Les arguments à caractère « ethnico-religieux », publiés dans un article à caractère tendancieux, mardi 27 octobre 2020 sur le site de France 24, le média d’ Etat français, ont fait réagir, Justin Koné Katinan, ex-ministre ivoirien du Budget, en exil au Ghana. Selon le porte-parole de Laurent Gbagbo, il n’y a aucun doute que derrière cet article tendancieux, se cache la main de la France officielle qui tente de légitimer la candidature « anti-constitutionnelle » du candidat Ouattara. Ci-dessous l’intégralité de son adresse.
Koné Katinan revient sur l’article de France 24: « La France veut éclipser le débat politique sur l’illégalité de la candidature de Ouattara »
« Elle annonce partout qu’elle s’abstient de s’ingérer dans l’élection présidentielle ivoirienne. Pourtant, jamais la France officielle ne rate aucune occasion pour rappeler à ceux qui lui accordent le bénéfice du doute, qu’elle a pris fait et cause pour Ouattara. Elle donne de la voix assourdissante pour montrer qu’elle reste un acteur, certainement le plus important, de la vie politique ivoirienne. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire ou d’écouter les porte-voix de cette France, notamment France 24 et les dépêches de l’AFP.
Ce mardi 27 octobre 2020, un article publié sur le site de F24 par sa correspondante en Côte d’Ivoire, Caroline DUMAY, reprend, mieux que ne l’aurait fait le service de communication de Ouattara, les arguments ethnico-religieux de celui-ci. Le titre de l’article : « Présidentielle en Côte d’Ivoire : la place des musulmans, enjeu crucial du scrutin », est en lui-même évocateur du parti pris de son auteur. Cependant, au-delà du parti pris, c’est le caractère extrêmement dangereux de la thèse soutenue par cet article qui inquiète.
Dès l’entame, l’auteur annonce les couleurs dans le chapeau de son article en ces termes « l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir en 2011, premier Président musulman de Côte d’Ivoire, a placé cette communauté, jadis exclue, au cœur des rouages du pouvoir administratif et social. Après dix ans de guerre civile (2002-2011) qui ont divisé les Ivoiriens sur des lignes autant politiques que religieuses, la question de la place des musulmans dans le pays pourrait faire ressurgir les fantômes du passé ». Est bien ingénieux qui pourra faire la différence entre cette thèse et celle que Ouattara avance pour justifier le viol de la Constitution en se présentant illégalement à un troisième mandat.
En effet, dans plusieurs de ses interviews de campagne, le Chef de l’Etat ivoirien justifie sa candidature par le besoin de protéger les populations du Nord. Il récidive ainsi en reprenant les arguments qu’il avait avancés en 1995 : « on me refuse d’être candidat à l’élection présidentielle parce que je suis musulman et du Nord ». Ouattara a assis toute sa stratégie de conquête et de conservation de pouvoir sur la victimisation de sa personne et l’instrumentalisation des clivages sociaux dangereux pour la cohésion de la nation.
Malheureusement, il est appuyé à fond dans cette démarche par l’élite politique française. En effet, certains milieux de réflexion politique français pensent trouver dans l’arrivée à la tête de certains Etats de musulmans modérés une parade idéale pour contenir l’expansion du Djihadisme.
La Côte d’Ivoire fait partie de ces pays. C’est pourquoi, la France officielle s’était accordée le violon avec Ouattara sur le choix d’Amadou Gon. C’est également pour la même raison qu’elle veut éclipser le débat politique sur l’illégalité de la candidature de Ouattara et les conditions opaques de ce scrutin pour l’amener sur le terrain de la légitimité de ladite candidature.
En effet, en relevant que les musulmans font 43% de la population ivoirienne, repartis sur l’ensemble du territoire avec une plus grande proportion au nord, l’auteur tente de légitimer la candidature de Ouattara tout en disqualifiant l’opposition qui n’aurait de ce fait, aucune chance de gagner une élection face à Ouattara même si celle-ci est organisée dans les meilleurs conditions de transparence.
Dès lors, les revendications de l’opposition concernant la transparence du scrutin deviennent sans objet. En réalité, Ouattara et la France du CA 40 sont d’accord sur leurs intérêts mutuels. La protection des musulmans n’est rien d’autre qu’un cache-sexe très mince qui couvre difficilement les enjeux de cette élection que Ouattara veut organiser aux forceps, quitte à la remporter sans gloire.
