara. D’abord avec l’affaire des pro-Gbagbo arrêtés après la crise post-électorale de 2010-2011, puis celle des proches de Guillaume Soro, accusés de « tentative de déstabilisation« . La polémique s’est davantage accrue depuis les récents incidents qui ont émaillé le dernier scrutin présidentiel du 31 octobre 2020. Au moins 85 personnes ont perdu la vie; près de 500, blessés; et d’importants dégâts matériels. Les violences ont donné lieu à de multiples arrestations, principalement dans le seul camp de l’opposition alors que des incidents ont été déplorés de part et d’autre.
« Nous dénonçons le fait que dans certains cas, des personnes soient précipitamment arrêtées avant l’ouverture d’une quelconque enquête et dans d’autres cas tels que l’assassinat de plus d’une centaine de manifestants aux mains nues, aucune interpellation ne soit annoncée », s’insurgeait récemment Samba David, le président de la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire. « Le cas le plus flagrant qui suscite notre indignation est celui du jeune décapité (à Daoukro, fief du président du PDCI-RDA), dont les images des bourreaux pullulent la toile », a-t-il dénoncé.
Ces accusations seront soutenues quelques jours plus tard par le mythique groupe zoulou ivoirien, Yodé et Siro, lors d’une prestation musicale à Yopougon. « Le procureur (Adou Richard), il n’est plus procureur ? Il est procureur d’un seul camp. C’est quel pays ça là ? (…) Allez dire au procureur Adou Richard qu’un mort c’est un mort, on ne passe pas son temps à chercher les petits Baoulés dans les villages pendant que d’autres (Microbes) sont ici avec des machettes et sont en train d’attaquer de pauvres gens », ont-ils enfoncé.
Citoyens et avocats interpellent le procureur Adou Richard
Les arrestations de certains jeunes et autres leaders de l’opposition, ont suscité la réaction d’un groupe de femmes Tchamans, réunies au sein du collectif des femmes Atchan des 63 villages d’ Abidjan. Annick Petty Koutouan et ses camarades sont montées au créneau pour dénoncer des arrestations arbitraires et exiger au passage la libération immédiate de toutes les personnes incarcérées, notamment Aguedé Paulin, leader de jeunesse du Front populaire ivoirien (FPI).
« Je dénonce cette justice à deux vitesses (…) On prend des jeunes qui ont obéi à un mot d’ordre de désobéissance civile (…) sans armes, sans fusils, sans machettes; on les met en prison. On leur dénie même le droit à la présomption d’innocence, à avoir des avocats. Et de l’autre côté, on laisse des milices tuer des jeunes », ont-elles dénoncé. Avant d’interpeller le procureur Adou Richard: « Nous interpellons le procureur de la République en lui disant qu’est-ce qu’il attend pour attraper les assassins de ces nombreux jeunes durant les tragiques évènements de la crise électorale ».
Adou Richard, «un procureur aux ordres », selon Me Dagbo, avocat d’Affi N’guessan
Selon Me Pierre Dagbo, avocat au barreau d’ Abidjan et Conseil de l’ex-Premier ministre Pascal Affi N’guessan, il n’y a aucun doute que le procureur de la République, Adou Richard, soit un homme neutre. « Je ne me cache pas, le procureur de la République est aux ordres de la chancellerie, c’est-à-dire du ministre de la Justice », a récemment dénoncé l’avocat.
Me Dagbo a par ailleurs confié qu’à chacun de ses échanges avec le procureur, ce dernier fait savoir toujours être en attente « d’ instructions ». « Pourtant, nos rapports au tribunal, sont bien définis par le code de procédure pénale. Même s’il reçoit des instructions, il faut que cela s’inscrive dans le code de procédure pénale. Mais hélas ! », a regretté Me Pierre Dagbo.