Quoi que l’on puisse croire, Personne ne peut offrir à la France officielle autant que Ouattara. Et Ouattara est le premier à le savoir. C’est pourquoi, il ne manque jamais de rappeler à ses tuteurs, dans ses succès, la question du CFA qu’il a réussi à utiliser comme instrument pour saborder tous les efforts de plus de 40 ans de toute la sous-région dans son cheminement vers une monnaie commune.
L’étouffement dans l’œuf de l’ECO réussi par Ouattara n’est pas un gain négligeable pour la France. Les enjeux géostratégiques déterminent toute la politique française en Afrique. Les rivalités des autres puissances, qui la concurrencent ouvertement dans ce qui était jadis son pré-carré, fait perdre à la France son habilité diplomatique légendaire.
Elle avance maintenant à découvert comme l’illustre l’appel de Le Drian depuis Brazzaville ce mardi 27 octobre 2020. En effet, sur les traces de De Gaule, le ministre des affaires étrangères de France appelle l’Afrique à faire front avec la France pour faire face aux tentatives de prédation selon un article de Le Figaro qui reprend une dépêche de l’AFP. Dans ce combat vital, la France a besoin d’hommes qui lui sont redevables.
En Côte d’Ivoire, Ouattara est cet homme. Autrement, l’on comprendrait difficilement pourquoi Ouattara serait plus apte à protéger les musulmans ivoiriens que El Hadj Abdallah Toikeuse Mabri, qui a effectué le Hadj bien avant lui, ou que de Koulibaly Mamadou. Depuis le début de cette crise, les médias proches de la France officielle tentent maladroitement de donner une base légale et une légitimité à la candidature de Ouattara.
En effet, la quasi-totalité de ces médias qui traitent de la question, relèvent toujours que Ouattara avait décidé de ne pas se présenter à l’élection présidentielle. Mais la mort subite d’Amadou Gon a changé la donne. Ce seul fait suffit pour créer un état de nécessité qui confère une base légale à la candidature de Ouattara, même si celle-ci viole la Constitution. Ensuite, de l’état de nécessité, l’on glisse maintenant vers un droit humanitaire assez curieux de protection de la majorité musulmane ivoirienne.
Avec une telle prise en main de la communication de campagne de Ouattara par ses medias, comment la France officielle peut-elle soutenir sa non-ingérence dans l’élection ivoirienne. Or, l’angle de communication adopté par Ouattara et ses amis est extrêmement dangereux dans le contexte actuel de la Côte d’Ivoire, un contexte qui marque l’échec de la politique de Ouattara pendant ces dix dernières années.
Dans un contexte qui met en évidence la faiblesse de la cohésion sociale, l’article de Caroline DUMAY, qui incite à la haine religieuse n’est pas seulement une faute professionnelle. Il s’agit à la fois d’une irresponsabilité individuelle de cette journaliste et d’une irresponsabilité collective de France 24.
La suppression, après coup, de cet article ne peut effacer cette irresponsabilité individuelle et collective, puisque l’article en question a déjà été repris par plusieurs sites, notamment des pays arabes. L’auteur de l’article révèle que le nombre des musulmans a beaucoup augmenté ces dix dernières années notamment au niveau des jeunes. L’on ne peut s’empêcher d’établir un lien de cause à effet entre la prise de pouvoir d’Etat par le premier Président musulman et le nouvel intérêt que la jeunesse accorde à l’Islam.
Si donc le pouvoir d’Etat sert d’appât religieux, pourquoi les autres confessions religieuses laisseraient-elles perdurer le règne de Ouattara. Voilà comment, avec une légèreté déconcertante portée par des calculs d’intérêts de cercles mafieux situés loin d’Afrique, l’on crée ou envenime les conflits dans ce continent que le système tient dans la pauvreté.
L’on instrumentalisme le radicalisme islamiste en Côte d’Ivoire sans savoir que, à cet islamisme radical répond aujourd’hui un christianisme radical. La prolifération des églises dites « de réveil en Afrique », porteuses en sous-main d’une culture américaine et parfois très peu tolérables envers les autres chapelles religieuses en général et l’Islam en particulier, n’annonce-t-elle pas déjà l’aube des conflits aux allures de croisades entre l’Amérique et le monde arabo-musulman sur le sol africain ?
L’élite politique ivoirienne doit porter sa vigilance au maximum afin d’éviter pareil schéma chaotique à la Côte d’Ivoire. Les vautours et les hyènes ne sont jamais loin des corps mourants. Quiconque joue aux apprentis sorciers en instrumentalisant les concepts ethnico-religieux doit être combattu jusqu’à son extraction du corps social ivoirien.
Le ministre Justin Katinan KONE